Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Pierre (saint) (suite)

Son vrai nom était Simon ou Simeon ; cette dernière graphie est un nom hébraïque qu’on trouve sous cette forme dans un passage des Actes des Apôtres (xv, 14) et dans la Seconde Épître de Pierre (i, 1). Simon est un nom grec, peut-être celui qui lui a été donné dès sa naissance, à moins qu’il ne lui ait été attribué que dans les textes grecs du Nouveau Testament pour sa consonance très proche du nom hébreu. Le nom de Pierre, sous lequel il est plus connu, est la traduction du grec Petros, ce mot transcrivant lui-même le terme araméen Kepha, non commun qui signifie « roc » ou « pierre ». Il semble bien que ce surnom lui ait été imposé par Jésus lui-même (Marc iii, 16 ; Jean ii, 42). Pierre était originaire de Bethsaïde, ville de Galilée, sur la rive nord-est du lac Tibériade. C’était un village de pêcheurs, qui, à l’époque de Jésus, avait eu rang de ville, en raison de son grand nombre d’habitants ; la population y était mêlée — Juifs et païens — et fortement hellénisée.

Pierre était un pêcheur, sans doute peu fortuné ; c’est tandis qu’il jetait ses filets dans le lac, en compagnie de son frère André, que Jésus les choisit tous deux comme disciples pour en faire des « pêcheurs d’hommes ». Bien qu’il ait porté un nom grec, comme son frère, son origine sémitique est marquée par le nom de son père : Pierre est appelé Barjona, qui signifie en araméen « fils de Jona » ou « de Joannes » (Jean), nom qui lui est donné par ailleurs. Il était marié, certainement avant de rencontrer Jésus : sa belle-mère est mentionnée dans les Évangiles.

Les Actes des Apôtres le montrent avec saint Jean comme « gens sans instruction ni culture » ; sa langue natale était l’araméen, mais il est possible qu’il ait eu aussi quelques connaissances du grec, pratiqué par une grande partie de la population.

Pourquoi Jésus choisit-il Pierre et André comme ses deux premiers disciples ? Il est possible qu’André ait déjà été un disciple de Jean-Baptiste et qu’il se soit attaché ensuite à Jésus, avec son frère. On ne sait pas mieux pourquoi c’est Pierre que Jésus choisit comme disciple privilégié ; à cette époque, on est en droit de supposer que Pierre avait une trentaine d’années, à peu près l’âge de Jésus, et peut-être était-il l’aîné d’André. Mais, ce qui a dû incliner Jésus à son choix, ce fut plutôt la personnalité de Pierre, son enthousiasme, qui se manifestera à plusieurs reprises, et sa totale confiance dans le maître. On trouve aussi chez lui un grande humilité ; après la pêche miraculeuse qui suit leur rencontre, il dit à Jésus en tombant à genoux : « Éloignez-vous de moi, Seigneur, parce que je suis un pécheur. » Ce n’est donc pas par vanité, mais plutôt poussé par une sorte d’impétuosité naïve qu’il se met souvent lui-même en avant, répondant à Jésus au nom des autres disciples, mais recevant aussi en leur nom les semonces du maître. Cette autorité, qui est de plus en plus reconnue à Pierre, lui vient aussi peut-être en partie du crédit dont il jouissait auparavant auprès de son propre frère et des deux fils de Zébédée, Jacques et Jean, avec lesquels ils étaient déjà associés, avant qu’ils devinssent tous quatre apôtres de Jésus. Naturellement, lorsque Jésus va à Capharnaüm, ville voisine de Bethsaïde, il se rend à la maison qu’y possédait Pierre, où il guérit la belle-mère de ce dernier, tenue au lit par la fièvre.

Pierre suit Jésus dans tout son ministère, et sa prééminence se marque dans le fameux passage (xvi, 16-19) de Matthieu où Jésus déclare qu’il est Pierre et que sur cette pierre il bâtira son Église. L’authenticité de cette parole a été contestée par de nombreux auteurs, mais, selon O. Cullmann, elle aurait bien été prononcée par Jésus, qui aurait utilisé la notion hébraïque du « Qchal » (peuple [de Dieu]), transcrit en grec par ecclesia.

Ce qu’on ne peut mettre en doute, c’est l’attitude de Pierre avant la Passion. Au moment de l’arrestation de Jésus, il essaie d’abord de le défendre, puis il prend la fuite avec les autres disciples et va jusqu’à nier connaître son maître, ce qui n’empêchera pas Jésus, ressuscité, de lui apparaître parmi les premiers.


L’apôtre

Toute la seconde partie de la vie de Pierre, après la mort et la résurrection de Jésus, est consacrée à l’apostolat. Comme sa personnalité a dominé celle des disciples, elle va continuer de dominer celle des apôtres. Il prend d’autorité la parole devant le peuple de Jérusalem, cela à plusieurs reprises, et il accomplit le premier miracle en guérissant un paralytique à la porte du temple de Jérusalem. Lorsque les apôtres sont conduits devant le sanhédrin, c’est Pierre qui prend la parole.

Après ces événements, les apôtres se dispersent pour annoncer l’évangile et Pierre, accompagné de Jean, rejoint Philippe à Samarie, où il confond Simon le magicien. Il parcourt ensuite la Judée et on le trouve à Lydda, où il guérit un paralytique, et à Joppé, près de la mer. Enfin, à Césarée, il convertit le centurion Corneille, qui est le premier « païen » à entrer dans la communauté chrétienne.

De retour à Jérusalem, Pierre doit se justifier de s’être adressé à des incirconcis (non-juifs) et il le fait en soulignant que ce n’est pas de sa propre initiative, mais à la suite d’une vision qu’il a eue à Joppé, où Dieu l’a incité à s’adresser aux gentils (= païens). Peu après, Pierre est arrêté sur l’ordre d’Hérode Agrippa, ce qui permet de situer avant 44, date de la mort de ce prince, toute cette période de la vie de l’apôtre. Il sera, selon le livre des Actes, délivré miraculeusement de sa prison.

À la suite de cet événement, Pierre « s’en va en un autre endroit », l’auteur des Actes ne précise pas davantage. À partir de ce moment, on ne trouve plus que quelques allusions à sa vie, qui, selon la tradition, est consacrée à des voyages apostoliques. Aux environs de l’an 50, on retrouve Pierre à Antioche, où Paul* lui reproche en termes sévères sa crainte de Jacques et des judéo-chrétiens, qui le fait s’éloigner des gentils et de leur conversion. De là, tous se rendent à Jérusalem, où se tient une grande assemblée qui est considérée comme le premier concile. Revenant sur sa position timide, sans doute à la suite du blâme de Paul, Pierre tient un discours pour proclamer, au nom de Dieu, que les gentils peuvent recevoir le baptême sans avoir à se soumettre aux observances judaïques. Après ce discours, où la pensée de l’apôtre rejoint celle de Paul, Pierre disparaît des Actes des Apôtres.