Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Paz (Octavio)

Écrivain mexicain (Mexico 1914).


De tous les écrivains hispano-américains actuels, Paz est sans doute l’un des plus profonds et l’un des plus universels. Son renom, d’ailleurs, s’étend aujourd’hui bien au-delà des frontières nationales. Poète avant tout, Paz est aussi connu pour de remarquables essais qui attestent sa vaste culture et la pénétration de son esprit. Touchant à des domaines très variés, ces essais traitent plus spécialement du langage, de la poésie — « un saut de la mort, une expérience capable de secouer les bases de l’être et de le transporter sur l’autre rive, là où se réconcilient les contraires dont nous sommes formés » — et sont l’occasion, pour leur auteur, de reprendre, par la réflexion et l’analyse, sa tentative d’élucider le monde qui est au fond même de sa poésie : parfaite cohérence de l’univers de Paz où le penseur rejoint le poète.

Octavio Paz part, jeune, à la découverte du monde et de l’homme. Il est animé d’abord par des préoccupations sociales. À vingt-deux ans, il va fonder dans le Yucatán une école pour les fils de travailleurs. À l’époque, il a lu Marx et surtout il est marqué par l’idéal révolutionnaire de son père, avocat, qui fut l’un des promoteurs de la réforme agraire. De 1938 à 1941, après un voyage en Espagne, l’Espagne de la guerre civile où il rejoint les républicains et se lie avec Miguel Hernández (1910-1942), le Péruvien César Vallejo (1892-1932) et quelques autres, il collabore à un journal ouvrier. Plus tard, en 1968, par fidélité à ses idées politiques, il se démet de sa charge d’ambassadeur à New Delhi parce que son gouvernement a ouvert le feu sur les étudiants lors du grand meeting de la place des Trois-Cultures.

Mais la vie de Paz est aussi, comme celle de beaucoup d’intellectuels hispano-américains, une vie d’exil — dans son cas volontaire — et une vie errante : en 1943 les États-Unis, puis, entrée dans la Carrière en 1945, Paris, en 1952 la découverte émerveillée de l’Orient, Paris de nouveau, l’Inde... autant d’ouvertures sur des cultures diverses.

Au cours de son premier séjour à Paris, Paz participe à l’aventure surréaliste avec la même ferveur qu’il a participé à Mexico à l’aventure poétique du groupe Taller (1938-1941). Pour les poètes de Taller (l’« Atelier »), « la poésie était une activité vitale » ; pour Tzara, « une manière de vivre ». Paz dira, en évoquant cette époque : « J’ai trouvé dans le surréalisme l’idée de la révolte, l’idée de l’amour et de la liberté en relation avec l’homme. » Parallèlement, les expériences de Michaux sur la mescaline le passionnent. Enrichi par l’apport du surréalisme, le poète va affirmer son talent, qu’il a déjà exercé dans plusieurs recueils, et se montrer un brillant analyste de son peuple (on serait tenté de dire psychanalyste) dans son premier et magistral essai, le Labyrinthe de la solitude (El laberinto de la soledad, 1950), où il s’efforce de découvrir l’âme mexicaine à travers l’histoire de son pays. Mais si ce livre est une méditation sur le Mexique, il est aussi une méditation sur la condition de l’homme dans le monde : chez Paz, le singulier rejoint l’universel dans une même synthèse. Dévoré par une soif de communion et pressé par le désir de « sauter le mur de la solitude », Paz découvre dans l’amour la réponse à ce désir et le moyen de se dépasser : « Comment échapper à mon mariage ? C’est seulement en mon semblable que je me transcende. » Dans son magnifique poème d’amour Pierre de soleil (Piedra de sol, 1957), un flot de sonorités et d’images entraîne le lecteur au cœur de la réflexion du poète, anxieux de réconcilier les contraires (solitude et communion) et de récupérer la « partie perdue » de son être. Salamandre (1962 ; Salamandra [1958-1961]) est un autre poème d’amour, mais déjà l’écriture est différente. Le contact de l’Orient, la leçon du bouddhisme, aussi marquantes que furent celle du surréalisme et, précédemment, celle des civilisations précolombiennes, ont contribué en effet à renouveler la lyrique de Paz. Celui-ci a sur son art, sur la manière de donner aux mots un sens plus pur des vues précises qu’il a exposées dans son bel essai l’Arc et la lyre (El arco y la lira, 1956) et dans les pages consacrées à la poésie de Courant alternatif (Corriente alterna, 1967), où il propose des formules frappantes : « Le poème est inexplicable mais non inintelligible ; le poème ne veut pas dire : il dit. »

Les derniers vers de Paz nous montrent le poète de plus en plus fasciné par l’« omnipotence du silence », de plus en plus « amoureux du silence ». Traducteur de Bashō, il donne des textes courts et subtils d’où se dégage une impression d’harmonie, d’équilibre et de paix. Il remet aussi en question la notion de création artistique et avec Blanc (Blanco, 1967), long poème que le lecteur est libre d’interpréter à sa façon, il rejoint Valéry lorsque celui-ci écrivait : « Un texte est comme un appareil dont chacun peut se servir à sa guise. »

« Le poème doit provoquer le lecteur, dit Paz ; l’obliger à écouter — à s’écouter. »

J.-P. V.

 C. Céa, Octavio Paz (Seghers, 1965). / R. Xirau, Octavio Paz : el sentido de la palabra (Mexico, 1970).

Peary (Robert Edwin)

Explorateur américain (Cresson Springs, Pennsylvanie, 1856 - Washington 1920).


Officier de marine, il fait preuve d’une extraordinaire ténacité pour parvenir à son but, l’un des derniers grands objectifs de l’exploration, la conquête du pôle Nord. Il commence par se donner, très longuement, une solide expérience de l’Arctique en séjournant chez les Esquimaux du nord-ouest du Groenland. Parti en 1892 de la région du détroit de Smith, il étudie le nord de la grande île jusqu’au fjord Independence, puis revient à son point de départ en traversant l’inlandsis. Une série de conférences relatant ce voyage lui permet de trouver les fonds nécessaires à une deuxième expédition, qu’il entreprend en 1893 ; il va séjourner dans l’Arctique vingt-cinq mois avec sa femme (qui donnera alors naissance à une fille). Il parvient de nouveau au fjord Independence en 1894, mais son retour est très difficile.