Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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phytosociologie (suite)

Enfin, l’analyse des listes synthétiques a permis à Braun-Blanquet de définir pour les espèces végétales la notion de fidélité ; en effet, certaines espèces sont presque exclusivement liées à un groupement déterminé ; elles sont rangées dans la classe 5 et sont nommées exclusives ; par ordre décroissant de fidélité, on trouve ensuite les électives, les préférantes, les indifférentes, ou compagnes, et enfin les accidentelles, ou étrangères. Les plantes rangées dans les trois premières classes sont des « caractéristiques » plus ou moins strictes des groupements.

À côté de ce type de synthèse, d’autres auteurs ont employé des méthodes statistiques pour la comparaison des divers relevés. La « méthode d’étude statistique des liaisons interspécifiques » peut ainsi faire apparaître dans les relevés les espèces qui sont le plus souvent réunies dans les mêmes communautés, ou l’inverse. Les « méthodes d’étude des similitudes floristiques entre relevés » aboutissent à la détermination de « coefficients de communauté » (Jaccard) ; des phytosociologues polonais ont proposé des « tables de coïncidences » ; celles-ci permettent de regrouper des éléments d’unités phytosociologiques.

L’analyse multidimensionnelle, que des auteurs, de plus en plus nombreux, emploient maintenant pour un traitement objectif d’un vaste ensemble de données, est utilisée dans les études phytosociologiques et écologiques. On ne se sert, le plus souvent, que de la « présence » ou de l’« absence » des espèces dans les divers relevés, car certains auteurs considèrent les résultats fournis par les coefficients d’abondance et de dominance comme peu satisfaisants. On individualise ainsi rapidement des groupes de relevés et les liaisons entre espèces et relevés. Dans l’ensemble, cette méthode apporte la confirmation des résultats obtenus par celles de la phytosociologie classique.

Suivant les idées de Braun-Blanquet, il existe une terminologie qui permet de désigner toutes les « entités systématiques » de phytosociologie ; on a ainsi à la base les associations que l’on désigne le plus souvent par le nom de l’espèce dominante en latin ; le nom de genre prend alors la terminaison -etum, et le nom d’espèce est mis au génitif. Les alliances groupent les associations qui ont en commun un certain nombre d’espèces « caractéristiques ». La dénomination latine des alliances se fait en ajoutant à un nom de genre la terminaison -ion. Au-dessus se trouvent les ordres (terminaison latine en -etalia) et les classes (-etea). Ainsi, Braun-Blanquet et Tuxen ont subdivisé la classe des Salicornetea en deux ordres : celui des Salicornietalia et celui des Juncetalia maritimi, le premier possédant plusieurs alliances, en particulier le Salicornion et l’Armerion..., elles-mêmes composées d’associations telles que le Salicornietum fruticosea, le Junceto-Caricetum extense ou encore l’Armerieto-Festucetum arenariæ ; tous ces groupements se localisent dans les marais salés de l’Europe.


Méthodes fondées sur les espèces dominantes

À côté de la méthode fondée uniquement sur la composition floristique totale, on trouve d’autres méthodes, prônées en particulier par les Américains, les Britanniques et les Scandinaves.

L’école de F. E. Clémente considère que les groupements stables sont ceux qui sont en équilibre avec les conditions climatiques de la région (climax) ; ces groupements sont définis par un ensemble d’espèces ou de genres dominants. Toute une terminologie a été alors élaborée. Mais cette théorie du climax unique n’est plus admise par la généralité des auteurs américains, qui se rapprochent maintenant des conceptions britanniques. Ces dernières sont fondées sur les espèces dominantes de la strate la plus apparente. En Scandinavie, Du Rietz, Ostwald et Nordhagen fondent l’étude des communautés végétales sur l’analyse de chaque strate en y mettant en évidence les espèces dominantes.


Méthodes dynamiques

L’école de phytogéographie de Toulouse, sous la direction du professeur Henri Gaussen, envisage des « séries dynamiques » de la végétation, naturellement appuyées sur les « associations » ; ces dernières sont réunies en séries, qui font entrer en compte la notion de temps, et c’est ainsi que sont surtout étudiés les stades terminaux (les forêts). Ces séries sont groupées en « étages de végétation », qui vont du plus chaud au plus froid, c’est-à-dire du sud vers le nord en plaine et du bas vers les sommets en montagne.

D’autres auteurs, tels que Schmidt en Suisse, fondent leurs conceptions phytogéographiques sur la notion de « ceintures de végétation », qui rassemblent les espèces végétales qui ont même aire de répartition actuelle et même origine paléobiogéographique (migrations quaternaires). Les groupements ainsi définis par Schmidt sont assez voisins des « séries » reconnues par Gaussen.


Méthodes écologiques

Actuellement, une certaine évolution se remarque dans la pensée des phytosociologues, et, pour beaucoup d’écoles, les associations sont définies maintenant de moins en moins par leurs « espèces caractéristiques », et de plus en plus par des indications écologiques. Déjà en 1935, Schimper et Faber ont associé le classement physionomique avec des caractéristiques écologiques et ont fait aussi intervenir divers facteurs biologiques, comme « les types biologiques, la périodicité, le degré de recouvrement... ».

En 1937, Allerge et Javet ont, sur des bases voisines, rangé en dix classes toutes les formations végétales ; ils ont particulièrement insisté sur celles des prairies, des arbustes et des forêts. P. Duvigneaud a introduit la notion de « groupes écologiques » en réunissant les espèces d’une association qui ont les mêmes exigences écologiques ; il a défini ainsi les affinités écologiques des groupements grâce aux plantes ; cette notion se rapproche beaucoup de celle des « plantes indicatrices ».

La conception d’alliance est alors un peu modifiée ; les associations qui composent l’alliance ont même écologie, mais diffèrent par leur répartition géographique, et elles ont de ce fait parfois des listes d’espèces caractéristiques assez différentes ; on peut alors considérer les associations au sein d’une même alliance comme des « groupements vicariants » ayant une même exigence écologique, qui, elle, définit l’alliance. C’est sur ces notions qu’est fondé le magistral ouvrage de H. Ellenberger consacré à la végétation de l’Europe centrale et paru en 1963.

La phytosociologie était fondée au début sur la notion stricte de groupements floristiques (associations) réunis en unités supérieures très hiérarchisées. Son évolution, qui aboutit maintenant à des concepts écologiques de plus en plus importants, est considérable, car elle renouvelle l’intérêt de cette science par l’apport de techniques et de méthodes originales.

J.-M. T et F. T.

➙ Écologie / Végétation.