Phrygane (suite)
La larve et son industrie : fourreaux et pièges
Mis à part la larve d’Enoicycla, qui vit dans les mousses, au pied des arbres, et celle de quelques formes d’eaux saumâtres, toutes les larves de Trichoptères se développent dans l’eau douce, préférant les eaux courantes riches en oxygène ; cependant les Limnophilus, qui sont les Phryganes les plus fréquentes en France, se rencontrent souvent dans les eaux dormantes. Avec leur appareil broyeur, elles se nourrissent d’Algues ou de débris organiques, ou, plus généralement, de petites proies animales. Leur respiration est assurée par des trachéo-branchies abdominales.
Selon les familles, les larves ressemblent à celles des Carabes (type campodéiforme) ou à des chenilles sans pattes abdominales (type éruciforme). Parmi les premières, Rhyacophila ne construit ni abri, ni filet ; sa larve vit libre, sous les pierres des torrents ; d’autres (Polycentropus, Hydropsyche) utilisent la soie émise par leurs glandes labiales pour édifier sur les pierres des filets en forme d’entonnoir qui servent de pièges à plancton et d’abri pour l’Insecte.
Quelques larves campodéiformes et toutes les larves éruciformes construisent un fourreau, dont la forme et les matériaux varient d’une espèce à l’autre ; les larves de Phryganes manifestent ainsi une aptitude au choix des éléments qui entrent dans la confection de leur étui ; elles peuvent aussi, dans une certaine mesure, s’adapter aux substances dont elles disposent, comme on l’observe dans des élevages. La forme la plus fréquente du fourreau est cylindrique ou conique, rectiligne ou arquée ; parfois il ressemble à un haricot (Hydroptila) ; chez Helicopsyche, il ressemble tellement à la coquille spiralée d’un Gastropode que l’animal fut d’abord décrit comme un Mollusque.
La matière fondamentale du fourreau est constituée par la soie des glandes séricigènes. Presque toujours, des matières minérales ou végétales y sont insérées et en forment les éléments les plus visibles : grains de sable chez Enoicycla, brindilles disposées transversalement ou coquilles de Planorbes (Limnophilus rhombicus), fragments de feuilles disposées en spire régulière (Phryganea grandis), brindilles disposées dans le sens de la longueur (Grammotaulius). Autour du fourreau, divers matériaux se trouvent parfois surajoutés : chez Glyphotælius, de larges lambeaux de feuilles camouflent le tube ; Gœra leste le sien avec de petites pierres ; Drusus, qui habite les torrents, hérisse le sien de brindilles obliques, qui assurent un ancrage efficace.
Ainsi la construction de l’étui révèle-t-elle souvent de la part des larves des Trichoptères un comportement complexe et spécifique. Ancrées au fond de leur abri par deux crochets terminaux, prenant appui près de l’orifice par trois mamelons situés sur le premier segment abdominal, elles laissent émerger tête et thorax pour marcher et capturer leur nourriture ; l’abdomen ondule constamment et provoque un renouvellement de l’eau au niveau des branchies. Au moindre danger, elles se rétractent dans le tube ; c’est également dans le tube qu’elles effectuent leurs mues et qu’elles passent l’hiver. À la fin de la vie larvaire, qui dure de quelques mois à environ un an selon les espèces, les « porte-bois », ainsi que les appellent les pêcheurs, s’enferment dans leur fourreau en tendant des fils de soie à travers l’ouverture et s’y transforment en nymphe ; celle-ci est dotée d’une mobilité exceptionnelle chez les Insectes, car elle s’agite continuellement à l’intérieur de son abri pour renouveler l’eau et s’en échappe finalement à la nage, gagne la surface de l’eau et subit sur une plante la mue imaginale.
La ressemblance, signalée au début de l’article, entre Phrygane et Papillon n’est pas superficielle ; plusieurs arguments attestent les affinités entre Trichoptères et Lépidoptères* : les Microptérygidés, Lépidoptères primitifs, ont, comme les Phryganes, des pièces buccales broyeuses, des ailes couvertes de poils, mais leurs larves sont de vraies chenilles aériennes. La paléontologie révèle d’autres affinités : les vrais Trichoptères, apparus au Lias, furent précédés par des formes primitives au Trias, elles-mêmes issues sans doute de Mécoptères (Panorpes*), comme Belmontia du Permien d’Australie.
M. D.
➙ Lépidoptères / Panorpe.
