Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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pétrographie et pétrologie (suite)

Les chutes de météorites laissent à la surface de la planète des marques, heureusement rares et dispersées. Pendant fort longtemps, les seules marques structurales, cratères et bourrelets, cônes de chocs, ont été déchiffrées. La réalisation de formes de très hautes pressions de la silice, la cœsite, synthétisée par L. Cœs en 1953, la stishovite, par Stishov en 1961, a suscité la recherche, puis la découverte de ces minéraux dans la nature.


Les marques des climats internes

Les laves apportent en surface les messages de la profondeur. Elles renseignent par leur état, leur température, leur composition, les gaz qu’elles dégagent. Refroidies, elles comportent un verre et des cristaux. Le verre est la phase liquide figée, et sa présence est une marque absolue de passage par l’état liquide. Les cristaux constituent en général deux groupes : les microlites, que seul le microscope permet de voir, et les gros phénocristaux. Les microlites apparaissent au moment du refroidissement en même temps que le verre. Les phénocristaux sont les témoins d’épisodes de cristallisation antérieurs. Leur analyse permet d’aborder les équilibres entre cristaux et liquides. Les minéraux, dont la composition change entre deux ou plusieurs pôles, permettent ainsi de restituer l’histoire des conditions traversées. Pour certains d’entre eux, les plagioclases en particulier (fig. 1 et 2), les changements de la composition se traduisent par des changements très nets des propriétés optiques, qui permettent, par référence à des cristaux homogènes assez grands pour être analysés, d’approcher correctement des compositions. Mais, pour les verres et pour d’autres groupes de minéraux, par exemple les pyroxènes ou les grenats, les indications fournies par l’analyse optique ne sont pas suffisantes.

Ces minéraux constituent le champ d’application privilégié de la microsonde électronique. L’existence de zonations traduisant de nécessaires équilibres entre cristaux et liquides permet d’étendre cette recherche des conditions traversées par les minéraux aux roches magmatiques totalement cristallisées. Par ailleurs, la composition globale des mésostases, ensemble de minéraux cristallisés en dernier, donne une idée des possibilités évolutives de ces roches. La mésostase micropegmatitique (quartz et feldspaths alcalins) des dolérites et la mésostase de feldspaths alcalins, analcime, biotite des basaltes alcalins, permettent de déceler les différenciations qui conduisent respectivement aux phonolites et aux rhyolites (v. cristallines [roches]). Les compositions globales des roches magmatiques, par référence à des systèmes artificiels, apportent des renseignements très utiles sur l’origine même des liquides à partir desquels elles se sont formées (v. granite). L’histoire d’une roche ne cesse pas d’être déchiffrable à partir du moment où elle est partiellement ou totalement cristallisée. La plupart des minéraux admettent des formes différentes selon les conditions physiques. Quelques-uns conservent la marque de l’évolution subie dans le solide. C’est le cas des feldspaths alcalins, qui, à haute température, constituent une solution solide depuis le pôle orthose KAlSi3O8 jusqu’au pôle albite NaAlSi3O8. Lorsque la température s’abaisse, apparaissent les perthites traduisant l’exsolution, c’est-à-dire la répartition des composants en deux phases distinctes (fig. 3 et 4).

De la même manière, les petits ions Fe2+ et Mg et les gros ions Ca2+, qui, à haute température, peuvent coexister dans un même réseau de pyroxène, divorcent à température plus basse et s’installent en phases séparées.

Les roches métamorphiques portent également en elles l’empreinte des climats traversés, qui peut être révélée par l’observation de changements de composition d’un minéral dans une suite de faciès. Les amphiboles, par exemple, passent du vert au brun et se comportent ainsi comme des indicateurs colorés (v. métamorphisme). La connaissance expérimentale de plus en plus précise des conditions permettant les transformations de polymorphes ou les réactions entre minéraux autorise l’interprétation des associations minérales naturelles et la compréhension de ce qu’elles signifient.


Les marques des mouvements

Les roches portent en elles la marque des mouvements de leurs composants avant, pendant et après leur cristallisation. Dans les magmas qui s’écoulent, les cristaux s’orientent comme des objets flottants dans l’eau courante (fig. 5). L’analyse de leur orientation permet de retrouver la structure interne des intrusions ou des coulées (fig. 6). L’orientation des biotites dans un pli (fig. 7) permet de distinguer deux générations : la première antérieure au pli, puisqu’elle est dans des lits déformés par le pli ; la seconde contemporaine, puisqu’elle est alignée dans le plan axial de ce pli. À ce niveau, la pétrologie rejoint la microtectonique.


Les marques du temps et la préhistoire des roches

Les varves, avec leurs lits saisonniers, les mollasses, et leurs niveaux à feuilles marquant des automnes passés, ont fourni les premières estimations rigoureuses de durée absolue. Mais non de temps absolu, car la plus récente des couches n’est pas calée dans le temps. Par ailleurs, le champ d’utilisation se limite à quelques milliers d’années. La découverte de la radioactivité de certains isotopes les a très vite fait utiliser comme chronomètres naturels. Connaissant la constante de désintégration, le nombre d’atomes radioactifs N et le nombre d’atomes fils ND, le temps peut être calculé :

Les méthodes les plus utilisées dans les roches sont celles qui se fondent sur la désintégration :

La méthode bien connue du carbone 14 n’entre pas ici en ligne de compte, car elle demande un matériel biologique et n’est applicable que pour un passé proche. La chronologie n’est pas le seul résultat. La méthode Rb/Sr permet, certes, de connaître l’âge de la cristallisation ou de la recristallisation des minéraux des roches. Cet âge est fonction de la pente des droites unissant les points représentatifs de roches ou de minéraux d’une même série. On parle de droites isochrones. Avec le temps, en effet, la proportion de 87 Rb diminue et donc le rapport 87 Rb/86 Sr, alors que le strontium s’enrichit en isotope 87 Sr, né de la désintégration de 87 Rb, et que le rapport 87 Sr/86 Sr augmente. Mais ces rapports changent en fonction de la composition initiale, et si la teneur en 87 Rb est nulle (87 Rb/86 Sr = 0), la roche ne s’enrichit pas en 87 Sr, à moins que ce dernier ne vienne d’ailleurs. La droite isochrone pivote autour du point fixe que constitue ce rapport 87 Sr/86 Sr pour une teneur nulle en 87 Rb. Si, par fusion ou métamorphisme, le 87 Sr est redistribué dans de nouveaux minéraux, de nouvelles isochrones apparaissent avec un rapport initial d’autant plus élevé que l’évolution a été plus longue avant la fusion ou le métamorphisme et que la teneur en 87 Rb était plus grande. On peut ainsi distinguer (fig. 8) dans la vieille série de Man, en Côte-d’Ivoire, deux ensembles d’âge assez voisins, mais dont l’un, avec un rapport 87 Sr/86 Sr de 0,6987, dérive vraisemblablement de matériels du manteau sans évolution appréciable, alors que l’autre, avec un rapport de 87 Sr/86 Sr de 0,7071, a certainement subi une différenciation et une évolution dans l’écorce avant sa dernière cristallisation.

J. L.

➙ Cristallines (roches) / Granite / Métamorphisme / Pédologie / Roche / Sol.

 F. J. Turner et J. Verhoogen, Igneous and Metamorphic Petrology (New York, 1951 ; 2e éd., 1960). / J. Jung, Précis de pétrographie (Masson, 1958 ; 3e éd., 1969). / J. Aubouin, R. Brousse et J.-P. Lehman, Précis de Géologie, t. I : Pétrologie (Dunod, 1967).