Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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poinçon (suite)

• Le poinçon de jurande garantit le titre des métaux précieux. Il apparaît dès 1320, apposé par des gardes (contrôleurs) nommés par la corporation. Au nombre de deux à six suivant l’importance de la Communauté, ces contrôleurs sont renouvelés chaque année et adoptent pour se distinguer de leurs prédécesseurs un poinçon composé d’une lettre qui suit l’ordre de l’alphabet. Ce poinçon de jurande, appelé souvent lettre-date, définissait ainsi parfaitement l’année de fabrication.

• Les poinçons de charge et de décharge apparurent beaucoup plus tard. Successivement, Henri III en 1579 et Louis XIII en 1631 furent à l’origine des taxes spéciales frappant les ouvrages d’orfèvrerie au profit du Trésor royal. Celui-ci institua une catégorie de fermiers chargés de percevoir ces droits et de marquer les objets les ayant acquittés. En 1672 et en 1674, Louis XIV les établit d’une façon plus rigoureuse encore : la pièce d’orfèvrerie était présentée à la marque et enregistrée par le fermier. Elle recevait alors son poinçon de charge. À sa finition, elle ne pouvait être vendue qu’après apposition par le fermier d’un poinçon dit « de décharge », qui attestait le paiement des droits de mise en circulation. À ces quatre poinçons principaux, qui se subdivisent pour chacun d’eux en poinçons pour les gros ouvrages et en poinçons pour les petits ouvrages, viennent s’ajouter quantité de petits poinçons particuliers : celui de la vieille vaisselle, celui du gratis (ouvrage exempt de droits pour des personnalités privilégiées), etc.

Tous ces poinçons disparurent après 1789 à l’abolition des corporations. De nouvelles catégories de poinçons furent établies par la loi du 19 brumaire an VI pour aboutir aux poinçons actuels.


Les poinçons de l’orfèvrerie étrangère

La garantie du titre des métaux précieux, la perception des impôts d’État donnent lieu, dans tous les pays, à l’apposition de poinçons qui ont de grandes analogies entre eux. Les titres garantis sont presque tous différents et quelquefois fort nombreux dans un même pays ; les poinçons de maître ne sont pas toujours obligatoires, et l’on trouve, en remplacement du poinçon de jurande français, un poinçon dit d’essayeur, où sont représentées, comme pour le poinçon de maître, les initiales du nom du fonctionnaire. C’est en Grande-Bretagne que la réglementation est la plus stricte : les principaux poinçons sont le maker mark (poinçon de maître), le mark of origin (poinçon de ville qui indique la ville d’origine des pièces), l’assay mark (poinçon d’essai, qui garantit le titre), le date letter (lettre-date, qui, changeant chaque année à l’instar de l’ancien poinçon français lettre-date, permet une datation exacte des pièces anglaises, alors qu’en France, après la suppression de ce système en 1789, il n’est pratiquement plus possible de situer l’année de fabrication d’aucune pièce d’orfèvrerie) et le duty mark (poinçon de droit, qui, institué en 1784 et disparu en 1890, représentait la figure du souverain en exercice).

Dans les autres pays, la Belgique, les Pays-Bas, le Danemark, la Suède, la Suisse, le mode de poinçonnage est pratiquement semblable au système français. Dans les pays d’Europe centrale, et particulièrement en Allemagne, où l’orfèvrerie a connu un développement extraordinaire, le nombre des poinçons est considérable, mais une réglementation moins rigoureuse et particulière à chaque centre de fabrication permet l’application de deux seuls poinçons : celui de la ville et celui de maître.


Les poinçons de métal plaqué ou argenté

L’orfèvrerie de métal doré plaqué ou argenté est très ancienne. Ses marques sont rares, parce que facultatives, mais elles furent quelquefois rendues obligatoires par une réglementation spéciale. Certaines pièces antiques en plaqué révèlent le nom de leurs auteurs. Au xviiie s., en Grande-Bretagne, lors de la découverte du plaqué à Sheffield, les orfèvres adoptent des marques qui indiquent leur nom en toutes lettres et une figuration de poinçons divers qui rappelle beaucoup celle des poinçons d’argent. À la même époque, en France, lors du développement du plaqué à l’hôtel de La Fère, puis à celui de Pomponne, il est institué des poinçons spéciaux pour cette orfèvrerie. Si le poinçon du maître reste souvent le même, une marque particulière indique l’épaisseur (1/3, 1/4, 1/6, etc.) de la couche de métal précieux par rapport à son support de cuivre. Au début du xixe s., la fabrication de cette orfèvrerie prend le nom de doublé, nom qui doit être indiqué en toutes lettres dans un carré accompagné des initiales du fabricant. À l’apparition de l’argenture ou de la dorure par le procédé de l’électrolyse dont l’industrialisation a été développée par Ruolz et Christofle en 1842, le poinçon du fabricant devient un carré plus petit avec seulement les initiales du fabricant et l’emblème choisi par lui.


Faux poinçons

Les faux poinçons, œuvres de contrefacteurs ou de faussaires, sont utilisés par leurs auteurs dans deux cas principaux. L’insculpation de faux poinçons anciens sur une pièce moderne est effectuée pour lui donner une plus-value souvent considérable en la faisant passer pour une pièce authentique. Ce délit relève du Code pénal, réprimant l’escroquerie. Plus grave est la fabrication et l’usage de faux poinçons actuels apposés sur une pièce pour la soustraire aux droits de la garantie ou pour la faire passer pour un ouvrage en métal précieux, alors qu’elle est en un métal fortement argenté ou doré. Sous l’Ancien Régime, la répression de tels faits était des plus sévères. Comme de nos jours, l’usage de faux poinçons était assimilé à celui de la fabrication de la fausse monnaie, et leurs auteurs étaient soit condamnés à mort et pendus, soit envoyés aux galères. Actuellement, la surveillance ainsi que la répression de l’usage et de la fabrication des faux poinçons dépendent des bureaux de la Garantie, et les contraventions en la matière relèvent de l’article 141 du Code pénal, qui prévoit la réclusion à temps.