Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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peinture (suite)

La technique à la « vraie fresque » a été rarement respectée au cours des âges, comme le montre le Traité de la peinture de l’Italien Cennino Cennini (fin du xive s.). Celui-ci conseillait un procédé a tempera pour terminer le travail, soit parce que telles couleurs ne « mordaient » pas sur le mortier frais, soit parce qu’il était préférable de terminer plus lentement afin de soigner les modelés et le détail des figures.

Diverses techniques de « fausse fresque » ont été largement pratiquées aux époques les plus anciennes. La plupart du temps, il s’agit de peintures commencées à la fresque et très largement terminées a tempera à l’œuf ou avec des couleurs à base d’eau de chaux (chaux en dissolution) : ce sont des demi-fresques, en quelque sorte. Un autre procédé consiste à réaliser sur un endroit sec un phénomène de calcification de la surface à partir d’un lait de chaux (chaux éteinte avec de l’eau) dont on enduit le mortier du mur au préalable et sur lequel on passe les couleurs. Il se produit alors une pellicule de calcite comme à la fresque, mais en surface, donc sans atteindre la cohésion de la fresque. Quant aux peintures murales antiques — romaines particulièrement —, ce sont au début des fresques, qui ont été achevées a tempera ou bien qui ont été recouvertes d’une cire que l’on chauffait et lissait. Mais, d’après les recherches récentes de Paolo Mora, on obtenait le même effet par l’usage d’argiles très fines à base de kaolin dans l’enduit final : ainsi auraient été obtenues la touche « beurrée » et les célèbres « surfaces-miroirs » des fresques de Pompéi et d’Herculanum.


Détrempe et tempera

D’un usage très général et très ancien, les détrempes à base d’eau ont, au cours de l’histoire, mené à des recettes innombrables (voir le livre de M. P. Merrifield), de la simple solution à l’émulsion la plus complexe. On distingue en France, en général, les détrempes simples, qui sont des solutions de colles, et celles, plus complexes, où intervient l’œuf (tempera), ce qui permet l’association de résines ou même d’huile. Mais d’autres ingrédients peuvent entrer en composition dans les tempère ; ainsi le lait, le lait de figue, ou diverses gommes d’arbustes méditerranéens.

La technique de la tempera aboutit en général à une matière d’une couleur relativement claire, mate, de ton très satiné. Sa pratique exige un travail de patience, par couches superposées, en observant un temps de séchage entre les moments d’application. L’usage des glacis (couleurs très diluées posées en « transparence » sur une couche plus épaisse) n’aboutira qu’à des effets très limités. La tempera demeure donc une peinture sans « profondeur » réelle, sauf quand elle devient plus complexe, à la manière des techniques utilisées par un Léonard* de Vinci. La plupart du temps, c’est la franchise d’expression qui la caractérise, comme chez Botticelli* ; et sa clarté dans l’effet final est sans doute une des raisons qui ont conduit à traiter parfois les ombres par hachures — a regattino — pour éviter les teintes « bouchées ».

Afin de donner plus d’éclat à ces peintures et aussi de les protéger, on a, dès le Moyen Âge, utilisé le vernis à l’œuf sur la tempera ; on fit bientôt usage des vernis à l’huile (huile cuite), qui devaient conférer à l’œuvre un aspect final de peinture à l’huile (peinture flamande du xve s.). La tempera a été longtemps conservée pour les esquisses, les peintures de décor de théâtre, mais elle a souvent servi aussi de premier dessous, avant d’être recouverte, selon les besoins, d’empâtements et reglacée à l’huile : on le voit dans bien des peintures vénitiennes — de Véronèse* surtout.

On rencontre la peinture à la détrempe sur toutes sortes de supports, préalablement revêtus d’un enduit. Autrefois, sur les panneaux de bois, on préparait un gesso avec de la colle et du plâtre, étendu en plusieurs couches successives selon des écarts de temps très précis. Parfois, on mêlait au gesso une toile fine pour lui assurer une cohésion rendue nécessaire par le jeu des planches de bois constituant le panneau.


Les techniques à base d’huile

La technique de la peinture à l’huile, très largement répandue en Europe à partir du xvie s., a tout d’abord répondu à des besoins esthétiques alors nouveaux, correspondant à une expression du « relief » des choses. Elle renouvelait d’autre part la recherche médiévale d’éclat de la couleur en faisant pénétrer, en quelque sorte, la lumière elle-même dans la matière picturale grâce à un jeu de translucidité. On a également demandé à l’huile deux autres qualités : une fusion plus douce à la limite des rencontres de différentes zones de couleurs ; une « matière » plus dense, presque émaillée chez les premiers usagers flamands. L’ensemble de ces qualités — translucidité, ductilité, cohésion — est lié au problème essentiel de la siccativité et de la fluidité du nouveau médium. D’autre part, pour bénéficier de tout l’éclat de celui-ci, il fallait trouver le moyen d’éviter que l’huile de la surface ne se diffusât dans la partie la plus profonde de la couche picturale, créant en surface, sous forme d’embu, un effet de matité contraire à l’esprit de la nouvelle technique.

Dès le départ, l’huile s’est donc révélée comme un matériau délicat, qui allait entraîner des modifications profondes dans la technique d’exécution du tableau.

La technique à l’huile est peut-être née d’une modification dans la « hiérarchie » de la structure picturale : le vernis final habituellement utilisé pour les tempere étant intégré au corps même de la pâte picturale, et l’eau, de son côté, remplacée par une essence volatile faisant office de diluant.

Que demandait-on à la première peinture à l’huile et qu’y découvrait-on ? Si nous reprenons le témoignage de Vasari*, contemporain de la première extension du procédé, nous voyons qu’elle apportait une « certaine douceur de matière, de vivacité, de coloris, une plus grande facilité dans l’union des couleurs entre elles ». Elle donnait une plus grande « largeur de pose » de la pâte colorée et une grande siccativité, mais aussi un temps de séchage plus lent qu’à la tempera — ce qui permettait de travailler « dans le frais » — et enfin plus de résistance aux agents atmosphériques. Un inconvénient, pourtant, apparaissait, qui était le propre, auparavant, des seuls vernis huileux : le jaunissement de la matière, après formation d’une pellicule de linoxyne par l’oxydation, à l’air, de la surface huileuse.