Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Pérou (suite)

Celle-ci, comme dans la plupart des pays du tiers monde, est en croissance rapide et accélérée. En effet, le Pérou n’avait qu’un peu plus de 6 millions d’habitants en 1940 ; il a donc plus que doublé sa population entre 1940 et 1975, puisqu’il en compte aujourd’hui près de 16 millions. Le taux annuel de croissance, actuellement d’un peu plus de 3 p. 100, est en constante augmentation : il ne dépassait pas 1 p. 100 entre 1930 et 1940 et 2 p. 100 dans les années 1950. Cet essor, dû à un très fort excédent des naissances sur les décès, donne au Pérou une population essentiellement jeune : 53 p. 100 des habitants ont moins de vingt ans ; 3,8 p. 100 seulement dépassent soixante-cinq ans. Ces caractéristiques démographiques présentent quelques nuances selon les régions : l’excédent des naissances sur les décès est, par exemple, plus faible dans les Andes que dans la zone côtière. Ce décalage correspond à un vieillissement de la population andine qui s’oppose au caractère très jeune et prolifique de celle de la côte ; ces différences résultent des migrations. En effet, la population est caractérisée par d’assez importants déplacements interrégionaux. On note une migration vers les oasis côtières d’une partie de la population jeune des Andes, particulièrement dans les zones desservies par le chemin de fer. Au sein même de la zone littorale, la population de la partie septentrionale se déplace vers la région de Lima. Ces mouvements migratoires provoquent un très fort essor urbain, en particulier dans la capitale. Actuellement, le Pérou compte autant de citadins que de ruraux, et la part des campagnes ne cesse de diminuer dans la répartition de la population. Les villes enregistrent une augmentation de 4 à 7 p. 100 par an selon les cas. L’apport migratoire, prépondérant jusque vers 1960, a tendance à être relativement moins important que l’accroissement naturel depuis cette date.

En effet, les migrants sont surtout de jeunes adultes qui provoquent un essor du taux de natalité dans les villes. L’accroissement des grandes agglomérations est dû, aujourd’hui, pour les deux tiers à la natalité et pour le tiers seulement aux nouveaux migrants venus des campagnes ou des petites villes. L’essor démographique en effet concerne avant tout les quelques grandes villes qui concentrent en même temps les activités modernes, industrielles et tertiaires.

M. R.


L’histoire


l’Empire inca et la conquête espagnole

L’Empire inca était le plus puissant de l’Amérique du Sud, en expansion depuis le xve s. Les Quechuas, montagnards de l’État-cité de Cuzco, avaient incorporé à leur « Empire des Quatre Directions » les petits États aymaras, victimes de leurs rivalités, sous la domination de l’Inca (titre du souverain de Cuzco et nom du lignage royal). Les Quechuas et les Aymaras ainsi fédérés dominèrent rapidement toute la région andine, descendant de là vers la côte pacifique, vers les basses terres orientales et, au nord et au sud, vers les actuels Équateur et Chili. Túpac Yupanqui (v. 1471-1493) présida à cette expansion, poursuivie par son successeur Huayna Cápac (1493-1527).

À la mort de Huayna Cápac, une grave crise dynastique s’ouvrit, provoquée par la rébellion du fils préféré, Atahualpa, contre l’héritier légitime, Huáscar. La guerre civile, réglée par le triomphe d’Atahualpa lors de la bataille de Quipaypán, près de Cuzco (1532), préparait le terrain au conquérant espagnol et réveillait la résistance des peuples récemment conquis et mal résignés.

Francisco Pizarro* et Diego de Almagro (1475-1538) représentent la deuxième génération de conquérants : après le héros Hernán Cortés*, les pillards. En deux ans, avec une poignée d’hommes, Pizarro réussit, par la ruse et la violence, à s’emparer de l’empire des Incas. Puis Almagro et Pizarro se disputèrent la conquête, et leurs partisans, après qu’ils eurent succombé, prolongèrent la guerre civile. Les membres de la dynastie inca continuèrent la résistance dans les provinces éloignées. Après l’exécution de son frère Atahualpa, Manco Cápac II (1533-1544) organisa le royaume éloigné de Vilcabamba, détruit en 1572. Ensuite, les classes dirigeantes américaines essayèrent de se fondre à l’aristocratie espagnole et de s’intégrer au système impérial. Les sujets de l’Inca n’étaient pas en condition de résister à l’Espagnol, souvent reçu comme un libérateur.

La conquête avait détruit l’Inca, et les conquérants auraient voulu en même temps ruiner la structure étatique existante pour instaurer un régime féodal qui leur aurait donné tout le pouvoir. La monarchie espagnole brisa cette tentative et mit fin aux ambitions des conquérants et de leurs fils ; elle mit sur pied une solide organisation bureaucratique, héritant des structures incas et reléguant au second plan les grands propriétaires fonciers. Les rébellions de Gonzalo Pizarro (v. 1502-1548) et de Francisco Hernández Girón (1510-1554), premières tentatives d’indépendance des créoles, représentent le dernier sursaut des « féodaux », définitivement vaincus. La victoire du pouvoir central bénéficie à l’aristocratie bureaucratique et militaire, en même temps qu’aux négociants et aux financiers.

Le vice-roi Francisco de Toledo (1569-1581) entreprend l’intégration des masses indiennes, une fois que les créoles sont défaits. Au nom de la Couronne, il protège les Indiens contre les propriétaires, tout en les soumettant étroitement au gouvernement. Il les place à la base de la pyramide sociale, au sein d’un régime discriminatoire, celui des « castes », reconnaissance juridique de leur condition de colonisés. Ce mouvement, continué et aggravé au xviiie s. par le despotisme éclairé des Bourbons, provoque l’opposition des indigènes, qui se manifeste par les rébellions contre une fiscalité centralisée dont ils sont les premières victimes. Elle provoque en même temps l’opposition des grands propriétaires, exclus de la carrière administrative, seul chemin d’accès au pouvoir. Un troisième groupe social est affecté par la politique des Bourbons : celui des grands négociants européens et américains, exclus du système de monopole commercial espagnol et désireux d’en partager les avantages.