Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Pérou (suite)

L’opposition de gauche, A. P. R. A. rebelle et M. I. R. (Mouvement de gauche révolutionnaire, créé en nov. 1959), choisit ce moment pour déclencher la guérilla ; prisonnier de ses ennemis, Belaúnde Terry confie la répression à l’armée, qui liquide le mouvement. Le premier résultat de la tentative révolutionnaire semble être la consolidation de la droite. L’expérience réformiste a vécu. Le coup d’État militaire attendu survient le 3 octobre 1968 dans une atmosphère de grave crise politique et financière. La crise financière est due aux réformes agraires, aux lois sociales et aux importants travaux publics entrepris par un président auquel le Parlement refuse toute réforme fiscale. Inflation, augmentation de la dette étrangère conjuguent leurs effets, et les conservateurs liés au capital privé durcissent leurs attaques au moment où Fernando Belaúnde est lâché par ses amis progressistes. En désespoir de cause, il se rapproche de l’A. P. R. A., ce qui lui vaut de perdre l’appui de l’armée.


Le gouvernement militaire et sa révolution

Une junte militaire, présidée, de 1968 à 1975, par le général Juan Velasco Alvarado (né en 1910), chef d’état-major, puis président de la République, et, après le coup d’État de 1975, par le général Francisco Morales Bermudez (né en 1922), est à la tête du pays depuis 1968. La nationalisation immédiate des compagnies de pétrole lui a valu la neutralité de la gauche, tandis que l’A. P. R. A. devait taire son hostilité et l’oligarchie garder une prudente réserve.

On pense souvent que les militaires ne sont qu’un instrument entre les mains de l’oligarchie ; c’est oublier la complexité des relations entre les forces armées et les oligarques. Le général Odría, au pouvoir entre 1948 et 1956, avait éprouvé certaines tentations péronistes, et l’oligarchie avait été bien aise de se défaire de lui en 1956. Utiliser l’armée s’annonçait déjà comme une arme à double tranchant. L’histoire du Pérou depuis 1968 montre que les officiers n’éprouvent pas de sympathies particulières pour l’oligarchie et qu’ils n’aiment pas tirer les marrons du feu pour un groupe que leur nationalisme condamne.

Peu à peu, certains officiers ont pensé que l’armée ne devait pas se contenter d’arbitrer périodiquement la vie politique, et la répression des guérillas leur fut spécialement désagréable.

Nationaliste et progressiste, ce mouvement, désireux de rompre avec les forces traditionnelles, a choisi de se proclamer « révolutionnaire ». Il a remis en cause les rapports juridiques et sociaux entre l’État et le capital, le capital et les salariés. Les nationalisations, le contrôle du crédit, du commerce extérieur et du mouvement des capitaux, la réforme agraire de 1969, le nouveau code minier (il ne s’agit pas de nationaliser les mines, ce qui provoquerait la rupture avec les États-Unis), tout cela équivaut à un véritable bouleversement.

L’oligarchie a perdu sa base foncière, et son contrôle financier a été fortement réduit ; quant au capitalisme national, il est réorienté vers l’industrie, le commerce étant entamé par le mouvement coopératif. Néanmoins, il ne s’agit pas de socialisme fondé sur l’autogestion, mais de dirigisme étatique, le capitalisme d’État ayant en face de lui le capitalisme national ou étranger.

Les militaires n’ont pas remis en question les règles du jeu international, même s’ils contrôlent l’économie. Ils restent convaincus de leur rôle historique : résoudre le blocage de la société péruvienne. Mais, face aux difficultés économiques et au développement de l’opposition, le gouvernement s’engage à partir de 1976 dans une politique d’austérité et de répression contre les progressistes.

J. M.

➙ Amérique latine / Amérique précolombienne / Empire colonial espagnol / Inca (Empire).

 J.-C. Mariátegui, Siete ensayos de interpretación de la realidad peruana (Lima, 1934, nouv. éd. 1965 ; trad. fr. Sept Essais d’interprétation de la réalité péruvienne, Maspero, 1969). / J. Basadre, Historia de la repuhlica del Perú (Lima, 1939 ; 4e éd., 1949 ; 2 vol.). / J.-C. Carey, Peru and the United States, 1900-1962 (Notre Dame, Ind., 1964). / J.-L. Payne, Labor and Politics in Peru (New Haven, Conn., 1965). / L. E. Fisher, The Last Inca Revolt, 1780-1783 (Norman Okla., 1966). / F. B. Pike, The Modern History of Peru (New York, 1967). / N. Wachtel, la Vision des vaincus. Les Indiens du Pérou devant la conquête espagnole, 1530-1570 (Gallimard, 1971). / A. Garcia, la Découverte et la conquête du Pérou d’après les sources originales (Klincksieck, 1976).

Quelques dates

1471-1493

Règne de l’inca Túpac Yupanqui. Conquêtes.

1493-1527

Huayna Cápac. Crise de succession à sa mort.

1532

Arrivée des Espagnols.

1533-1537

La conquête. Résistance isolée jusqu’en 1572.

1537-1556

Guerres civiles espagnoles.

1571

Révolte de Túpac Amaru Ier.

1780-81

Grande insurrection de Condorcanqui (appelé Túpac Amaru).

1821

L’indépendance est proclamée (28 juill.).

1824

Lima se rallie à la cause de l’indépendance. Sucre est vainqueur à Ayacucho de l’armée du vice-roi José de La Serna.

1826 (janv.)

Reddition de la dernière garnison espagnole à El Callao.

1827-1866

Période de prise de conscience nationale, le pouvoir reste aux mains des chefs militaires.

1866

Le combat d’El Callao (2 mai) met fin aux ultimes tentatives espagnoles de reconquête.

1879-1883

Guerre du Pacifique. Défaite désastreuse devant le Chili. Perte des provinces à nitrates.

1895

Guerre civile.

1919-1930

Dictature du président Leguía.

1932

Soulèvement de l’A. P. R. A. noyé dans le sang.

1948

Le général Odría prend le pouvoir.

1962

Coup d’État militaire.

1962-1968

Présidence de Belaúnde.

1968

Coup d’État militaire. Début de la « révolution péruvienne ».

1975

Coup d’État. Le général Bermudez remplace le président Alvarado et proclame son désir de poursuivre la révolution de 1968.