Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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pénologie (suite)

Les peines corporelles

La peine peut atteindre le corps ou la liberté du coupable. C’est ainsi que la peine de mort* peut être prononcée dans vingt-sept cas pour les civils et dans quinze cas pour les militaires. La question de son abrogation se heurte d’une part à un sentiment populaire qui en défend encore la nécessité, d’autre part à la difficulté de lui trouver une peine de remplacement sévère, certaine et durable. Par contre, la majorité des États ont abandonné les châtiments corporels, autant par respect de la dignité humaine que par souci d’éviter le sadisme de l’exécuteur et celui des assistants. Fort peu de nations, également, permettent la stérilisation des délinquants (États scandinaves). Mais est universellement admise, par contre, l’obligation de cures de désintoxication à l’égard des alcooliques dangereux : en France, le tribunal peut ordonner leur placement par périodes de six mois dans des centres de rééducation où sont utilisées des techniques médicamenteuses (loi du 15 avril 1954). Il en est de même pour les utilisateurs de stupéfiants lorsqu’ils ont été inculpés ; c’est alors le juge d’instruction qui détermine la durée de la cure. Enfin, le Code de la santé publique prévoit l’hospitalisation d’office, avec interdiction de sortie, de sujets atteints de maladies vénériennes et dont il ne paraît pas justifié qu’ils suivent un traitement.

La privation de liberté constitue, selon l’espèce, soit une mesure de sûreté (détention* provisoire), soit une peine proprement dite (emprisonnement). La détention provisoire est une mesure décidée par le juge d’instruction* ; d’une durée de quatre mois renouvelable, elle ne peut être prise que si elle constitue l’unique moyen de conserver les preuves* ou d’empêcher soit une pression sur les témoins, soit une concertation frauduleuse, ou encore de préserver l’ordre public, d’assurer le maintien d’une personne à la disposition de la justice ou bien de prévenir le renouvellement de l’infraction. Elle est subie dans un quartier spécial, sans communication avec les condamnés, sans obligation au travail et en vêtements civils. Elle frappe annuellement environ 10 000 personnes.

L’emprisonnement des condamnés définitifs est plus divers. On doit distinguer d’une part les longues peines et les courtes peines, et d’autre part le régime particulier applicable aux condamnés politiques.

L’échelle des peines de droit commun est la suivante : réclusion criminelle, perpétuelle ou temporaire ; emprisonnement correctionnel (de deux mois à cinq ans) ; emprisonnement de police (de un jour à deux mois). La réclusion s’exécute dans des maisons centrales (douze pour les hommes : Caen, Clairvaux, Ensisheim [Haut-Rhin], Eysses [Lot-et-Garonne], Loos [Nord], Melun, Mulhouse, Muret [Haute-Garonne] Nîmes, Poissy, Riom, Toul ; une pour les femmes : Rennes). Les condamnés sont soumis à l’isolement de nuit seulement, après une période initiale d’observation en cellule. Mais l’affectation à tel ou tel établissement n’est plus le fruit du hasard : on opère une classification tenant compte, au départ, de l’âge, des antécédents, de la catégorie pénale, de la profession et de la personnalité du condamné ; elle est parfois précédée d’un séjour de trois mois dans un centre d’observation. Le régime appliqué est dit « progressif » lorsque l’exécution de la peine passe par des phases successives destinées à faciliter le retour des condamnés à la vie libre : d’abord isolement cellulaire total d’une durée maximale de un an, puis régime auburnien consistant en isolement cellulaire la nuit et en travail en commun le jour (au moins pour la moitié de la peine), ensuite phase de confiance (salles réservées, repas particuliers, télévision), enfin semi-liberté (quartier spécial, travail à l’extérieur) qui débouche sur une libération conditionnelle. Mais la majorité (les quatre cinquièmes en 1969) des condamnés français ne connaît que le régime « non progressif », tant en raison de la disposition des lieux que par suite de l’encombrement, temporaire ou non, de certains établissements. En ce cas, on applique le régime de l’emprisonnement en commun, mais avec des aménagements. Ainsi, on procède à une séparation par catégories : mineurs de dix-huit ans, prévenus civils, prévenus militaires, détenus dangereux.

Pour les condamnés aux courtes peines correctionnelles et les condamnés aux peines de police, on place les premiers dans une maison de correction, les seconds dans un quartier distinct de la maison d’arrêt. Un magistrat spécialisé du tribunal de grande instance, le juge de l’application des peines, fait procéder à une enquête sociale et décide soit de l’emprisonnement cellulaire, soit de la vie en commun le jour, ou bien même de la semi-liberté.

Il existe des régimes spéciaux tenant compte de l’état physique ou mental des condamnés : Eysses pour les handicapés physiques, Liancourt pour les tuberculeux, Pau pour certains malades des voies respiratoires, Château-Thierry pour les psychopathes.

Enfin, le ministre de la Justice octroie un régime spécial aux condamnés pour lesquels « il est établi que, lorsqu’ils ont commis les faits constitutifs de l’infraction, ils étaient menés par des mobiles présentant un caractère politique ou n’étaient mus ni par un intérêt personnel, ni par un esprit de vengeance ». Les bénéficiaires de ce régime ne sont astreints ni au port du costume pénal, ni au travail et connaissent un régime plus libéral en matière de visites, de correspondance, d’achat de livres. Ils doivent être totalement isolés des détenus de droit commun et placés, si les installations le permettent, en chambre individuelle.

L’Administration pénitentiaire relève du ministère de la Justice ; elle comprend une sous-direction de l’exécution des peines (détention, probation, assistance postpénale) et une sous-direction du personnel et des affaires administratives. Les services extérieurs se répartissent en neuf circonscriptions : Bordeaux, Dijon, Lille, Lyon, Marseille, Paris, Rennes, Strasbourg et Toulouse. Chacune d’entre elles englobe un nombre variable de maisons centrales (13 au total), de centres spécialisés, de maisons d’arrêt et de correction (144). Les directeurs régionaux doivent les visiter une fois par trimestre ; le préfet préside la commission de surveillance de chaque établissement ; le président de la chambre d’accusation, le procureur général, le procureur de la République, les juges d’instruction et de l’application des peines ont droit d’entrée à divers titres dans les prisons. Le personnel de surveillance (8 000 fonctionnaires) est désormais formé dans une école spécialisée à Fleury-Mérogis (Essonne). Il a pour mission d’assurer la garde, de contrôler le travail, mais aussi de participer à la rééducation. Il existe encore un personnel d’éducateurs (300) et un personnel professionnel technique (chefs de travaux et instructeurs). Des médecins et des aumoniers de divers cultes prêtent leur concours.