Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Perroux (François) (suite)

Enfin, pour F. Perroux, les faits de l’économie ne se réduisent plus à des phénomènes de marché ou à des échanges marchands ; ces faits ne se définissent plus par les prix* que le marché forme. Il a été ainsi amené à critiquer la « société marchande » en soi et les analyses fondées sur l’idée que tout mécanisme économique peut être réduit au jeu de marchés impliquant le do ut des. Perroux démontre que certains actes économiques sont gratuits, d’autres aléatoires, que d’autres encore tendent plus à la conquête d’un pouvoir qu’à l’acquisition directe d’avantages matériels : en tout cas, l’égalité des prestations ne peut plus être considérée comme l’essentiel de l’acte économique. F. Perroux met dès lors en avant l’importance que présente pour la critique de la société marchande la notion centrale de « coûts de l’homme » ; le fait que ces coûts ne sont pas comptabilisés ni, bien souvent, intégralement payés, constitue l’argument d’ordre économique qui condamne ce type de société. Dans ces conditions, il faut une doctrine nouvelle du développement où l’accent serait mis sur l’amélioration des rapports entre classes sociales d’une même nation et sur celle des relations économiques internationales. C’est en effet dans ce domaine qu’éclatent surtout les tares de la société marchande : misère des pays sous-développés, évolution défavorable des prix de leurs exportations, exploitation des pays dominés au profit des industries des pays nantis et « avares », égoïsme farouche des peuples blancs. Ces réflexions de F. Perroux nous invitent à repenser les grands problèmes économiques de notre temps.

G. R.

➙ Concurrence / Croissance économique / Développement / Échanges internationaux / Économique (science).

Persépolis

Résidence des rois achéménides, auj. Taḳht-e Djamchid, à 60 km au N.-E. de Chirāz (Iran).


Les constructions entreprises par Darios Ier* le Grand, qui avait conçu le plan d’ensemble, à partir de 513 av. J.-C., furent poursuivies par Xerxès Ier* et Artaxerxès Ier. Lors de l’invasion d’Alexandre le Grand, les bâtiments furent détruits par le feu (ravage accidentel ou incendie volontaire ?). En 1931, on commença le dégagement et l’étude archéologique des ruines.

L’ensemble des constructions — salles officielles, palais, bâtiments administratifs dont la destination n’est pas toujours claire — se dresse sur une terrasse, en partie artificielle, en partie taillée dans la montagne, à laquelle on accède par un escalier monumental à double révolution. Deux portes, dont une (porte de Xerxès) est très bien conservée, conduisent à deux grandioses salles du trône (apadana de Darios et salle aux Cent Colonnes), derrière lesquelles se dressent deux palais officiels (tatchara [petit palais] de Darios et palais de Xerxès). Un tripylon (triple porte) assure la liaison entre ces différentes parties. Au sud, on trouve des bâtiments à fonction administrative (trésorerie, « harem »).

Quelle que soit la destination de ces édifices, portes, salles d’audience, palais, bâtiments administratifs, tous sont fondés sur un parti architectural unique, la salle hypostyle (une pièce dont le plafond est supporté par des rangées de colonnes), déjà mis en œuvre par Cyrus à Pasargades et dont l’origine est à rechercher dans l’architecture du nord-ouest de l’Iran au début du Ier millénaire, par exemple au 4e niveau d’Hasanlu (xe-ixe s. av. J.-C.). Les salles de Persépolis ne font qu’utiliser le même principe, appliqué de façon géniale à des bâtiments de dimension grandiose.

De nombreux éléments architecturaux sont empruntés à la Grèce d’Asie (par exemple les volutes verticales des chapitaux, les perles et pirouettes de certaines moulures), d’autres à l’Égypte (linteaux des portes du tatchara de Darios, décorés d’une gorge égyptienne), d’autres au monde néo-assyrien (monstres gardiens de la porte de Xerxès). Mais les architectes perses surent, à partir de ces éléments disparates, faire surgir des formes nouvelles, et la colonne de Persépolis, depuis sa base campaniforme jusqu’à son imposte à double protomé d’animaux, est une création originale.

Le même éclectisme volontaire se retrouve dans le décor sculpté. Seuls les éléments structurels de l’architecture — montants et linteaux des portes et fenêtres, murs de soutènement des palais et parapets des escaliers, en pierre — sont décorés : scènes symboliques (le héros royal étouffant un monstre, le lion combattant un taureau, le disque ailé encadré de sphinx) ou scènes de la vie de cour (le roi suivi de ses serviteurs, accordant une audience ; le défilé des délégations apportant le tribut des provinces ; les soldats de la garde royale). Ces reliefs, dont de nombreux thèmes sont directement empruntés à l’Assyrie ou à la Babylonie, sont exécutés avec une minutie extrême, qui, malgré l’ampleur du programme iconographique, ne va pas sans monotonie.

On s’est beaucoup interrogé sur la destination de cet ensemble somptueux de bâtiments, dont l’étendue, la construction à travers plusieurs règnes, mais selon un plan conçu dès l’origine, font penser à Versailles. Persépolis n’était pas une capitale politique (rôle dévolu à Suse), mais une résidence royale qui devait servir de cadre à certaines fêtes de l’Empire, telle la remise du tribut par les provinces, complaisamment décrite par les reliefs des escaliers de l’apadana. La conception et l’exécution de ce vaste programme architectural répondent d’ailleurs à un but politique précis : les emprunts iconographiques à telle région de l’Empire, si facilement décelables, sont volontaires, et les princes s’en vantent dans leurs inscriptions ; le but et la gloire de Persépolis sont de symboliser, à travers l’architecture et le décor, cette fusion synthétique des différentes parties du monde oriental en un tout cohérent. En ce sens, ces monuments sont l’expression tangible d’une volonté politique, magnifique réussite d’un art arrivé au terme de son développement.

J.-L. H.

➙ Achéménides / Iran.

 E. F. Schmidt, Persépolis (Chicago, 1953-1969 ; 3 vol.).