Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Philippe VI de Valois (suite)

Édouard III, qui avait accepté de mauvais gré de prêter hommage lige en 1331, mais simplement par lettres patentes, fit porter le défi à son suzerain en novembre 1337 : la guerre était inévitable. La supériorité en hommes et en ressources matérielles est du côté de Philippe VI, mais la tactique de la lourde chevalerie française fera faillite en face des archers anglais ; le pape Benoît XII, soucieux de préserver la paix, interdit à deux reprises à Philippe VI de confisquer la Guyenne alors qu’Édouard III est hors d’état de réagir, et l’empêche d’exploiter l’alliance franco-écossaise ; les hésitations du roi aux moments décisifs de la campagne expliquent également son incapacité à tirer parti des possibilités réelles du royaume de France. Après quelques escarmouches entre 1337 et 1339, Édouard III s’intitule roi de France (janv. 1340) et reçoit à Gand l’hommage des communes flamandes. La flotte française est anéantie à L’Écluse (Sluis) le 24 juin 1340, puis la trêve d’Esplechin (25 sept. 1340) suspend les opérations jusqu’au 24 juin 1342. Elles reprennent alors en Bretagne, où Philippe VI soutient Charles de Blois — Châtillon contre Jean de Montfort, appuyé par Édouard III. Celui-ci, prenant prétexte de l’exécution d’Olivier de Clisson et de quatorze chevaliers bretons passés au parti de Montfort, rompt la trêve de Malestroit (janv. 1343) en mai 1345 ; l’année suivante, Édouard III débarque en Normandie et, le 26 août 1346, c’est la grande défaite française de Crécy, suivie de la prise de Calais le 4 août 1347, sans que Philippe VI, paralysé par la crainte des trahisons, n’ait rien tenté pour sauver la ville.


Bilan du règne

Le règne de Philippe VI s’inscrit dans la période de crise qui a affecté l’Europe occidentale au xive s. : dépression économique, contraction démographique, épidémies (peste noire de 1347-48), ravages dus à la guerre. Pour faire face à l’accroissement des dépenses et pallier la faiblesse de la masse monétaire en circulation, le roi recourt, surtout à partir de 1340, à des expédients : fréquentes mutations des monnaies (vingt-quatre entre 1337 et 1350), emprunts (aux villes, aux papes d’Avignon, aux banquiers lombards), monopole royal de la vente du sel (la gabelle, instituée en 1341). Il s’adresse aussi à des assemblées de représentants du royaume pour en obtenir des subsides : assemblées régionales le plus souvent, parfois élargies à l’ensemble des pays de langue d’oïl (en 1346 et 1347) ou à celui des pays de langue d’oc (en 1346).

Le règne de Philippe VI marque également une étape importante dans le développement des institutions monarchiques (organisation définitive du parlement par l’ordonnance du 11 mars 1345) et la mise en place des grands organes de l’administration, commencée au xiiie s. : mouvement qui éloigne progressivement la monarchie de ses origines féodales.

Poursuivant la politique de poussée vers l’est inaugurée par Philippe le Bel, Philippe VI réalise de substantielles annexions (achat de Montpellier à Jacques III de Majorque et surtout du Dauphiné à Humbert II en 1349) : le royaume de France touchait désormais à la frontière des Alpes.

Malgré les échecs et les dangers menaçants à la mort du roi, le 22 août 1350, le règne de Philippe VI continue dans une certaine mesure la tradition capétienne, et les forces vives du royaume ne semblent pas trop profondément atteintes.

G. R.

➙ Capétiens / Cent Ans (guerre de) / Dauphiné / Édouard III / États généraux / Valois.

 E. Perroy, la Guerre de Cent Ans (Gallimard, 1946). / R. Cazelles, la Société politique et la crise de la royauté sous Philippe de Valois (d’Argences, 1958). / P. C. Timbal et coll., la Guerre de Cent Ans vue à travers les registres du parlement (C. N. R. S., 1962).

Philippe II le Hardi

(Pontoise 1342 - Hal 1404), duc de Bourgogne de 1364 à 1404, comte de Flandre de 1384 à 1404, quatrième fils de Jean le Bon et de Bonne de Luxembourg.



Le nouveau duc de Bourgogne

Très jeune, il se couvre de gloire aux côtés de son père à la bataille de Poitiers (1356). La succession de Bourgogne s’étant ouverte à la mort de Philippe de Rouvres (nov. 1361), Jean le Bon prononce par lettres patentes la réunion du duché au domaine royal ; mais, devant la résistance du particularisme bourguignon, il envisage de recréer un duché de Bourgogne ; il procède par étapes : en janvier 1363, il donne en apanage à Philippe la Bourgogne, mais l’acte reste secret pendant six mois ; le 27 juin 1363, Philippe remplace Jean de Tancarville († 1382) comme lieutenant général du roi en Bourgogne ; dès l’avènement de Charles V, les lettres patentes du 2 juin 1364 reconstituent le duché au profit de Philippe. Celui-ci abandonne alors son précédent apanage de Touraine.

Le nouveau duc, de taille élevée, aux traits accusés, était d’intelligence subtile ; affable et séduisant, il avait le sens de l’opportunité et la promptitude de la décision ; « il voyait au loin », dit de lui Froissart ; comme tous les Valois, il était fastueux, prodigue et amateur d’art.


Le créateur des États bourguignons

Dans le cadre de la préparation diplomatique entreprise par Charles V à la veille de la rupture du traité de Calais, le roi parvient, après des négociations longues et ardues, à faire conclure le mariage de son frère avec Marguerite, unique héritière du comte de Flandre, Louis II de Mâle (19 juin 1369) ; du chef de sa femme, et à la mort de son beau-père (1384), Philippe va joindre au domaine bourguignon Flandre, Artois, seigneurie de Malines, comtés de Bourgogne, de Rethel, de Nevers, la Terre de Champagne : ainsi sont fondées les bases de l’État bourguignon, qui perdra peu à peu son caractère français et fera peser — au xve s. particulièrement — une très grave menace sur le royaume des Valois.