Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

plain-chant (suite)

Mais la musique contemporaine doit encore beaucoup d’autres éléments au plain-chant. Outre la portée de cinq lignes, aussi courante aux xiiie et xvie s. que le tétragramme de la fin du xie, il faut encore mentionner la notation elle-même, qui, des formes carrées médiévales, est passée aux formes arrondies actuelles, par l’intermédiaire de la notation polyphonique, qui a ajouté à l’ancienne notation les valeurs mesurées. La polyphonie elle-même est issue du plain-chant par le truchement de l’organum primitif (fin ixe s.), dont la vox organalis suivait à la quinte ou à la quarte la vox principalis, autrement dit la pièce de plain-chant. Cet organum a évolué à partir du xiie s. (école de Saint-Martial de Limoges et école Notre-Dame) et surtout au xive (Ars nova), mais la partie tenor (ou teneur) demeure habituellement empruntée au plain-chant. Cet usage se maintiendra encore longtemps à travers tous les âges de la composition polyphonique : dans la cantate de Pâques Christ lag in Todesbanden (1724), J.-S. Bach a pris comme thème la séquence de Pâques Victimae paschali, qu’il traite en valeurs longues à la pédale.

Des formes liturgico-musicales du plain-chant est issu plus d’un genre nouveau : du trope est sorti le drame liturgique, qui constitue le germe du théâtre et de l’opéra ; l’hymne a donné naissance aux versus, et ceux-ci ont engendré la chanson à refrain — trouvères, troubadours —, le carol et le noël ; la prose, ou séquence, a servi de modèle au lai ; certaines danses médiévales, telle l’estampie, peuvent être considérées comme des « suites » (sequentia, en latin) de l’antique séquence sans paroles, vocalisée sur la voyelle a, qui est elle-même le cadre mélodique de la prose ; enfin, le motet du xiiie s., construit lui-même sur un tenor en plain-chant, a engendré à la suite d’une lente évolution le motet sacré du xviie s., réservé à une seule voix soutenue par les instruments. Ainsi, à l’origine de la plupart des formes musicales religieuses ou profanes, on retrouve le plain-chant, ce qui nous explique l’intérêt sans cesse croissant accordé par les musicologues à ce répertoire occidental si ancien et si varié.

M. H.

➙ Ars antiqua / Ars nova / Grégoire Ier le Grand (saint) / Messe / Motet / Moyen Âge (musique du) / Notre-Dame (école).

 A. Gastoué, les Origines du chant romain. L’antiphonaire grégorien (A. Picard, 1907). / J. de Valois, le Chant grégorien (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1963 ; 2e éd., 1973). / A. J. Bescond, le Chant grégorien (Buchet-Chastel, 1972).

plaines (Indiens des)

À l’ouest du Mississippi s’étend une région immense et plate, aux étés chauds et aux hivers rigoureux, où les arbres sont rares et les pluies capricieuses : ce sont les Grandes Plaines des États-Unis. L’ouest même de cette vaste contrée est un pays d’herbe courte, les plaines proprement dites, patrie du bison et des Indiens nomades et guerriers. L’Est, par contre, se couvre d’herbe haute, et les populations y sont sédentaires et agricoles. Cette divergence ethnique apparaît tôt dans la préhistoire des États-Unis, dès le début de notre ère.


Au xviiie s., la divergence était fermement établie. Les Mandans, descendants des populations villageoises de l’est, se répartissaient en neuf villages distincts dans le centre de l’actuel Dakota du Nord. En 1783, La Verendrye (1685-1749) fut le premier Européen à entrer en contact avec eux, et à ce moment-là leur civilisation était à son apogée. Leurs gros villages, conçus commes des villes avec des rues et une place principale, étaient composés de maisons rondes en terre. À moitié enfouies dans le sol, celles-ci étaient, à l’intérieur, aérées et confortables, et protégeaient très bien des rigoureux hivers de cette contrée. C’étaient les femmes qui travaillaient la terre des petits jardins disséminés en contrebas des villages, où poussaient le maïs, les courges et les haricots. Les hommes étaient guerriers, mais aussi chasseurs. En particulier, ils chassaient le bison une fois par an, l’été, afin d’approvisionner la communauté en viande pour l’hiver. Mais c’est dans la vie religieuse que la société mandan, société matriarcale, exaltait l’homme. La religion était centrée sur la quête de la vision personnelle ; la cérémonie la plus importante était l’Okipa, célébrée une fois par an pendant l’été. L’Okipa durait quatre jours, pendant lesquels les officiants racontaient l’histoire de la tribu et la création du monde. En même temps, les jeunes gens volontaires supportaient des tortures sanglantes. Par cette cérémonie, moment privilégié de la vie de la tribu, les Mandans rendaient vie à leur monde et ravivaient les forces de la société.

Mais, à partir de 1837, décimés par de terribles épidémies de variole, les Mandans se réfugièrent chez leurs voisins sédentaires, où ils perdirent rapidement leur originalité.

Dans les plaines de l’Ouest, par contre, pendant tout le xixe s., les tribus indiennes conservent leur mode de vie traditionnel. Les Assiniboines, les Blackfeet, les Arapahos sont les descendants de populations qui ne connurent jamais la vie sédentaire. Mais les Teton Dakotas, appelés aussi Sioux, ont de lointains ancêtres agriculteurs qui abandonnèrent leurs villages pour suivre le bison.

Au xviiie s., les tribus des Plaines avaient associé des traits culturels européens à leur ancienne culture. Les apports européens étaient centrés sur le cheval. Fascinés par ces animaux inconnus qu’ils appelaient gros chiens, les Indiens avaient appris à les monter et étaient devenus ces guerriers redoutables auxquels se heurtèrent les Blancs. Leur vie matérielle et spirituelle reposait sur le bison. Sa peau servait de parois au tipi, centre de la vie familiale, et aussi de récipient, car les femmes des Plaines avaient abandonné la poterie, fragile et lourde lors des déplacements. Les cornes de l’animal ornaient les splendides coiffes de guerre et ses tendons servaient à coudre les vêtements, richement décorés. L’esprit du bison jouait un grand rôle dans la vie religieuse et il participait à la cérémonie la plus importante, la Danse du Soleil. Ce rituel rédempteur, destiné à attirer sur le groupe les faveurs du dieu Wakan Tanka, avait lieu une fois par an. L’endroit qui avait été le théâtre d’une Danse du Soleil restait un lieu sacré, où les Indiens se recueillaient lors de leur passage.