Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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percussion (instruments de musique à) (suite)

Par ses diverses manifestations sonores, la percussion est inhérente à la vie. Étroitement liée au rythme, elle est présente dans la marche de l’homme, le martèlement de ses pas, dans son langage et dans son rythme cardiaque. Dès l’origine, les mains de l’homme, ses bras, ses pieds, son corps servent, par les divers bruits qu’ils peuvent engendrer, à enrichir les ponctuations des jeux, des danses ou des chants, et à les amplifier par le truchement d’instruments qu’il va créer. Les produits de la nature animale, végétale et minérale sont une source d’éléments dont l’homme se sert pour créer des instruments qu’il peut accrocher à ses chevilles, à ses genoux, à ses cuisses ou autour de ses bras, qu’il peut tenir dans ses mains, frapper ou secouer au gré de son instinct imaginatif.

Âge de pierre, âge de bronze, techniques nouvelles (forge, soudure, collage, poterie, plastique, électronique) offrent de nouvelles possibilités qui interviennent dans la fabrication des armes, des outils, des instruments. L’homme essaie de reproduire tous les bruits de son environnement sonore par d’autres joués simultanément, de créer des ambiances terrifiantes, fantastiques, angoissantes, et d’agrémenter ses jeux, son travail.

Les origines des instruments à percussion sont assez confuses et souvent controversées, car les documents archéologiques, iconographiques ou littéraires sont assez restreints. Certains bas-reliefs égyptiens ou assyriens témoignent de l’utilisation d’instruments en peau ou en métal bien avant l’ère chrétienne. D’autres instruments ont été découverts de manière fortuite, tel le lithophone de N-dut Lieng Krak au Viêt-nam, dont l’origine remonterait à l’époque néolithique.

Les grands foyers de l’histoire des instruments à percussion sont l’Afrique et l’Asie. L’Afrique a une tendance très nette pour l’artisanat ingénieux : le travail du fer, du bois, des calebasses. L’Asie, elle, réalise des instruments de métal très artistiquement ouvragés (cloches de bronze chinoises du Ier millénaire av. J.-C.).

Les calebasses d’Afrique ont donné naissance à une multitude d’instruments du type « hochet », remplis de cailloux ou de graines et que l’on secoue ; elles peuvent être recouvertes d’un filet auquel sont accrochés des noyaux ou même des vertèbres de serpent.

Les « bâtons de rythme », tubes de bambou que l’on frappe sur la terre battue ou sur une fosse, ont entraîné la fabrication de « tambours de bois », troncs d’arbre creusés, souvent de fortes dimensions, servant à transmettre les messages de village en village, puis du xylophone, ensemble de morceaux de bois de longueurs différentes, dont le son est amplifié par des calebasses. Les tambours sont très nombreux sur tous les continents : ils comportent une caisse de résonance de forme variée, et recouverte d’une ou deux membranes.

C’est dans les différents pays d’Extrême-Orient que se trouvent les plus beaux spécimens d’instruments à percussion en métal : cloches, gongs, métallophones, crotales, cymbales, etc.

Un pouvoir magique était attribué à certains types d’instruments : le hochet était le symbole de la fécondité, le tambour, celui de la puissance ; les métaux mis en vibration servaient à chasser les démons et les mauvais esprits.


Les principales catégories instrumentales


Les peaux

La mise en vibration peut se faire par la percussion de la main ou de baguettes sur une peau, parfois même sur deux. Les instruments de ce type possèdent un fût sur lequel sont tendues une peau ou deux (si les deux côtés du fût sont recouverts). Hormis les timbales, ils produisent un son indéterminé, c’est-à-dire sans note exacte, mais ils peuvent en raison de leur taille être facilement classés en registres : grave, médium, aigu. Le plus fondamental de ces instruments, qui, à titre d’exception, peut s’accorder, est la timbale.

• La timbale. Elle a la forme d’une paire de tambours chez les Achantis, en Afrique équatoriale. En Côte-d’Ivoire, on peut citer les tambours de chef : atumba et timbana. Chez les Arabes, les timbales sont les naqqāra, qui deviendront au Moyen Âge les nacaires. Les nacaires apparaissent avant tout comme instruments guerriers. En Perse, on les appelle aussi tambours de Perse. Les musulmans qui prirent d’assaut Saint-Jean-d’Acre en 1291 firent précéder leurs troupes par 600 timbales montées sur 300 chameaux et toutes battues ensemble. Les batailles livrées par Gengis khān et ses descendants contre les Sarrasins ne se déclenchèrent qu’après l’appel des grands nacaires de combat. Ces instruments pénétrèrent en Europe avec le retour des croisades. Parmi les timbaliers célèbres, on peut citer : en 1310, en Angleterre, Jean le Nakerer ; en 1322, en France, sous Charles IV le Bel, Michelet de Naguarres. François Ier avait un timbalier qui jouait en haut des châteaux, sur le chemin de ronde. Instrument militaire largement employé, la timbale utilise le langage musical au xviie s., d’abord avec Lully, puis au xviiie s. avec Rameau et Haydn (symphonie dite « Roulement de timbale »). Beethoven évoquera l’emploi militaire de cet instrument dans la Bataille de Vittoria, écrite en 1813, et cela après avoir consacré le rôle fondamental, thématique et tonal de la timbale dans la neuvième symphonie. Berlioz multipliera l’emploi avec 16 timbales dans son Requiem en 1837. Richard Wagner accordera aux timbales un caractère dramatique dans les très nombreux leitmotive de la Tétralogie, et l’œuvre de Richard Strauss constituera un moment essentiel de l’évolution des timbales. Après le Sacre du printemps d’Igor Stravinski en 1913, qui marque une date dans l’utilisation des timbales au sein de l’orchestre symphonique, c’est Béla Bartók qui sera le premier compositeur à écrire pour les timbales à pédales, véritable révolution qui s’est opérée dans la facture instrumentale ; et la timbale, qui possédait naguère des clés (de six à dix) placées tout autour de la peau afin d’accorder l’instrument à la main, va changer. Vers 1870, à Dresde, un constructeur du nom de Pittrich invente la timbale mécanique à pédale. Seul, le pied intervient pour accorder ; les mains peuvent pendant l’accord continuer le jeu de baguettes. Bartók, avec la Sonate pour deux pianos et percussion, traite en avant-gardiste l’emploi des timbales au niveau de la musique de chambre. Aujourd’hui, les timbales sont très employées dans la musique vivante : les compositeurs polonais reprennent le glissando créé par Bartók. Les compositeurs d’Amérique latine traitent l’instrument en soliste, alors que son usage reste très important dans le répertoire d’orchestre. Chostakovitch, Honegger et plus près de nous Boulez, dans Pli selon pli, ainsi que Gilbert Amy dans Trajectoires élèvent la technique instrumentale au niveau de la plus haute virtuosité.