Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Arles (suite)

Le tourisme reste une des activités essentielles d’Arles en raison de ses monuments prestigieux, de son histoire, des souvenirs de Van Gogh, d’A. Daudet et de F. Mistral. Les manifestations taurines et les fêtes folkloriques contribuent également à faire de la ville une étape touristique importante, mais avec des séjours limités malgré les richesses de la ville et de ses environs : abbaye de Montmajour, moulin de Daudet, les Baux, le Vaccarès, les Alpilles et la Camargue.

La population totale d’Arles a plus que doublé depuis 1812, date à laquelle la ville comptait environ 20 000 habitants (dont plus de 16 000 aggl.). Le cap des 30 000 habitants était franchi en 1911, et celui des 50 000 habitants en 1975. Depuis cette date, c’est la population urbaine qui s’accroît, alors que, jusque-là, les campagnes montraient un dynamisme supérieur. Le développement démographique d’Arles est resté longtemps inférieur à celui des autres villes de Provence, la ville ne bénéficiant pas encore des améliorations apportées à la navigation rhodanienne. Cependant, les incitations économiques venues du fleuve ne devraient pas tarder à s’exercer au niveau du delta. La ville conserve l’avantage d’une position de relais entre les pôles industriels de Pierrelàtte, de Marcoule et de L’Ardoise (vivant de l’énergie du Rhône) et la zone de Fos, dont les aménagements industriels et portuaires dépassent le cadre régional.

R. D. et R. F.

➙ Bouches-du-Rhône / Camargue / Provence.

 L. A. Constans, Arles antique (De Boccard, 1921) ; Arles (Les Belles Lettres, 1929). / L. H. Labande, l’Église Saint-Trophime d’Arles (Laurens, 1931). / F. Benoit, le Musée lapidaire d’Arles (Laurens, 1936) ; Arles (Alpina, 1954). / G. Grossi, Arles, ville impériale (Impr. Macabet, Vaison-la-Romaine, 1954). / R. Bérenguier, Arles et pays d’Arles (Nouv. Éd. latines, 1968).


Arles, ville d’art

La colonie romaine d’Arles fut l’objet de l’attention particulière des empereurs et surtout d’Auguste. Plusieurs faubourgs à vocation maritime, commerciale ou agricole se satellisèrent alors autour du castrum, noyau administratif et militaire que défendait une enceinte fortifiée percée de quatre portes. À l’intérieur, une structure classique de rues dallées se croisant à angle droit et quelques édifices publics considérables : arènes, théâtre, forum, thermes.

Les arènes pouvaient recevoir au moins vingt mille spectateurs. Chaque étage, décoré de pilastres doriques et corinthiens, est formé de soixante arcades ; les galeries circulaires sont couvertes d’énormes dalles horizontales, au lieu des voûtes habituelles. La piste était aménagée pour les combats de fauves et les luttes de gladiateurs. Le théâtre antique date, comme les arènes, de la fin du ier s. av. J.-C. Mais il est beaucoup plus dégradé. Des arcades du pourtour, il reste un élément transformé en tour fortifiée au Moyen Âge ; avec une partie de ses gradins, la fosse d’orchestre et quelques colonnes du grand mur de scène, l’ensemble s’inscrit dans un paysage évocateur. Les vestiges du forum existent davantage en sous-sol qu’à l’air libre. Très impressionnants sont les cryptoportiques (ier s.), double galerie en fer à cheval, longue d’une centaine de mètres, utilisée comme grenier à blé souterrain et découverte il y a peu d’années. Des sculptures et des statues de marbre de l’époque d’Auguste qui en proviennent sont présentées, à côté de mosaïques, de stèles et de sarcophages de diverses provenances, au musée lapidaire païen, installé dans l’ancienne église Sainte-Anne, édifice témoignant d’une curieuse survivance gothique à l’époque de Louis XIII.

Quatrième ensemble, les thermes, avec leurs piscines froides et chaudes, leurs étuves, leur grande abside orientée vers le Rhône, sont plus tardifs : ive s. apr. J.-C.

Au ve s., le rôle international de la cité, centre religieux, politique et économique, s’affirme. C’est aussi un centre d’art : les ateliers de sculpteurs arlésiens, s’inspirant des sarcophages chrétiens importés de Rome, en fabriquent d’excellentes répliques en marbre des Pyrénées ou de Carrare. Certains sont conservés au musée lapidaire chrétien, ancienne chapelle classique du collège des Jésuites. Mais c’est hors des murs de la ville, dans les Alyscamps (Champs-Élysées), longue allée plantée de cyprès, que l’on retrouve le mieux, malgré un fâcheux environnement contemporain, l’atmosphère de la nécropole antique adoptée par les chrétiens. Ceux-ci y vénérèrent le tombeau de saint Genès, associé à l’évêque saint Honorat et à saint Trophime. La stratigraphie de la nécropole a dégagé trois niveaux superposés de sépultures et révélé une longue interruption entre le niveau le plus profond (ive-ve s.) et les deux supérieurs (xe et xiie-xiiie s.). Cette interruption correspond à la période du haut Moyen Âge.

En effet, Arles va terriblement souffrir des invasions barbares et arabes. Les faubourgs pillés et abandonnés, l’agglomération se rétrécit à l’aire du castrum romain, mieux défendue. À l’abri du théâtre, des maisons et des jardins s’installent ; deux étages d’arcades sont transformés en fortin. Les arènes se métamorphosent en une petite ville à part, solidement fortifiée, où s’entasse une population grouillante. Les abbayes et les fondations religieuses, originairement hors des murs, se replient, elles aussi, dans l’enceinte. Ce contact renouvelé avec l’art romain explique en grande partie les caractéristiques de l’ancienne cathédrale romane Saint-Trophime (milieu du xiie s.). Celle-ci est élevée à un moment où Arles est rattachée au Saint Empire de Frédéric Barberousse et connaît une prospérité relative. Le portail de la façade occidentale, avec son fronton classique, ses pilastres cannelés, ses apôtres sculptés comme autant de Romains en toge, est un chef-d’œuvre où l’école provençale proclame sa dette envers l’Antiquité. La sobre nef, voûtée en berceau brisé, et les bas-côtés, étroits, contrastent avec les nervures gothiques du chœur (xvie s.). Quant au cloître, accolé au flanc sud, il est célèbre par la qualité de la sculpture (chapiteaux et piliers d’angle) de ses deux galeries romanes (seconde moitié du xiie s.) ; les galeries ouest et sud sont du xive s.

Dans le cadre du comté de Provence, puis du royaume de France après 1480, Arles se développe et réoccupe progressivement ses anciens faubourgs. Elle ne parvient cependant pas à détrôner Aix-en-Provence dans l’ordre politique, ni Marseille dans l’ordre économique.