Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Pékin (suite)

Pour faire face à ce remarquable développement industriel comme à son essor démographique, la ville devait résoudre un problème capital, celui des ressources en eau. Elle n’était guère favorisée à cet égard. Elle offre le rare exemple d’une grande métropole qui ne soit pas associée à un fleuve, et, d’autre part, le régime pluviométrique de la région est caractérisé, comme dans toute la Chine du Nord, par une longue saison sèche, dont la rigueur est accentuée par la violence des vents du nord-ouest, qui balaient la plaine de Pékin en hiver et au début du printemps. Pékin reçoit en moyenne un peu plus de 600 mm de pluies par an, mais ces précipitations sont extrêmement concentrées, près des deux tiers au cours des mois de juillet et d’août, et très variables d’une année à l’autre (exemple 168 mm en 1891 et 1 400 mm en 1959). On a d’abord rénové et complété le réseau de canaux et d’aqueducs (1 000 km environ réalisés à la fin de 1955) mis en place par les dynasties précédentes, et notamment par un barrage de dérivation sur le Yongdinghe, à 18 km à l’ouest de la ville. Puis, au cours des premier et deuxième plans quinquennaux, on a entrepris tout un ensemble de grands travaux qui comptent parmi les plus importants qui ont été réalisés en Chine depuis 1949 en matière d’hydraulique. Ce fut en 1954 la construction du barrage-réservoir de Guanting (Kouant’ing), à 80 km au nord-ouest de la ville, sur le Yongdinghe, d’une capacité de plus de 2 milliards de mètres cubes, alimentant une centrale électrique d’une puissance de 30 MW. En outre, par cette réalisation, les crues dévastatrices d’été du Yongdinghe étaient désormais maîtrisées. En 1959-60, trois autres barrages-réservoirs furent édifiés, reliés par un canal qui rejoint la section du traditionnel Grand Canal de Tianjin à Pékin et qui, prévoyait-on, pourrait permettre à des navires de mer de 5 000 t d’accéder au « port de Pékin », à une dizaine de kilomètres à l’est de la ville. Il s’agit du barrage-réservoir de Huairou (Houai-jeou) au nord, de celui de Shisanling (Che-san-ling), près des célèbres tombeaux des Ming, à une trentaine de kilomètres au nord-ouest de la ville, qu’il alimente par un acqueduc, et du barrage-réservoir de Miyun (Mi-yun), un des plus importants qui furent édifiés en Chine, sur le Chaobaihe, à 90 km au nord-est de la ville, d’une capacité de plus de 4 milliards de mètres cubes et disposant d’une centrale électrique (110 GWh).

Outre la maîtrise des dangereuses rivières de la plaine de Pékin, le développement futur de la navigation, l’approvisionnement en eau et la production d’énergie électrique, ces grands travaux ont permis le développement de l’irrigation dans les campagnes de la « grande banlieue » de Pékin. Une remarquable agriculture y a été développée par plus de 300 communes populaires péri-urbaines, dont plus de la moitié des terres sont aujourd’hui irriguées. Les communes populaires des districts les plus proches de la zone urbanisée ont développé, sous l’impulsion de l’énorme marché de consommation que, représente Pékin, une agriculture remarquablement intensive et diversifiée : céréaliculture et surtout cultures maraîchères et fruitières de haute qualité ; élevage de vaches laitières, de porcs, de canards, dont la production est une spécialité de la région. Au-delà, les cultures céréalières dominent (blé, maïs, kaoliang, riz), mais plus intensives que partout ailleurs en Chine du Nord, l’irrigation permettant deux récoltes annuelles (un blé d’hiver et une céréale d’été).

L’ensemble des réalisations qui se sont développées depuis 1949 ont ainsi abouti à doter la Chine nouvelle d’une capitale à sa mesure, qui se situe au niveau des plus grandes agglomérations mondiales, mais d’une conception originale par l’organisation de son territoire municipal, que l’on s’est efforcé de transformer en une région économique complète.

P. T.

 Hou-kia, Pékin, aujourd’hui et hier (Pékin, 1957). / D. Bodde, Pekin, a Tourist Guide (Pekin, 1960). / O. Cail, Guide de Pékin (Denoël, 1973).


Pékin, ville d’art

Capitale impériale de façon presque continue du xiiie s. au début xxe, centre d’un artisanat de luxe destiné aux courtisans et aux fonctionnaires, Pékin était, à la fois, le siège de la bureaucratie d’État et la capitale intellectuelle de la Chine. C’est là, en effet, qu’avaient lieu les examens impériaux et qu’étaient rassemblées les académies, les bibliothèques, les librairies et les collections.

Malgré les transformations profondes qu’il a subies, le plan de la ville conserve le souvenir du tracé des anciennes capitales et représente, en quelque sorte, l’héritage de l’urbanisme en Chine.


Des origines aux Mongols

Site d’un habitat humain attesté dès le Paléolithique, la ville est connue comme capitale de l’État de Yan (Yen) dès le ve s. av. J.-C. L’agglomération, appelée Ji (Ki), est établie dans l’angle nord-ouest de la Ville extérieure actuelle. Jusqu’au xe s., la région reste une « marche » septentrionale dont l’importance stratégique et commerciale est due à sa situation, entre plaine et montagnes et à la proximité de la Grande Muraille.

Du xe au xive s., Pékin devient la capitale des principautés dissidentes établies sur les confins de l’Empire par les « Barbares » du Nord-Ouest. Les Khitans s’emparent de Ji en 936 et en font la métropole méridionale de l’Empire liao (leao), puis les Djurtchets y résident à partir de 1125 et lui donnent le nom de Zhongdu (Tchong-tou), la « Capitale du milieu ». La ville englobe dans ses murs l’ancienne cité, mais s’agrandit vers l’ouest, le sud et l’est. Enfin, les Mongols s’y installent au xiiie s.

En 1264, Kūbīlāy transfère sa résidence au nord-est du site de Zhongdu, totalement détruit lors de la conquête. À partir de ce point, le plan de Dadu (Ta-tou), la « Grande Capitale », est tracé. Sa superficie couvre en gros la partie septentrionale de la ville actuelle, mais s’étend plus au nord. Marco Polo, à la fin du xiiie s., visite la ville, qu’il appelle Cambaluc (du mongol Khānbalik, la « Cité du khān »), et en est émerveillé : « La ville entière, écrit-il, est arrangée en carrés, comme un échiquier, et disposée de manière si parfaite et magistrale qu’il est impossible d’en donner une description qui rende justice à sa beauté. »