Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Plantagenêt (suite)

Pourtant, dans l’immédiat, ce sont les ambitions et les obligations internationales de la dynastie qui remettent en cause son avenir en Angleterre : candidature, puis élection fort coûteuses à l’Empire du frère d’Henri III, Richard de Cornouailles le 13 janvier 1257 ; candidature au trône de Sicile*, à l’instigation du pape Alexandre IV, du prince Edmond d’Angleterre, fils d’Henri III, le souverain pontife exigeant même dans ce dessein, et sous peine d’excommunication, le versement de 40 000 marcs d’argent et l’organisation d’une expédition anglaise en Sicile contre Manfred. Une telle politique exigeant la levée d’une aide importante, barons et chevaliers, réunis en Parlement, subordonnent alors leur consentement à l’acceptation par le roi de réformes visant à placer la monarchie sous la tutelle d’une oligarchie baronnale formant le Conseil des vingt-quatre (finances) ou le Conseil de la Couronne (15 membres), au sein desquels le rôle essentiel revient à un seigneur d’origine française, le propre beau-frère du roi, Simon de Montfort, comte de Leicester. Condamnées par la « mise d’Amiens », prononcée en janvier 1264 par le roi de France Louis IX, choisi comme arbitre par les deux parties, les provisions d’Oxford de 1258 déclenchent une guerre civile marquée par l’humiliante défaite d’Henri III à Lewes, où il est fait prisonnier le 14 mai 1264, puis par celle de son adversaire Simon de Montfort, vaincu et tué à Evesham le 4 août 1265 après avoir momentanément imposé sa dictature au royaume.


Renouveau et chute d’une dynastie (1272-1399)

Comprenant que « la couronne en Parlement est plus forte que la couronne isolée » (André J. Bourde), les Plantagenêts de la fin du xiiie s. et du début du xive acceptent d’abord cette mutation institutionnelle, qui accorde dans l’État une place de plus en plus importante au Parlement, dont la division en deux Chambres (lords et communes) s’esquisse au xive s.

La forte personnalité d’Édouard Ier (1272-1307), l’annexion définitive, en 1283, du pays de Galles* à l’Angleterre sous la souveraineté nominale du prince héritier à partir de 1301, l’annexion temporaire de l’Écosse*, dont ce monarque se fait proclamer roi après sa victoire sur Jean de Baliol en 1296, tous ces faits contribuent à rehausser le prestige de la dynastie et permettent à cette dernière de surmonter les crises dues à la faiblesse du roi Édouard II (1307-1327), trop dépendant de ses favoris (Pierre Gabaston [ou Gaveston], assassiné en 1312 ; Hugh le Despenser le Jeune, mis à mort en 1326). Déconsidéré et affaibli par la défaite de Bannockburn, qui consacre la restauration d’un royaume d’Écosse indépendant en 1314, le souverain meurt finalement assassiné en 1327, après avoir été contraint d’abdiquer par sa femme, la reine Isabelle de France, et par l’amant de cette dernière, Roger Mortimer de Wigmore, qui anime l’opposition baronnale.

Frappée de discrédit par le crime de 1327, par la signature de traités désastreux avec l’Écosse et avec les Français en Guyenne*, l’opposition ne peut empêcher le jeune Édouard III* de reprendre par la force le pouvoir. Le nouveau souverain exile sa mère, fait condamner à mort Roger Mortimer de Wigmore le 29 novembre 1330 et joue finalement le sort de sa dynastie au niveau international.

Il reconnaît, en effet, qu’en acceptant de redevenir vassal de Louis IX en 1258-59 Henri III a finalement aliéné de nouveau la souveraineté des Plantagenêts au profit de celle des Capétiens, constate qu’il ne peut plus, de ce fait, agir en maître en Guyenne, où trois guerres ont déjà opposé Français et Anglais depuis 1293, et s’aperçoit qu’il lui est juridiquement impossible de porter les armes contre ses adversaires écossais, parce que ces derniers sont les alliés de son suzerain. Aussi décide-t-il de trancher définitivement le débat. Dans ce dessein, il revendique solennellement la couronne de France le 7 octobre 1337 en tant que petit-fils de Philippe IV le Bel et neveu par sa mère des trois derniers Capétiens. Mais, en agissant ainsi, il renie l’hommage lige prêté solennellement à Philippe VI de Valois à Amiens le 6 juin 1329 et confirmé par la lettre fort explicite qu’il a adressée à ce souverain le 30 mars 1331.

La seconde guerre de Cent* Ans semble d’abord devoir aboutir à la restauration de l’empire des Plantagenêts, lorsque la paix de Brétigny-Calais des 8 mai et 24 octobre 1360 abandonne, mais cette fois en toute souveraineté, Calais, Guînes, le Ponthieu et surtout toute l’Aquitaine à Édouard III, qui renonce en échange à ses prétentions à la couronne de France. En fait, l’inexécution du traité entraîne la caducité de cette clause de renonciation. Édouard III, qui se proclame de nouveau roi de France le 3 juin 1369, remet en jeu le prestige acquis par sa dynastie à la suite des victoires remportées à Crécy et à Poitiers respectivement par lui-même en 1346 et par son fils aîné, le Prince Noir Édouard (1330-1376), en 1356. C’est l’échec. Vaincues par du Guesclin*, ses forces perdent en effet le contrôle du royaume de France à l’heure même où son autorité en Angleterre s’affaiblit pour de nombreuses raisons : constitution de véritables apanages au profit de ses divers fils, dont Jean de Gand (1340-1399), devenu duc palatin de Lancastre ; formation de partis hostiles animés par ce même Jean de Gand et par le Prince Noir, qui se disputent l’exercice du pouvoir ; mort prématurée du Prince Noir en 1376, etc. Tous ces faits achèvent de miner de l’intérieur l’autorité monarchique, que le trop jeune Richard II (1377-1399) ne peut restaurer dans un royaume affaibli par la révolte des paysans en 1381 ainsi que par les prétentions des barons, dirigés par Thomas, duc de Gloucester, à limiter la prérogative de son royal neveu. Le souverain, impuissant à empêcher ses adversaires d’éliminer ses partisans avec l’appui du Parlement sans merci (Merciless Parliament), tente une dernière fois de restaurer l’autorité monarchique. Se constituant une retenue personnelle d’hommes de guerre sûrs, renouvelant en 1396 pour vingt-cinq ans les trêves de Leulinghen de 1388, obtenant par ce biais la main d’Isabelle de France, fille de Charles VI, il a enfin les mains libres pour éliminer ses adversaires. D’abord réussie, la tentative échoue lorsqu’il veut rattacher à la Couronne le duché de Lancastre à la mort de Jean de Gand en 1399. Le débarquement en Angleterre du fils de ce dernier prince, Henri de Lancastre, provoque le retour précipité de Richard II, alors en Irlande. Vaincu et fait prisonnier par Henri, aussitôt reconnu roi d’Angleterre par le Parlement, le dernier des rois français en Angleterre meurt en 1400, assassiné sur l’ordre de son cousin germain et successeur, Henri IV (1399-1413). Mais, si la dynastie des Plantagenêts disparaît au terme de cette longue série de crises marquée par l’affaiblissement irrégulier mais constant du pouvoir monarchique, par contre elle se survit à travers ses branches collatérales qui occupent le trône d’Édouard le Confesseur au xve s. : les Lancastres* et les Yorks*.

P. T.