Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Pierre (saint) (suite)

Son passage à Antioche est affirmé par les Actes et par Paul, et certains auteurs, comme Origène, Eusèbe* de Césarée, etc., en font un fondateur de l’Église d’Antioche, ce qui n’a rien d’impossible. Il semble aussi probable qu’il ait séjourné à Corinthe, bien que l’honneur de la fondation de cette Église revienne entièrement à Paul. Cependant, ce dernier parle des Corinthiens qui se réclament les uns « de Paul, les autres d’Apollos, d’autres encore de Cephas, comme si le Christ était divisé ». Cela laisse à penser que Pierre a pu aussi prêcher de son côté chez les Corinthiens.

Le séjour de Pierre à Rome a soulevé de nombreuses objections de la part des critiques, car il n’en est rien dit dans les Actes des Apôtres, et Paul n’en fait aucune mention dans son Épître aux Romains. Cependant, on peut trouver un indice dans la Première Épître de Pierre, où l’auteur termine en disant : « L’assemblée qui est à Babylone et Marc, mon fils, vous saluent. » La plupart des critiques s’accordent pour identifier Rome avec la Babylone du Nouveau Testament. On a aussi pensé trouver une allusion au martyre de Pierre et Paul à Rome dans le passage de l’Apocalypse relatif aux deux témoins dont « les corps resteront gisant sur la place de la grande ville qui est appelée d’une manière symbolique Sodome et Égypte ». Cette ville ne semble pouvoir être en effet que Rome.

Ce sont là des allusions possibles au séjour de Pierre et à son martyre à Rome, dont les plus anciens témoignages, ceux de Denys, évêque corinthien, et de Zéphyrin, évêque de Rome, remontent à la fin du iie s. et sont rapportés au ive s. par l’historien Eusèbe de Césarée : tous deux affirment que Paul et Pierre ont subi le martyre en même temps, l’un au Vatican (Pierre), l’autre sur la voie d’Ostie (Paul). Cependant, le martyre de Pierre est mentionné dès la fin du ier s. par Clément, évêque de Rome, sans qu’il en situe le lieu.

Les fouilles conduites entre 1939 et 1949 sous la cathédrale Saint-Pierre de Rome — qui ont permis de retrouver un monument sous l’autel de l’église, identifié avec le « trophée » de Pierre connu par les textes anciens, et quelques ossements au fond d’une faille — n’ont finalement pas résolu le problème, et, si de nombreux auteurs, dont Jérôme Carcopino, voient là une confirmation de la tradition, l’accord est loin d’être unanime, car, en fait, nulle inscription ne prouve qu’on ait là la sépulture du prince des apôtres.

G. R.

➙ Christianisme / Église catholique / Papauté / Rome / Testament (Ancien et Nouveau).

 H. Lietzmann, Petrus römischer Martyrer (Berlin, 1936). / M. Goguel, Jésus et les origines du christianisme, t. III : l’Église primitive (Payot, 1947). / O. Cullmann, Saint Pierre, disciple, apôtre et martyr (Delachaux et Niestlé, 1952). / J. Carcopino, les Fouilles de Saint-Pierre et la tradition (A. Michel, 1953) ; les Reliques de saint Pierre à Rome (A. Michel, 1965). / J. Carcopino et H. I. Marrou, les Fouilles du Vatican (Letouzey, 1953). / E. Kirschbaum, Die Gräber der Apostelfürsten (Francfort, 1957, 2e éd., 1959 ; trad. fr. les Fouilles de Saint-Pierre de Rome, Plon, 1961). / D. W. O’Connor, Peter in Rome (New York, 1969). / M. Guarducci, Saint Pierre perdu et retrouvé (Saint-Paul, 1975).

Pierre Ier le Grand

(Moscou 1672 - Saint-Pétersbourg 1725), tsar de Russie de 1682 à 1725.



Les années de formation (1672-1695)

Pierre est le fils du tsar Alexis Mikhaïlovitch (1645-1676) et de Nathalie Narychkine (1651-1694). En 1682, la mort de Fédor III, fils d’un premier lit, fait de lui un empereur conjointement avec son autre demi-frère, le tsar Ivan V (1666-1696). Sophie Alekseïevna (1657-1704), sa demi-sœur, exerce la régence en leur nom. Négligé par la régente, délaissé par une mère tout adonnée à la dévotion et entièrement attachée au parti du patriarche et des « vieux croyants », le jeune Pierre grandit librement sans apprendre à lire ni à écrire, passant son temps à jouer à la guerre avec des compagnons de son âge.

Son corps est celui d’un athlète de santé robuste, capable de résister aux pires excès. Toutefois, le jeune souverain est sujet à de fréquentes crises d’épilepsie et s’abandonne à des colères folles.

Mais l’intelligence est vive, nullement spéculative, toute tournée vers les réalités. Esprit réfléchi, obstiné, Pierre prouvera qu’il peut poursuivre longuement un plan soigneusement prémédité.

Les activités militaires occupent tout son temps et, peu à peu, s’affirme en lui la volonté de créer une armée moderne dans l’empire. C’est par ce biais que le tsar se trouve amené à entrer en contact avec les Occidentaux, nombreux à Moscou, où ils vivent dans le quartier de Sloboda. Auprès d’eux, il étudie la technique militaire : le Genevois François Lefort (1656-1699), brillant officier, deviendra son confident et gouvernera un temps la Russie.

Habilement, Pierre lève des régiments qu’il forme lui-même et en recrute les éléments parmi les plus modestes familles de la noblesse, car il se méfie des grands seigneurs. Fort de cet appui, il décide à dix-sept ans de s’emparer effectivement du pouvoir.

La situation lui est favorable ; la princesse Sophie vient d’essuyer des revers en Crimée, où l’armée de Vassili Vassilievitch Galitzine (1643-1714) a été vaincue, et, redoutant les manœuvres de son frère, elle cherche à le supprimer. En 1689, Pierre évente le complot, s’enfuit de Moscou, gagne le monastère de la Trinité Saint-Serge, dans l’actuelle ville de Zagorsk (Troïtse-Serguieva lavra), où il soulève en sa faveur plusieurs régiments et les streltsy (archers de la Garde impériale). Il a rapidement la situation en main ; Sophie est enfermée dans un couvent, Galitzine exilé dans le nord du pays ; quant à Ivan V, ce prince débile de corps et d’esprit n’est pas gênant ; après avoir régné, nominalement, avec Pierre Ier, il disparaît en 1696.

Libre de ses actes, le tsar continue à perfectionner son armée ; il se préoccupe également de la marine, apprend auprès des Hollandais d’Arkhangelsk les techniques nautiques et construit une flottille qu’il exerce sur un lac.

L’administration intérieure, moins séduisante, est laissée à des conseillers, dont Lefort ; le tsar se réserve la gloire militaire.