Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Pise

En ital. Pisa, v. d’Italie, en Toscane.



La géographie

Avec ses 104 000 habitants, Pise offre le spectacle d’une paisible ville de province. Son activité présente n’est pas au niveau de son passé. Ville de la Toscane maritime, elle fut un grand port médiéval. Mais la décadence politique comme l’ensablement du port la ramenèrent à un rang modeste. À 12 km de la côte, elle conserve cependant un rôle de carrefour ferroviaire et routier auquel se joignent des activités industrielles et tertiaires.

L’industrie est caractérisée par la coexistence de grosses usines et d’un artisanat traditionnel. La grande industrie est représentée par la production de verre et céramique (Saint-Gobain, Richard-Ginori), d’articles mécaniques (Fiat, Piaggio). Les autres secteurs sont le fait de petites entreprises (la pharmacie) ou d’artisans (confection). Les activités tertiaires sont diverses. L’université, créée en 1343, est très célèbre ; complétée par des écoles d’ingénieurs et une école normale supérieure, elle compte plus de 10 000 étudiants. Le tourisme vient ensuite, tourisme balnéaire local à Marina di Pisa et Tirrenia, tourisme de passage dans la ville. Les services commerciaux et administratifs pour la ville et la province complètent le tableau.

Le paysage urbain est nettement marqué par la séparation entre la ville et les faubourgs, liée à la présence des remparts. La vieille ville, à l’intérieur de ceux-ci, est traversée par l’axe est-ouest de l’Arno. Le secteur nord-ouest est celui de l’université, ailleurs la résidence l’emporte, à l’exception d’un axe nord-sud concentrant les commerces. Les faubourgs où vivent plus de 50 p. 100 des habitants rassemblent les unités d’habitations et les industries. Pise cherche à créer une zone industrielle importante et voudrait s’allier pour cela avec le grand port toscan de Livourne. Pour l’instant, elle demeure une ville moyenne.

E. D.


L’histoire


Les conditions de l’expansion

Le site, au confluent de l’Arno et d’un ancien bras du Serchio, était déjà occupé par les Ligures. Au iiie s. av. J.-C., Pise s’allie aux Romains, auxquels elle sert de base navale et militaire pour la conquête de la Gaule Cisalpine. Assujettie à Rome en 180 av. J.-C., érigée en cité romaine en 89 av. J.-C., puis en colonia Opsequens Julia Pisana par Octave, Pise est un port d’estuaire typique, bien situé à dix kilomètres à l’intérieur des terres en un point où un pont romain permet à la via Aurelia (qui unit Rome à Gênes) de franchir l’Arno, voie fluviale qui fait de cette ville le débouché naturel de la Toscane sur la mer Tyrrhénienne. L’huile, les vins, les fruits et le bois de chêne des collines toscanes et des Alpes Apuanes, les céréales et les produits de l’élevage des plaines littorales (Maremme, Versilia), le poisson de la Méditerranée, le fer de l’île d’Elbe, l’argile locale enfin permettent de nourrir une population nombreuse et de diversifier les activités artisanales : constructions navales ; métallurgie ; industries des cuirs et des peaux ; briqueteries et tuileries. De telles activités fournissent à la ville non seulement les produits d’un important commerce d’exportation, mais encore les moyens d’en assurer le transport : le bateau.

La ville pallie son éloignement progressif de la mer et l’insuffisance du tirant d’eau à quai par la construction d’un avant-port : Porto Pisano, fréquenté dès le viiie s. par les marchands syriens et par les pèlerins qui se rendent à Rome. Elle repousse les incursions des Sarrasins des ixe et xe s. grâce à la construction d’une puissante flotte qui poursuit ceux-ci jusque dans leurs bases d’Afrique du Nord (première expédition en 828) ; elle les empêche même de prendre Salerne en 871 et leur inflige la défaite navale du détroit de Messine en 1005. En fait, la ville n’est impuissante que devant un seul ennemi : la malaria, qui sévit dans les marais mal drainés situés immédiatement en arrière du cordon littoral.


La conquête de la mer (xie s.)

Dotée d’un contado étiré parallèlement à la côte des bouches du Serchio à Piombino, administrée par un vicomte héréditaire représentant du marquis de Toscane et administrateur du domaine royal et comtal, résidence d’un évêque immédiat du Saint-Siège dont le diocèse semble avoir pratiquement la même superficie que le contado, Pise est en fait une ville tournée vers la mer, moins peut-être par le relief que par les raids des Sarrasins. Elle s’allie à Gênes et réussit d’abord à chasser définitivement les Sarrasins de la Sardaigne (1015-16) et à imposer à l’île son hégémonie commerciale. Un raid sur Bône en 1034, la capture d’une flotte arabe dans le port de Palerme en 1063, un raid contre Mahdia en 1087, un autre contre Valence en 1092, menés d’ailleurs tous deux avec le concours de Gênes, enfin la fructueuse mais éphémère conquête d’Ibiza et de Majorque en 1114 lui assurent la maîtrise maritime du bassin occidental de la Méditerranée et lui fournissent les moyens financiers d’entreprendre la construction de la cathédrale dédiée non plus à la modeste santa Reparata, mais à la bienheureuse Vierge Marie. En remerciement de ces victoires, le pape loue la Corse* à l’Église de Pise et érige cette dernière en archevêché au profit de l’évêque Daimbert, qui reçoit en outre juridiction sur tous les évêques de Corse.

À Daimbert revient l’honneur d’assurer à Pise la maîtrise du bassin oriental de la Méditerranée en complet accord avec les entrepreneurs de mer. Ceux-ci forment un groupe étroit de propriétaires fonciers et immobiliers appartenant à l’origine à l’entourage des marquis de Toscane ; dès la fin du xie s., ils associent leurs chefs, les consuls, au vicomte, représentant des autorités anciennes de la ville. En fait, en 1094, le premier consul n’est autre que le vicomte Pietro Visconte : la commune est née.

Avec l’aide de ces commerçants armateurs, Daimbert, promu cardinal et légat pontifical, arme une flotte d’au moins 120 voiles qui, après avoir pillé Leucade et Céphalonie en 1099, apporte un soutien naval non négligeable aux forces franques de Syrie du Nord (Laodicée) et de Palestine (Jaffa), tandis que son chef se fait élire patriarche de Jérusalem en 1100.