Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Piémont (suite)

Il est vrai que l’économie régionale est dynamique en dépit de fortes disparités géographiques. L’agriculture demeure importante (15 p. 100 de la population active). Les céréales sont à l’honneur (7 p. 100 du blé italien, 16 p. 100 du maïs, 55 p. 100 du riz) dans les plaines, avec de hauts rendements. La production de pommes de terre et celle des cultures maraîchères ont progressé (13 p. 100 des poivrons italiens par exemple), les cultures fruitières se développent (pommes, poires). Les collines sont le domaine de la vigne (8 p. 100 du pays). La montagne l’emporte par l’exploitation du bois et par l’élevage ; une bonne partie des bovins (14 p. 100 du pays) sont élevés dans la montagne.

Toutefois, l’industrie est, de loin, prépondérante (54 p. 100 de la population active). L’écrasante domination de l’industrie automobile turinoise ne doit pas en cacher la variété. Les ressources minérales sont minces (des carrières surtout), mais les ressources hydro-électriques sont notables. Les industries manufacturières reposent en premier lieu sur le secteur de la mécanique, suivi par celui du textile (laine) et de l’habillement et celui de la chimie (caoutchouc, fibres synthétiques, matières plastiques). Ce tableau est complété par la présence de vivaces industries du bois, du papier, de la transformation de produits alimentaires (chocolats, liqueurs).

Les activités tertiaires groupent 31 p. 100 de la population active. Outre les emplois du commerce et de l’administration, il y a ceux qui sont liés aux transports et au tourisme. La position géographique du Piémont n’est pas aussi bonne qu’il paraît, car c’est un carrefour excentré par rapport à l’Italie. Les Piémontais l’ont compris et ont eu une politique hardie en matière de liaisons. Aux routes anciennes du Simplon, du Mont-Cenis, de Montgenèvre, de Tende, ils ont su ajouter les tunnels routiers du Mont-Blanc et du Grand-Saint-Bernard. Leur effort en matière d’autoroutes a été soutenu (autoroutes en direction de Milan, Plaisance, Savone-Gênes, Aoste). Quant au tourisme, son importance grandit. Au tourisme de passage, avec arrêt à Turin, s’est ajouté le tourisme de montagne, estival et hivernal grâce à l’équipement de stations. Un tourisme plus régional se développe, portant à la découverte des multiples aspects du paysage.


Les régions

Le Piémont pourrait se caractériser comme une marqueterie de « pays » autour du foyer urbain de Turin. Les secteurs occidentaux, zone de passage vers la France, connaissent bien des difficultés. Le mur abrupt des Alpes enferme des unités rurales en voie de dépeuplement ; les hommes et l’électricité s’en vont vers la plaine ; humides et boisées, portant de beaux pâturages, les Alpes comptent peu de villes (Suse). Un renouveau économique se fait jour dans les hautes vallées grâce au tourisme (Limone, Sestrières). Les collines méridionales, coupées par le Tanaro, ont des problèmes analogues. Les cultures de noisetiers, la cueillette des truffes (Alba) sont des éléments bien minces. Il y a heureusement la vigne avec des vins rouges réputés et les vins blancs mousseux (asti spumante), mais le fractionnement de la propriété diminue la rentabilité des exploitations. Asti (80 000 hab.) est le centre de ce monde vinicole. La plaine de Cuneo à Turin est caractérisée par la culture des céréales (blé, maïs), l’élevage et la montée des cultures maraîchères. Dans ces petits centres, des décentralisations industrielles venues souvent de Turin se font jour ; c’est le cas à Cuneo (56 000 hab.), chef-lieu de province, où s’est installée la firme Michelin.

Les secteurs orientaux ont une économie plus vigoureuse avec des orientations différentes, l’influence de Milan s’y fait sentir de manière grandissante. Le territoire régional fait ici un large saillant vers le nord, s’enfonçant dans la montagne, c’est l’Ossola (vallée de la Toce) sur la route du Simplon. L’activité liée au passage et au tourisme se double d’une activité pastorale et d’une industrie non négligeable. En plus des équipements hydro-électriques, il y a les usines (chimie, métallurgie) de Domodossola (20 000 hab.) et de Villadossola. Le contact avec la montagne, plus complexe qu’à l’ouest, est plus varié aussi. La vie rurale est forte d’un vignoble réputé (vin rouge) et d’arbres fruitiers. La vie industrielle se dissémine en une série de centres spécialisés. Ivrée (30 000 hab.) abrite la firme Olivetti (machines de bureau), Biella (54 000 hab.) est spécialisé dans le travail de la laine de qualité, le textile prévaut aussi à Borgomanero, tandis que sur les rives du lac d’Orta et celles du lac Majeur la diversité est plus grande ; il s’y ajoute le tourisme. Tout au sud, le secteur d’Alexandrie, plus isolé, combine une agriculture alliant blé et betterave avec une industrie variée, répartis en divers centres, dont le premier est Alexandrie (103 000 hab.). La plaine du Pô, enfin, est caractérisée par la culture du riz dans le cadre de grandes exploitations. Vercelli (Verceil) [56 000 hab.] et Novare (102 000 hab.) sont de gros marchés, mais Novare est aussi un foyer industriel (mécanique, textile, chimie, édition...).

Au centre de tous ces « pays » règne la région turinoise. Placée en un carrefour essentiel, ancienne capitale avec toutes les activités qui en découlent, Turin a connu une forte crise au lendemain de l’Unité. La fondation de la Fiat va faire de la ville la capitale de l’automobile. Énorme entreprise (plus de 100 000 salariés), aux multiples ramifications, la Fiat par ses usines turinoises a attiré vers la ville une série d’industries liées à l’automobile (accessoires et machines-outils, carrosseries, matériel électrique, caoutchouc, matières plastiques, vernis...). Par effet induit, elle a rénové les anciennes industries. Ainsi Turin est devenu un centre de la haute mode (et de la confection), un grand foyer d’édition, de parfumerie, de confiserie. Des marques connues ont leur siège ou des usines dans la ville ; Pirelli, Michelin, CEAT (pneumatiques), Philips, Oreal, Cinzano... Les activités tertiaires achèvent de faire de Turin une très grande ville italienne. Du reste, une agglomération plus vaste se forme avec les communes de banlieue (la « cintura »), tandis que les villes proches (Pignerol [Pinerolo], Rivoli...) s’intègrent à une région métropolitaine.

L’aisance piémontaise ne va pourtant pas sans problèmes : inégalités de développement des différents secteurs géographiques, problèmes techniques et humains de l’essor urbain exigent désormais des solutions afin de ne pas altérer cette image d’une région prospère et dynamique.

E. D.