Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Plantagenêt (suite)

➙ Angleterre / Anjou / Aquitaine / Bretagne / Capétiens / Cent Ans (guerre de) / Écosse / Édouard III / Gascogne / Grande-Bretagne / Guyenne / Henri II Plantagenêt / Irlande / Jean sans Terre / Lancastre / Maine / Normandie / Poitou / Richard Cœur de Lion / Thomas Becket / Touraine / York.

 T. F. Tout, The Place of the Reign of Edward II in English History (Manchester, 1914 ; nouv. éd., 1936). / C. Petit-Dutaillis, la Monarchie féodale en France et en Angleterre, xe-xiiie siècle (Renaissance du livre, coll. « Évolution de l’humanité », 1933 ; nouv. éd., A. Michel, 1950). / J. Boussard, le Comté d’Anjou sous Henri Plantagenêt et ses fils, 1151-1204 (Champion, 1938). / A. B. Steel, Richard II (Cambridge, 1941). / R. Foreville, l’Église et la royauté en Angleterre sous Henri II Plantagenêt, 1154-1189 (Bloud et Gay, 1944). / S. Painter, The Reign of King John (Baltimore, 1949). / A. L. Poole, From Domesday Book to Magna Carta, 1087-1216 (Oxford, 1951 ; 2e éd., 1955). / F. M. Powicke, The Thirteenth Century, 1216-1307 (Oxford, 1953 ; 2e éd., 1962). / F. Barlow, The Feodal Kingdom of England, 1042-1216 (Londres, 1955). / J. E. A. Jolliffe, Angevin Kingship (Londres, 1955). / M. McKisack, The Fourteenth Century, 1307-1399, t. V de Oxford History of England (Oxford, 1959). / P. et C. Lauffray, les Plantagenêts (Rencontre, Lausanne, 1968).


L’empire des Plantagenêts

Ayant pour noyau originel l’Anjou, la Touraine et le Maine, augmenté de la Normandie par Geoffroi V le Bel en 1144, puis de l’Aquitaine et de l’Angleterre par Henri II respectivement en 1152 et en 1154, l’empire des Plantagenêts forme un immense État composite qui s’étend, au milieu du xiie s., de la frontière de l’Écosse à celle des Pyrénées. Son prince songe d’ailleurs à en accroître l’extension territoriale. En premier lieu, il tente, en effet, d’affirmer sinon sa souveraineté, tout au moins sa suprématie féodale sur l’ensemble des îles Britanniques : Irlande, dont il contraint de nombreux chefs à lui prêter hommage en 1171-72 ; Écosse, dont le roi Guillaume le Lion (1165-1214) doit, par traité, se reconnaître son vassal « pour l’Écosse et pour toutes ses autres terres » après le soulèvement de 1173-74, auquel il eut l’imprudence de participer ; pays de Galles, où, malgré trois campagnes, il ne peut imposer qu’une suzeraineté nominale aux deux rois indigènes et dont l’annexion définitive aux biens des Plantagenêts n’est réalisée qu’en 1283 par Édouard Ier.

Hors des îles Britanniques Henri II réussit, en outre, à incorporer à son empire la Bretagne. Se prévalant, en effet, du titre de sénéchal de France, il contraint en 1166 le duc de Bretagne, Conan IV, à lui céder sa principauté, puis à donner en mariage sa fille Constance à son propre fils Geoffroi, qui devient ainsi duc nominal d’une Bretagne que le roi son père administre en fait directement. En outre, en accordant en fief des rentes en argent au comte de Flandre et en le liant à lui par un pacte de service militaire, en tentant, mais cette fois en vain, d’imposer sa suzeraineté au comte de Toulouse en 1159, il semble vouloir étendre la sphère d’influence de son empire à une nouvelle partie du royaume de France, dont il tient déjà la moitié occidentale sous son autorité directe.

Très vaste, cet Empire angevin souffre de son hétérogénéité territoriale et plus encore de sa diversité institutionnelle, puisque seules la Normandie et l’Angleterre sont dotées d’administrations régies par des principes communs et selon des méthodes très voisines. Deux éléments seulement permettent aux Plantagenêts d’assurer une relative cohésion à leur empire dans la seconde moitié du xiie s. : les administrateurs, interchangeables d’un pays à l’autre, tel l’Anglais Robert de Turneham, qui devient sénéchal d’Anjou sous le règne de Richard Cœur de Lion ; l’armée, formée de mercenaires brabançons et gallois régulièrement soldés, et avec l’aide de laquelle Richard maintient son autorité en Limousin et en Auvergne.

Mais, très vite, les préférences personnelles des souverains de même que les contraintes politiques amènent les Plantagenêts à privilégier leurs possessions continentales. Berceau de la dynastie et de la majeure partie des grandes familles baronnales anglaises, fournissant au commerce anglais de nombreux produits indispensables à l’économie anglo-saxonne (vins du Val de Loire, du Poitou, puis, à partir du xiiie s., de Guyenne, blés, étoffes), les terres d’outre-mer constituent dans la seconde moitié du xiie s. l’élément essentiel de l’empire des Plantagenêts. Rois français en Angleterre, Henri II et Richard Cœur de Lion passent l’essentiel de leur temps sur le continent, le premier ne séjournant que treize ans en Angleterre pendant un règne de trente-quatre ans, le second ne faisant que quelques rapides visites outre-Manche.

L’insubordination foncière des chefs des grandes seigneuries, l’éternelle menace capétienne contribuent d’ailleurs à fixer les Plantagenêts au sud de la Manche, jusqu’au moment où la commise de leurs terres tenues en fief du roi de France le 28 avril 1202 sonne le glas de cet empire auquel les Capétiens enlèvent tour à tour la Normandie (1202-1204), l’Anjou, le Maine et la Touraine (1203-1205), le Poitou (1224). Ayant perdu toute continuité territoriale dès 1202, l’Empire angevin n’est plus. Pourtant, ce n’est qu’en mai 1258 que les Plantagenêts consentent à reconnaître les faits accomplis par le traité de Paris, aux termes duquel Henri III accepte de prêter hommage lige aux Capétiens pour la Guyenne.

Dernier et lointain témoin de leur ancien empire, ne maintenant que difficilement des contacts avec l’Angleterre grâce aux flottes du vin, la Guyenne reste pourtant le point d’appui privilégié des Plantagenêts pour mener leurs opérations de la guerre de Cent Ans, encore que leur but ait été sans doute moins la reconquête de leur domaine continental que la suppression du lien féodal qui les unit aux Capétiens et qui limite de ce fait leur souveraineté en tant que rois d’Angleterre.