Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Pergame (suite)

La décoration sculpturale des grands monuments, et surtout du grand autel (gigantomachie, Galates), a assuré la réputation de l’art pergaménien qui partage avec l’art hellénistique* dans son ensemble une tendance à l’expression dramatique. Pergame apparaît aussi comme un centre de toreutique : la richesse en mines d’argent a permis de diffuser une abondante production de vases d’argent dans les pays de la mer Noire et jusqu’en Italie. La céramique du pays, imitant par ses reliefs le métal repoussé, est l’ancêtre de la terre sigillée romaine.

Légué aux Romains, le royaume de Pergame devint en partie la province d’Asie, et la ville s’acquit une réputation de centre religieux, où prospérèrent le culte impérial et celui d’Asclépios. Elle eut encore quelque importance à l’époque byzantine.

R. H.

➙ Hellénistique (monde) / Séleucides.

 Altertümer von Pergamon (Berlin, 1885-1930 ; 10 vol.). / G. Cardinali, Il Regno di Pergamo (Rome, 1906). / E. Rohde, Pergamon, Burgberg und Altar (Berlin, 1961).

Périclès

En gr. Periklês, homme d’État athénien (v. 495 - Athènes 429 av. J.-C.).


Par sa noblesse, Périclès était promis à un grand destin dans une Athènes* que n’avait pas encore touchée la médiocrité démagogique. La famille des Alcméonides, à laquelle il appartenait par sa mère, avait eu l’habitude de s’opposer aux autres nobles de la cité. Aussi, quand il entra dans la vie politique, fit-il comme son grand-oncle Clisthène* : il attacha le peuple à son hétairie. De 461, où il prit la tête du partie démocratique, jusqu’en septembre 429, où il mourut, il fut le guide d’Athènes, dont il modela la constitution.

Les maîtres de Périclès

Damon d’abord l’instruisit, qui resta toujours (du moins jusqu’à ce qu’il fût ostracisé en 464) pour lui dans sa vie publique un conseiller sûr. C’était un théoricien de la musique, mais, comme « on ne saurait toucher aux règles de la musique sans ébranler en même temps les lois fondamentales de l’État » (c’est Platon qui, dans la République, où la musique est justement la base de l’éducation, rapporte cette opinion de Damon), il apparut qu’il était « couvert du nom de musicien et hantait autour de Périclès comme un maître... qui lui enseignait comme il devait se conduire dans les affaires d’État » (Plutarque) ; il aurait inspiré à Périclès l’essentiel de mesures démocratiques, comme par exemple de donner une rétribution à qui s’occupait des affaires de la cité (misthophorie).

Zénon d’Élée vint à Athènes vers le milieu du ve s. ; « l’homme aux deux langues » qui réussissait à « présenter à ses auditeurs une seule et même chose comme semblable et dissemblable, une et multiple, immobile et en mouvement », l’inventeur, dit Aristote, de la dialectique, arma son intelligence. (V. Éléates [les].)

Anaxagore de Clazomènes surtout nourrit son âme. Périclès entretenait avec lui les relations les plus étroites ; il apprit ainsi la clarté, la rigueur, il sut mettre au service de la gloire d’Athènes une intelligence éclairée et équilibrée par la confiance que lui inspirait l’élévation de la philosophie. Comme nous le dit Plutarque, « il en prit non seulement une grandeur et hautesse de courage et une dignité de langage où il n’y avait rien d’affecté, de bas, ni de populaire, mais aussi une constance de visage qui ne se mouvait pas facilement à rire, une gravité en son marcher, un ton de voix qui jamais ne se perdait, une contenance rassise [...] qui jamais ne se troublait pour chose quelconque... » ; « il apprit aussi à chasser hors de soi et mettre sous les pieds toute superstitieuse crainte des signes célestes et des impressions qui se forment en l’air, lesquelles apportent grande terreur à ceux qui en ignorent les causes, et à ceux qui craignent les dieux d’une façon éperdue, parce qu’ils n’en ont aucune connaissance certaine que la vraie philosophie naturelle donne, et au lieu d’une tremblante et toujours effrayée superstition, engendre une vraie dévotion accompagnée d’assurée espérance de bien ». Le dernier des maîtres de Périclès n’avait pas eu l’influence la moins agissante.


L’ascension

Après la victoire de l’Eurymédon (468), qui avait écarté de l’Égée le danger perse, l’union des grandes familles aristocratiques dominait la cité. Leur influence, néanmoins, ne résista guère à l’humiliation que Sparte* infligea à la cité quand, en 462, elle renvoya ignominieusement les contingents d’hoplites qu’Athènes avait envoyés à son secours dans la guerre de l’Isthme.

L’heure sonnait du parti populaire. Éphialtès s’en était affirmé le chef en menant la lutte contre les membres du conseil de l’aréopage (grands personnages, anciens archontes), dont il n’avait cessé de dénoncer les abus et la corruption. En 462 même, profitant du départ pour Sparte de nombreux hoplites partisans de l’aristocratie, il avait fait voter une loi qui ôtait à l’aréopage tous les « pouvoirs surajoutés » qu’il avait accaparés depuis la seconde guerre médique* (s’arrogeant en particulier le droit d’interpréter les lois et d’en garantir l’application). Il ne lui laissa guère que l’administration sacrée, qu’il détenait de toute antiquité : la justice des crimes de sang qui souillaient la cité, la surveillance des temples. Le conseil des Cinq Cents (boulê), l’assemblée du peuple (ecclésia), le tribunal populaire (héliée) héritèrent de sa puissance. Le peuple devint ainsi le maître des affaires publiques, la sagesse de ses décisions étant garantie par la terrible procédure en illégalité (graphê paranomôn) qui promettait la mort à qui proposerait un décret qui ne fût pas conforme à la législation existante.

Éphialtès, ostracisé en 461, mourut assassiné quelque temps plus tard. Ce fut à Périclès de terminer et de prolonger son œuvre pendant les trente ans où il put agir (surtout après l’ostracisme en 443 du chef des oligarques, Thucydide, fils de Mélésias ; il fut alors réélu stratège quinze ans de suite). Les magistratures, même l’archontat, réservé jusqu’en 457 aux seuls plus riches citoyens, s’ouvrirent à tous par la suppression des conditions de cens et l’extension de la procédure du tirage au sort, plus démocratique que l’élection. Par l’institution de l’indemnité de fonction (misthos), Périclès permit à nombre de citoyens de se dégager, pour remplir les charges publiques (siéger à la boulê ou au tribunal), de l’aliénation du travail (qui, aux yeux des Grecs, n’est guère compatible avec la vraie liberté). Il n’alla pourtant pas jusqu’à verser un misthos à qui venait à l’ecclésia (elle ne se réunissait qu’une fois par semaine en moyenne et y participer pouvait passer pour être du devoir étroit de tous), évitant de transformer les Athéniens en une foule d’assistés qu’aurait nourris leur seul titre de citoyen : le risque en était d’autant plus grand qu’il correspondait aux désirs de la foule, qui vota en 451-450 une loi pour reconnaître le droit de cité, et les privilèges y afférant, aux seuls habitants dont les deux parents étaient Athéniens (il suffisait jusqu’alors d’être né de père citoyen). Il préféra leur proposer d’accomplir de grandes choses et fit en sorte qu’ils en profitent.