Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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phytosociologie (suite)

Méthodes physionomiques

Ces méthodes, qui ont une origine ancienne (Humboldt 1806), sont fondées sur la physionomie de certains groupements végétaux, et c’est la « stratification » qui a, dès le début, prédominé. Quatre niveaux principaux sont distingués : ce sont (en partant du sol) les strates muscinale, herbacée, arbustive, et arborescente. Mais on peut les subdiviser : ainsi, en forêt dense humide des régions équatoriales, la voûte foliaire arborée présente plusieurs niveaux, l’un supérieur, provenant des grands arbres à troncs munis de contreforts et culminant vers 40-50 m de haut, puis celui des petits arbres (Palmiers). Cette stratification crée une forte compétition photique, car cette voûte polystrate provoque une très grande diminution de la luminosité dans les parties basses, imposant un sous-bois inférieur peu développé, sans tapis herbacé, mais, par contre, avec des lianes qui essaient d’atteindre l’air et la lumière du sommet des grands arbres. Au niveau des arbustes et des herbes, il peut être envisagé une stratification secondaire. Cette disposition se retrouve aussi à l’intérieur du sol, où les racines se localisent à des profondeurs diverses ; leur compétition est alors moins grande, puisqu’elles puisent l’eau et les sels minéraux à des profondeurs différentes. La vieille pratique agricole de l’assolement utilise cette caractéristique en alternant, dans le temps, des plantes à racines profondes (Luzerne) avec des plantes à enracinement léger (céréales). Cette notion de stratification est maintenant complétée par d’autres caractéristiques biologiques, en particulier celle de périodicité, liée aux conditions de climat ; ainsi, on a pu distinguer les forêts tropicales sempervirentes, semi-caducifoliées ou même caducifoliées, avec une période de repos dans la saison sèche. Ce concept de formation, très synthétique, englobe de nombreux tapis végétaux ; diverses terminologies ont été proposées par les écoles suisses de H. Brockmann et de E. Rübel (1930), l’école canadienne de Pierre Dansereau ou l’école allemande de J. Schmithüsen. On désigne ainsi neuf groupes ou types de formation : la forêt dense, la forêt claire, les fruticées (formations arbustives), les savanes, les steppes, les landes, les prairies et les pelouses, les déserts et les formations aquatiques des marais et de bord de mer. Ce classement physionomique, s’il ne permet pas d’approfondir le détail floristique des diverses communautés végétales, a cependant le grand intérêt, surtout dans les régions encore peu étudiées et vastes, de permettre d’en décrire la végétation. Il laisse cependant de côté la flore d’algues des mers et océans.


Méthodes phytosociologiques

Ce classement est illustré par plusieurs écoles ; celle qui s’appuie sur la composition floristique totale est de beaucoup la plus importante.

C’est à partir de la thèse de J. Braun sur l’Aigoual et, par la suite, grâce aux très nombreux travaux de l’école zuricho-montpelliéraine (S. I. G. M. A. [Station internationale de géobotanique méditerranéenne et alpine]), dirigée par J. Braun-Blanquet pendant plus de cinquante ans, que s’est affirmée cette école. Considérant que les plantes pouvaient être de bons indicateurs pour caractériser les conditions du milieu, Braun-Blanquet donne la prédominance à l’analyse floristique totale et ainsi précise le concept d’« association végétale » prôné par Charles Flahault dès 1900 et précisé par ce dernier et Carl Josef Schröter en 1910 au Congrès international de botanique de Bruxelles ; il définit également les termes de dominance, d’abondance, de sociabilité ainsi que les notions de fréquence et de fidélité, ces deux dernières étant caractéristiques des groupements et non des espèces comme les premières.

La dominance est évaluée en pourcentage de la proportion de surface couverte par une espèce dans une aire donnée ; cette notion est en pratique très voisine de celle d’abondance, relative au nombre d’individus pour une espèce donnée. Braun-Blanquet préconise une échelle allant de 1 à 5, c’est-à-dire d’une espèce « présente » mais dont la surface de recouvrement est infime (moins de un vingtième) jusqu’aux espèces qui recouvrent plus des trois quarts du sol. Diverses méthodes d’investigation ont été proposées ; il semble que l’appréciation visuelle, malgré son manque de rigueur apparent, soit encore la plus valable. La sociabilité est relative au groupement plus ou moins dense des individus d’une même espèce. La multiplication végétative favorise beaucoup cette « sociabilité », qui s’évalue de 1 à 5, c’est-à-dire de la plante isolée aux espèces « en peuplement », en passant par celles dont les individus sont en petits groupes, en troupes ou en petites colonies. La vitalité définit l’action biologique de chaque espèce ; elle reflète souvent la présence d’espèces survivantes d’un groupement antérieur et qui persistent encore dans un nouveau tapis végétal malgré des conditions écologiques moins favorables. La périodicité, en un même lieu, du tapis végétal au cours d’une même année est due à la variation saisonnière des climats (température, hygrométrie, durée du jour ou photopériodisme) ; ainsi voit-on apparaître certaines plantes au printemps (vernales, telles que la Ficaire), puis, après leur disparition plus ou moins totale, s’en développent d’autres (estivales).

Une fois ces relevés floristiques effectués, il faut les réunir et essayer d’en tirer la composition de l’association correspondante. Pour cela, Braun-Blanquet groupe les listes de chacun des relevés dans des tableaux synthétiques. Il établit ainsi pour chaque espèce son coefficient de fréquence ; si les espèces ainsi réunies dans le tableau synthétique ont un coefficient de fréquence élevé, on doit considérer que cet ensemble de relevés est homogène et correspond à une association bien définie et non pas à un rassemblement de relevés de plusieurs associations.

À côté d’un noyau d’espèces presque constantes, on en trouve parfois d’autres (dites « différentielles ») qui caractérisent des sous-associations.