Phnom Penh (suite)
Phnom Penh est située en effet à l’ouest du confluent, sur le bourrelet naturel qui longe Tonlé Sap et Bassac, en berge haute, c’est-à-dire que le sommet du bourrelet domine de très près les fleuves. De plus, la topographie se modifie sous l’action du Mékong. Le port est situé dans le Tonlé Sap, et son accès à partir du Mékong par la « passe des Quatre Bras » est délicat, car cette dernière s’ensable ; d’autre part, la différence entre hautes et basses eaux est en moyenne de 8 m (cependant que le marnage est négligeable) : dans ces conditions, il n’a pas été possible d’édifier des appontements en dur, mais seulement des appontements en bois, flottants, qui montent avec la crue et descendent en décrue. Enfin, le site sur un bourrelet donnait obligatoirement à la ville primitive une allure linéaire, orientée grossièrement nord-sud, entre les fleuves et une dépression occupée par des étangs, ou beng (Beng Kak). Le développement de la ville n’a pu se faire que par de coûteux travaux de colmatage successifs vers l’ouest et par l’édification d’une digue périphérique en forme grossière de croissant contre les inondations. Les premiers travaux de colmatage importants remontent à 1910, mais la physionomie actuelle de la ville est due aux travaux considérables réalisés à partir de 1958.
Phnom Penh aurait eu 50 000 habitants en 1834, avant son incendie par les Siamois, et 10 000 seulement en 1866 ; la population était très mêlée et composée surtout de Chinois ; la ville est restée longtemps une petite cité, et les étrangers y étaient nombreux. Elle avait 30 000 habitants en 1875, 108 000 en 1939, 111 000 en 1948 : à cette époque encore, plus de la moitié de la population était chinoise et vietnamienne avec, en outre, une minorité nationale musulmane (Chams ou Khmers Islām) ; de 1875 à 1948, la population ne s’était guère développée que par accroissement naturel et par immigration étrangère. Une mutation considérable s’est produite à partir de 1948 : la population a été gonflée par un considérable exode rural ; elle s’est accrue (355 000 hab. en 1958, 610 000 en 1968) et en même temps « khmérisée » ; dès 1958, les Cambodgiens en forment les deux tiers. En 1948, c’est l’insécurité due à la guerre qui a provoqué l’immigration ; à partir de l’indépendance (1953), c’est surtout la promotion de la ville au rôle de capitale politique et économique.
À partir de 1970, la guerre a provoqué une nouvelle et considérable modification, à la suite du départ de la minorité vietnamienne (60 000 personnes ?) et de l’afflux massif de paysans fuyant la guerre ; la population avait triplé, ce qui posait des problèmes quasi insolubles.
Jusqu’en 1950 et même jusqu’en 1953, la ville était, dans une large mesure, sous la dépendance de Saïgon, à qui elle servait de relais. Après l’indépendance, elle devint pleinement la capitale du Cambodge. Capitale politique et administrative d’un État fortement centralisé, elle était le centre unique de décision. C’était aussi le grand centre culturel. De 1958 à 1970, le rôle portuaire déclina à la suite de la construction du port en eau profonde de Kompong Som (ex-Sihanoukville). À 10 km à l’ouest, l’aéroport de Pochentong est le premier aéroport international du Cambodge. À l’exception des entreprises d’État construites en province, Phnom Penh groupe presque toute l’activité industrielle : rizeries (en déclin), scieries, manufactures de cigarettes, boissons gazeuses, pneus (à Takhmau, au sud de la ville). Mais l’activité essentielle réside dans le commerce de détail et un artisanat très divers et très varié, longtemps entre les mains des Chinois.
Avant 1970, la population était déjà largement sous-employée. Depuis 1970, en dépit du développement d’activités agricoles suburbaines, la situation devenait dramatique, ce qui éclaire l’exode urbain forcé, intervenu en 1975, après la victoire des Khmers rouges.
J. D.
