Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Poitou (suite)

À l’époque des invasions barbares, au ve s., les Wisigoths s’installent dans cette région, d’où ils seront chassés un siècle plus tard par Clovis, à la bataille de Vouillé (507). Sous les Mérovingiens, le pouvoir réel appartient aux évêques, tandis que la vie monastique rayonne sur tout le pays, créant de nombreux foyers de défrichement, d’urbanisation et de vie religieuse et intellectuelle intense : fondation à Poitiers vers 544 par sainte Radegonde, la malheureuse épouse du roi Clotaire Ier, d’une des premières abbayes de femmes en Gaule (abbaye Sainte-Croix) ; fondation de Noirmoutier (par saint Philibert) et de Saint-Maixent.

Après la victoire de Charles Martel en 732 sur les Arabes, les Carolingiens forment un comté en Poitou, qui, particulièrement vulnérable par son littoral océanique, est envahi par les Normands dès le début du ixe s. : Poitiers est ravagée en 857 et en 865. À l’intérieur du vaste duché d’Aquitaine*, dont le comté fait partie, de multiples seigneuries s’installent dans le cadre de ce Poitou féodal, qui ne possède aucune unité politique ou administrative.

Aux xie et xiie s., la région se couvre d’églises, et la vie urbaine se développe peu à peu, stimulée par les pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle, qui cheminent sur toutes les routes du Poitou. C’est également l’époque de l’essor économique consécutif aux grands défrichements et à l’assèchement des marais côtiers.

En 1137, le mariage de l’héritière du duché d’Aquitaine, Aliénor, avec le roi de France Louis VII prépare le rattachement du Poitou à la Couronne ; mais cette union est retardée par le divorce du roi en 1152 et le remariage d’Aliénor avec Henri Plantagenêt, duc de Normandie et comte d’Anjou, héritier du royaume d’Angleterre (1154). Le roi Henri II* tient fermement le Poitou, mais, après sa mort en 1189, les querelles entre ses fils permettent au roi de France Philippe II* Auguste d’y imposer son autorité ; celui-ci fait son entrée à Poitiers en 1204.

Le Poitou féodal, toutefois, défend son autonomie et joue les Capétiens* contre les Plantagenêts*. Au cours de ces conflits, les principales villes du pays (Poitiers, Niort, etc.) obtiennent des chartes communales. En 1258-59, au traité de Paris entre Henri III et Louis IX, le Poitou revient à la France. Donné en apanage aux frères ou aux fils des rois, il ne relève, en fait, que du gouvernement royal.

La guerre de Cent* Ans ravage le Poitou (bataille de Poitiers, 19 sept. 1356). Au traité de Brétigny-Calais en 1360, le Poitou passe de nouveau sous la domination anglaise dans le cadre du duché d’Aquitaine, mais il est conquis par du Guesclin de 1369 à 1373. Plus tard Charles VII fait de Poitiers l’une de ses capitales et y fonde une université en 1431/32.

Sous Louis XI, le Poitou devient une province française administrée par un sénéchal. Au xvie s., la Réforme y fait de nombreux prosélytes. Calvin réside à Poitiers en 1534 ; un procureur se fait le recruteur des fidèles : « Il ne laissa, disait-on, coin du Poitou, Saintonge et Angoumois où il n’allait sonder pour ramasser des âmes à sa foi. » En Poitou, dès 1560, vingt-deux églises protestantes sont constituées et un tiers de la population a embrassé la Réforme. Les guerres de Religion y sont particulièrement sanglantes (en 1569, siège de Poitiers par l’amiral de Coligny et bataille de Moncontour). L’édit de Nantes donne aux protestants du Poitou dix places de sûreté et cinquante et une églises.

Après les révoltes paysannes en 1636 et 1644 (révolte des Croquants) et les troubles de la Fronde, l’autorité monarchique règne sans partage dans la province. Parmi les intendants du Poitou, Paul de La Bourdonnaye de Blossac, au xviiie s., est l’un des plus célèbres, tant par son action que par les belles constructions qu’il entreprend. La Contre-Réforme est efficace en Poitou : implantation d’ordres nouveaux (Jésuites, Oratoriens, Ursulines), évêques réformateurs, apostolat de Louis-Marie Grignion de Montfort, qui fonde à Saint-Laurent-sur-Sèvre les filles de la Sagesse.

La Constituante partage le Poitou en trois départements : Vendée, Deux-Sèvres et Vienne. En 1793 la Vendée devient un fief contre-révolutionnaire et fournit les soldats de la guerre de Vendée, tandis que la Vienne et Poitiers soutiennent plutôt les idées nouvelles.

P. R.

 R. Crozet, Histoire du Poitou (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1949 ; 2e éd., 1970).


L’art en Poitou

Les siècles ont légué au Poitou un riche patrimoine artistique, dont Poitiers* n’offre qu’une partie. Le théâtre, le temple et les thermes dégagés par les fouilles de Sanxay sont les principaux témoins de la civilisation gallo-romaine. Peu de provinces montrent encore autant de monuments ou de vestiges des périodes paléochrétienne, mérovingienne et carolingienne : à Civaux, une église remontant sans doute au ve s. ; à Saint-Maixent, la crypte de Saint-Léger (viie s.) ; à Saint-Généroux, une église carolingienne, comme à Saint-Pierre-les-Églises (Chauvigny).

C’est dans la période romane que l’art en Poitou a connu son apogée. Le roman poitevin est la maîtresse branche de ce roman de l’Ouest dont le domaine embrasse aussi la Saintonge, l’Angoumois, le pays bordelais, l’Anjou.

Parmi ses caractéristiques, on relève : la nef haute et aveugle, voûtée en berceau ; les bas-côtés presque aussi élevés qu’elle, afin d’en assurer l’équilibre et l’éclairage ; des piles très élancées, de section souvent quadrilobée, faisant place parfois à de simples colonnes ; une coupole à la croisée du transept ; la présence fréquente d’un déambulatoire et de chapelles rayonnantes. Tout cela apparaît fixé dès le xie s. sous une forme majestueuse et sévère. La façade est alors très souvent masquée par un robuste clocher-porche carré. Rien n’illustre mieux cette phase que l’abbatiale de Saint-Savin*, où subsiste le plus important ensemble peint de la France romane ; l’abbatiale de Charroux, aujourd’hui ruinée, était exceptionnelle par sa croisée formant une rotonde, dont il ne reste plus que la partie centrale.