Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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personnalisme (suite)

 E. Mounier, Qu’est-ce que le personnalisme ? (Éd. du Seuil, 1947) ; le Personnalisme (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1949, 12e éd., 1971). / P. L. Landsberg, Problèmes du personnalisme (Éd. du Seuil, 1952). / J. Lacroix, Marxisme, existentialisme, personnalisme (P. U. F., 1950 ; nouv. éd., 1956) ; le Personnalisme comme anti-idéologie (P. U. F., 1972). / C. Moix, la Pensée d’Emmanuel Mounier (Éd. du Seuil, 1960). / M. Nédoncelle, Conscience et Logos (Éd. de l’Épi, 1962). / R. Benjamin, Notion de personne et personnalisme chrétien (Mouton, 1972).

personnalité

Dans la vie sociale, une personnalité est soit une personne exerçant des fonctions sociales importantes, soit, dans un sens plus « psychologique », une personne qui se caractérise par une conception des choses et par une volonté bien arrêtées, possédant en même temps les qualités nécessaires pour imposer en quelque sorte aux autres ses propres manières de voir et d’agir.


On parle dans ce sens d’une forte personnalité. En psychologie scientifique, tout jugement de valeur — social ou psychologique — sera écarté de la notion de personnalité ; il convient en outre de distinguer nettement entre personne et personnalité. Le terme personne désigne l’individu humain concret. Personnalité, au contraire, est une construction scientifique, élaborée par le psychologue en vue de se faire une idée — au niveau de la théorie scientifique — de la manière d’être et de fonctionner qui caractérise l’organisme psychophysiologique que l’on appelle personne humaine. Cette reconstruction théorique se fait à partir des comportements observés, des dispositions ou traits inférés et des relations constatées, de manière à aboutir à un ensemble fonctionnel qui rend compte des différents phénomènes caractérisant la personne humaine. Étudier la structure de la personnalité, c’est précisément examiner l’ensemble des relations qui organisent et unissent entre elles les différentes conduites et dispositions de l’individu humain. Certaines modalités d’une telle structure peuvent être normales ou anormales, intégrées ou dissociées. C’est ainsi que l’on pourra dire d’une personne qu’elle a ou qu’elle « possède » une personnalité de telle ou telle modalité. Cette personnalité désigne donc la manière d’être et de fonctionner d’un psychisme humain, telle qu’elle a été reconstruite à l’aide de l’investigation psychologique.

Il y a lieu de distinguer dans l’étude de la personne humaine deux aspects : l’aspect différentiel et l’aspect général. La notion de personnalité appartient, en effet, à la psychologie générale du comportement humain et à la psychologie différentielle. Cette distinction ne coïncide que partiellement avec celle que l’on fait souvent entre l’étude nomothétique et l’approche idiographique. L’étude nomothétique (nomos = loi) est celle qui cherche à découvrir des lois générales ; elle s’intéresse donc à ce qu’il y a de commun à toute personnalité. L’étude idiographique s’intéresse à ce qu’il y a d’unique et de propre (idios = personnel, propre) à chaque personnalité ; elle cherche donc à comprendre le cas individuel. Mais il est évident que l’étude différentielle de la personnalité cherche aussi à découvrir certaines lois générales (par exemple celles de la répartition normale des différences entre les individus, etc.).

Il est inexact de dire que la notion de personnalité serait superflue si les différences individuelles entre les individus humains cessaient d’exister. Avant d’être une notion de la psychologie individuelle ou différentielle, le concept personnalité appartient à l’étude générale du comportement humain, comme manière typique et unique de fonctionnement psychique Cette forme de vie psychique qui constitue la personnalité se caractérise, notamment, par un développement extraordinaire des fonctions cognitives qui permet à l’individu non seulement de percevoir le monde et d’y agir d’une façon typique, mais aussi de se percevoir ou de se connaître comme agissant en face des autres et du monde. Cette perception et connaissance, ou conscience, de soi est une forme de possession de soi, qui constitue un élément essentiel d’un psychisme personnalisé.

Quant aux différences profondes qui distinguent entre eux les individus humains, disons que cette différenciation est la conséquence de la forme spéciale de vie psychique qui caractérise la personnalité. Les particularités qui différencient les individus animaux, quoique fort intéressantes, n’atteignent pas ce degré d’individualisation profonde qui caractérise la vie « personnelle » de l’homme. Les différences d’opinion et de conception, les oppositions entre systèmes de valeur, entre plans et projets, les barrières infranchissables qui constituent l’intimité et la solitude profonde de la personne humaine sont les conséquences de cette forme spéciale de fonctionnement psychique et, surtout, de ce développement des fonctions cognitives qui donnent à cette vie une intériorité, une conscience et un « contenu » qui embrassent le monde des objets et des autres sujets.

Quant aux termes moi et soi ou soi-même (le self en anglais), ils ont reçu plusieurs significations dans le cadre de différents systèmes psychologiques (par exemple en psychanalyse et dans la psychologie analytique de Jung*). Si nous faisons abstraction de ces significations particulières, on peut dire qu’en psychologie générale le terme moi signifie, d’une part, la personne concrète en tant que sujet ou agent de l’activité psychique (le Je) et, d’autre part, le sujet en tant que connu par lui-même, c’est-à-dire tout ce qui de nous-même apparaît au niveau de la conscience. Toutefois, le terme moi se dit quelquefois aussi de la personne tout entière et, spécialement, du sujet dans sa forme corporelle globale. On sait aussi que, grâce à certains processus d’identification, ce moi global (tout ce qui est mien) s’étend à d’autres personnes et à certaines choses spécialement liées au moi proprement dit. C’est dans ce sens que l’on peut dire que les limites psychiques du moi sont variables et se situent au-delà des limites corporelles : le moi se prolonge dans l’instrument qu’on a en main, etc.