Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Pergame

En grec, Pergamon, aujourd’hui Bergama, v. d’Asie Mineure (Mysie), qui fut de 282 à 133 av. J.-C. la capitale du royaume des Attalides, dit aussi royaume de Pergame.


Elle aurait été fondée par des colons grecs et prit toute son importance quand Philetairos († 263/262) y fut nommé gouverneur et y eut la garde du trésor de guerre de Lysimaque, l’un des héritiers d’Alexandre. Philetairos s’appropria le trésor, de l’ordre de 9 000 talents, et se rendit indépendant de fait (v. 283-282) de la monarchie séleucide.


La ville et le pays

Les souverains de Pergame firent de leur capitale une très belle ville, enrichie de constructions de la meilleure tradition grecque. Les fouilles entreprises depuis 1878 ont dégagé les zones essentielles. Dans la ville haute (Acropole) s’étagent le palais royal, la bibliothèque, le théâtre, le grand autel consacré à Zeus, les portiques dominant la vallée. Au niveau inférieur, la ville moyenne renfermait un vaste ensemble culturel et sportif (gymnases, stade), et la ville basse, à 250 m au-dessous du niveau du palais royal, centrée sur l’Agora inférieure, semble avoir été le domaine du menu peuple et du commerce. Une inscription a conservé le règlement d’hygiène municipale, qui prescrivait le balayage des rues, l’entretien des maisons, le respect de la propreté de l’eau. Les rois avaient à l’égard de cette ville une attitude qui combinait l’autorité et la sollicitude. Le gouvernement de la cité comportait un sénat, une assemblée du peuple et des magistrats. Mais l’autorité allait surtout aux stratèges et au gouverneur, nommés par le roi. En 133, Pergame reçut le statut de cité libre, et les citoyens affranchirent massivement métèques et esclaves.

Les rois fondèrent quelques villes nouvelles dans le territoire qui leur était soumis et qui devait finir par comprendre une grande partie de l’Anatolie : colonies militaires comme Philetaireia, dans la chaîne de l’Ida, Attaleia, sur l’Hermos, agglomérations civiles comme Attaleia de Pamphylie (auj. Antalya). Cela s’ajoutait à quantité de vieilles cités, les unes libres, les autres sujettes. En contrepartie du tribut dû au roi (phoros) par celles-ci, elles recevaient occasionnellement subventions ou libéralités royales. Une chose ne compensait pas l’autre : la fiscalité semble avoir été très lourde, et les rois n’eurent pas de scrupule à l’égard de leurs sujets, puisqu’ils n’hésitèrent pas à l’occasion à déporter une bourgade entière.

Hors des cités, d’une grécité plus ou moins marquée par les traditions asiatiques, les campagnes étaient surtout peuplées d’éléments barbares, ethniquement divers, tels les Mysiens, cavaliers et chasseurs, organisés en clans féodaux, ou des montagnards comme les Pisidiens.


La dynastie

Les rois eux-mêmes étaient des aventuriers parvenus. Le grammairien Daphitas fut crucifié pour l’avoir dit. Une vieille habitude leur donnait un air démocratique de rois bourgeois, et il leur arriva de se dire citoyens de Pergame. Mais ils imitèrent en cela, comme en d’autres choses, les Lagides d’Égypte, en organisant un culte royal, en se trouvant des ancêtres divins (Héraclès et Dionysos).

Il est vrai que les Lagides furent leurs premiers alliés contre l’empire séleucide. Plus tard, ils trouvèrent leur compte à s’allier aux Romains, adversaires de la Macédoine et de l’Empire séleucide.

Eumenês Ier (263-241), neveu de Philetairos et son fils adoptif, s’était ainsi fait aider de Ptolémée II d’Égypte pour affermir ses positions vis-à-vis des Séleucides et consolider les bases territoriales de l’État.

Attalos Ier, neveu d’Eumenês, lui succéda (241-197). Il fut le premier de la dynastie à prendre le titre de roi. Son nom, qui était aussi celui de plusieurs de ses ancêtres, est passé à la dynastie, dite des Attalides. Il a guerroyé contre les Séleucides et surtout contre les Galates, et a entrepris la construction du grand autel de Zeus, dont les reliefs commémorent ses victoires sur les Barbares.

Eumenês II (197-159), allié des Romains dans leurs guerres en Grèce et en Asie, y trouva sa récompense à la paix d’Apamée (188), qui lui attribuait une grande partie de l’Asie Mineure. Pour les Grecs, il fut un traître à l’hellénisme, allié des barbares romains contre les Séleucides. Il combattit également les Galates, voisins turbulents, et, grand constructeur, acheva notamment le grand autel.

Attalos II Philadelphos (159-138), également allié aux Romains, participa activement aux guerres en Asie et réussit à installer son fils Nikomêdês (Nicomède) sur le trône de Bithynie. Protecteur des arts et des lettres, il passe pour avoir écrit sur l’histoire naturelle.

Attalos III Philomêtôr (138-133) est un des plus curieux personnages de l’époque hellénistique. D’une humeur inquiète et cruelle, il s’intéressa peu à la politique et se consacra surtout à l’étude des plantes. Il faisait pousser des plantes vénéneuses dont, paraît-il, il expérimentait les vertus sur ses amis. Célibataire et sans enfants, il légua à sa mort son royaume aux Romains.


Économie et civilisation

La civilisation pergaménienne s’est ressentie tout entière de l’esprit d’absolutisme paternaliste de ses souverains, à la fois exploiteurs et mécènes. L’économie royale était d’inspiration lagide : bel exemple d’exploitation, pour un royaume où les terres royales étaient d’autant plus étendues qu’on ne se gêna pas pour confisquer à l’occasion les domaines, non moins vastes, des temples, ou leurs revenus (pêche dans les lacs sacrés d’Artémis d’Éphèse). Le domaine était exploité par des serfs misérables, et en partie donné en fief à des fonctionnaires. Les rois s’intéressèrent aux progrès de l’agriculture, et l’industrie ne fut pas dédaignée par eux. Ils s’assurèrent le monopole de la poix du mont Ida, qui s’exportait vers l’Égypte, et du parchemin (grec pergamênê), spécialité locale. Dans les manufactures royales, une armée d’esclaves fabriquait des parfums et le brocart attalide, luxueux tissu mêlé de fils d’or.

La production du parchemin avait contribué à la constitution d’une vaste bibliothèque, bien que plus petite que celle d’Alexandrie, et d’ailleurs orientée davantage vers l’érudition. Les rois eux-mêmes écrivaient des traités scientifiques. Des érudits et des philologues étaient pensionnés par eux.