Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Arhlabides ou Aghlabides

Dynastie arabe d’Afrique du Nord (ixe s.).



Les origines

Fondé en l’an 800, le royaume des Arhlabides englobe les territoires correspondant à la Tunisie actuelle et à la plus grande partie du département de Constantine.

Son fondateur, Ibrāhīm ibn al-Arhlab, arrive en Ifrīqiya en 799 pour mater une rébellion contre l’impopulaire gouverneur ‘abbāsside ibn Maqātil. Hārūn al-Rachīd lui accorde en juillet 800 l’investiture pour diriger l’Ifrīqiya, dont l’éloignement de Bagdad et la turbulence de la population rendent difficile l’administration directe. Ibrāhīm Ier prend officiellement le titre d’émir. L’Ifrīqiya n’est désormais plus une province de l’Empire ‘abbāsside, mais simplement un État vassal. L’émir tient en principe son autorité du calife, auquel il envoie chaque année des pièces d’or frappées à cet effet. En fait, l’émirat devient rapidement héréditaire et Ibrāhīm Ier transmet le pouvoir à ses propres enfants.


Le gouvernement et l’administration arhlabides

Pour gouverner le Maghreb oriental, les Arhlabides s’inspirent du régime ‘abbāsside. Ils ne s’appuient pas sur l’aristocratie arabe et prennent leurs auxiliaires parmi les princes du sang ou parmi les petites gens, clients, domestiques privés, eunuques, et même parmi les chrétiens. Le gouvernement comprend un vizir, un chambellan à la fois huissier et chef militaire, un maître de postes qui est en même temps le chef de police et plusieurs secrétaires. Mais ces personnages sont tout au plus des commis de l’émir, qui détient la réalité du pouvoir. Les tâches administratives (correspondance, levée des impôts, service de sceau) sont confiées à des fonctionnaires sans grande influence. Exception est faite pour la justice, dirigée par le cadi de Kairouan, personnage particulièrement puissant et dont les collaborateurs sont remarquables tant par leur conscience que par leur savoir. L’administration locale est dirigée par des gouverneurs de province, qui exercent leur autorité sous le contrôle de l’émir.

En dehors des collaborateurs directs du prince arhlabide, le corps des fonctionnaires se recrute essentiellement parmi les Arabes, qui, dans l’Ifrīqiya du ixe s., représentent environ 100 000 âmes.

Les Arhlabides laissent une réputation de bons administrateurs. Ils font construire de nombreux réservoirs et aqueducs, contribuant ainsi à la prospérité économique du pays. Toutefois, les impôts arhlabides sont lourds, et leur perception prête à tous les abus. Outre les impôts coraniques, tous les habitants y compris les musulmans doivent payer d’autres contributions comme le kharādj (impôt foncier) et les taxes sur les marchés et la circulation des denrées. Cette situation, aggravée par les exactions des fonctionnaires, provoque le mécontentement de la population.


Le peuple d’Ifrīqiya sous les Arhlabides

Composée essentiellement de Berbères, en majorité islamisés, la population compte aussi des chrétiens convertis de longue date, désignés alors sous le nom d’Africains (Afāriq). Dans les villes vivent des juifs, qui constituent une élite intellectuelle. Chrétiens et juifs cohabitent avec les musulmans dans un climat de tolérance et d’entente. Il existe par contre une inimitié entre les Arabes et les Berbères musulmans.


La vie religieuse sous les Arhlabides

Au viiie s., l’Ifrīqiya a traversé une crise d’ascétisme. Ce mouvement s’accentue au début du ixe s. De nombreux musulmans se retirent du monde et font retraite dans les ribāts, sorte de couvents fortifiés, tels ceux de Sousse et de Monastir. Cependant, à partir de 830, sous l’influence de l’Iraq, l’ascétisme fait place à la controverse, et l’Ifrīqiya devient un foyer théologique très actif. Des Arabes, notamment de Kairouan, partent pour l’Iraq ou pour Médine en quête de science et de savoir. Ils reviennent ensuite faire des prosélytes dans leurs pays, et se constituent en classe de savants, théologiens et juristes. Leur influence sur la population est d’autant plus grande qu’ils jouissent d’une solide réputation d’intégrité. Au surplus, nombre d’entre eux exercent des métiers divers (potiers, briquetiers, commerçants) qui les mettent en contact direct avec le peuple. Ils représentent donc une force avec laquelle l’émir doit compter. Leurs discussions passionnent le public. Parmi eux se trouvent des adeptes du mu’tazilisme, école rationaliste qui considère que les concepts orthodoxes affirmant l’éternité du Coran et la prédestination de l’homme sont incompatibles avec l’unicité et la justice de Dieu. Toutefois, les orthodoxes représentent la majorité des ulémas (docteurs de la loi). Ils sont divisés en deux fractions. La première se réclame de l’école ḥānafite, le rite orthodoxe le moins rigide de l’islām issu de l’imām Abū Ḥanīfa († v. 767). La seconde et la plus importante se réclame du malékisme, rite beaucoup plus sévère, hostile aux interprétations rationnelles, dû à l’imām Mālik ibn Anas († 795). Introduit en Ifrīqiya par le grand cadi Asad ibn al-Furāt, le malékisme triomphe grâce à l’imām Saḥnūn. Ce rite s’adapte parfaitement à la mentalité berbère, et l’emporte définitivement à la fin du ixe s. sur le ḥānafisme dans toute l’Afrique du Nord.

Pour asseoir leur autorité sur l’Ifrīqiya, les émirs arhlabides se rallient au malékisme et recrutent les puissants cadis de Kairouan parmi les disciples de Mālik.


Les émirs arhlabides

Au demeurant, les discussions théologiques ne les passionnent pas outre mesure. Ils préfèrent mener, selon le goût de Bagdad, une vie raffinée, au milieu des musiciennes, des mignons, des poètes et des bouffons.

Ces émirs sont aussi des constructeurs. Ils édifient des villes, des palais, des ribāṭs et des mosquées. Les plus célèbres sont le palais al-Kaṣr al-Qadim, élevé par Ibrāhīm Ier (800-812) à une lieue de la capitale, la ville de Raqqāda, construite par Ibrāhīm II (875-902) à 9 kilomètres de Kairouan, les ribāṭs de Sousse et de Monastir, les grandes mosquées de Tunis, Sousse, Sfax et Kairouan.