Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Pays-Bas (royaume des) (suite)

L’art néerlandais

Avant l’indépendance des Provinces-Unies, officiellement consacrée par le traité de Münster, mais effective depuis le début du xviie s., l’art dans ces pays, appelés sous Charles Quint « le cercle de Bourgogne », avait un caractère homogène. Aucune différence n’était décelable entre les provinces du Nord et celles du Sud, à cette nuance près que ces dernières l’emportaient nettement en importance (v. Belgique).

Il ne subsiste du Moyen Âge, dans les Pays-Bas actuels, qu’un petit nombre de monuments religieux (les églises Saint-Servais à Maastricht, Notre-Dame à Roermond, la cathédrale d’Utrecht, Notre-Dame à Breda, Saint-Nicolas à Amsterdam, Saint-Michel à Zwolle et la tour Notre-Dame à Amersfoort, etc.) et civils (la Salle des chevaliers à La Haye, l’hôtel de ville de Middelburg, le Poids public [Waag] à Deventer). La Renaissance y ajoute quelques spécimens, surtout d’architecture civile. La sculpture est à peu près inexistante, et, si Claus Sluter* et son neveu Claus Van de Werve sont natifs de Haarlem, leur carrière s’est déroulée à Dijon au service des ducs de Bourgogne.

Reste la peinture, plus active sans doute, encore qu’elle n’atteigne pas au prestige dont jouissent les artistes de l’école flamande. En se fondant sur leur lieu de naissance ou de résidence permanente, il est de tradition de grouper quelques peintres qui, avant le xviie s., forment une école septentrionale, distincte de l’école flamande. En fait, ces artistes ne se distinguent en rien de leurs confrères travaillant dans les provinces méridionales. Au xve s., Geertgen* tot Sint Jans, Cornelis Engebrechtsz (1468-1533), Jacob Cornelisz. Van Oostzanen (v. 1470-1533), Jan Mostaert (v. 1475-1555), tous gothiques attardés, se rattachent au style de l’école de Bruges*. Au xvie s., Lucas* de Leyde, Jan Van Scorel*, Maarten Van Heemskerck (1498-1574), Marinus Van Reymerswaele (v. 1493-1570) suivent le mouvement de la Renaissance amorcé à Anvers* par Quinten Matsys*, et le romaniste Frans Floris* de Vriendt trouve un adepte en Hendrick Goltzius (1558-1617). Certains artistes sont difficiles à classer. Pieter Aertsen*, dit Lange Pier, d’Amsterdam*, passe plus de vingt ans à Anvers. Antoon Mor, dit Antonio Moro (v. 1519-1576), né à Utrecht, travaille à la cour de Philippe II et meurt à Anvers. Un maître profondément original comme Jheronimus Bosch* trouve un écho chez un confrère de Haarlem, Jan Mandijn (1500-1560), qui vécut et mourut à Anvers, de même que chez Bruegel* l’Ancien. L’unité esthétique des anciens Pays-Bas est donc indéniable.

La cassure est le fait des guerres religieuses, qui aboutissent à la formation des Provinces-Unies. Affranchis du régime espagnol, les Néerlandais, grâce à leur marine qui domine les mers, ont tôt joui d’une grande prospérité. Les artistes en ont bénéficié, et, d’emblée, ils affirment un caractère autochtone. Les attaches avec les provinces demeurées espagnoles, rompues sur le plan politique, le sont tout autant dans le domaine des arts. Le calvinisme triomphant prône l’austérité des mœurs et n’aime pas les images religieuses. Aussi la peinture est-elle essentiellement d’inspiration laïque, les caravagistes d’Utrecht*, comme Hendrik Terbrugghen (1588-1629), faisant exception, alors que, dans les pays d’obédience catholique, la peinture religieuse connaît un large essor, sous l’inspiration de la Contre-Réforme. Les peintres hollandais vont s’appliquer au portrait, au paysage, à la scène de genre ou à la nature morte. À de rares exceptions près, leurs œuvres seront de dimensions modestes, adaptées aux intérieurs bourgeois.


L’âge d’or de la peinture néerlandaise

Le portrait sera particulièrement florissant : par lui, le marchand ou le magistrat affirme son importance. Jusqu’alors apanage des grands, il devient bourgeois et calviniste de surcroît. Des habits sombres, tant pour la femme que pour l’homme, ni dentelles travaillées ni bijoux. Les premiers portraitistes, tels Michiel Jansz, Van Mierevelt (1567-1641), Paulus Moreelse (1571-1638), Jan Anthonisz, Van Ravesteyn (v. 1570-1657), Jan Cornelisz, Verspronck (1597-1662), se tiendront à cette consigne jusqu’à ce que le luxe l’emporte. Dès lors, les peintres, en observateurs précis, suivent l’évolution vestimentaire de leurs modèles. Du travail bien fait, mais sans élan. Tout change avec Frans Hals*. Anversois de naissance, mais fixé à Haarlem*, il feint de jouer le jeu, peint des portraits de personnages dignes et graves, mais les transfigure par le brio de ses pinceaux. Une sorcière, un vagabond ou un bon buveur excitent plus sa verve que la trogne satisfaite d’un notable. Si le client est richement habillé, il joue avec bonheur des broderies, des dentelles, de la soie et du velours. Sa maîtrise s’affirme dans un genre typiquement hollandais : le portrait de groupe. Destiné à orner un local de réunion, il permet d’aborder de grands formats. De Jan Van Scorel à Cornelis Ketel (1548-1616) ou Thomas de Keyser (v. 1596-1667), ce furent des suites de personnages figés, bien alignés sans souci de composition. Frans Hals en fait d’étonnants morceaux de bravoure, d’une virtuosité étourdissante, chatoyants et vibrants de vie (musée de Haarlem).

Portraitiste non moins remarquable, Rembrandt* n’est pas, comme son aîné, uniquement ravi des jeux que dispense la lumière. Pour lui, la lumière traduit un état d’âme. Après qu’il eut peint des portraits calvinistes, selon la mode du temps, sa vision s’élargit. Psychologue ou poète, il crée des images inoubliables. Il est, lui aussi, un maître du portrait de groupe. Dans le paysage, les scènes d’intérieur et les épisodes bibliques, il s’affirme tantôt un magicien du clair obscur, tantôt le chantre de la couleur promue langage lyrique. Son influence fut grande et plusieurs de ses élèves en montrent les traces : Gerard Dou (1613-1675), Govert Flinck (1615-1660), Ferdinand Bol (1616-1680), Barent Fabritius (1624-1673), Carel Fabritius (1622-1654), Philips Koninck (1619-1688), Nicolaes Maes (1634-1693), Aert de Gelder (1645-1727), voire Adriaen Van Ostade. Portraitistes, peintres de scènes de genre ou de paysages, ce sont des artistes probes, au métier solide, mais sans grande personnalité. D’autres portraitistes — Judith Leyster (1609-1660) et son mari Jan Molenaer, Dirck Van Santvoort (v. 1610-1680), Bartholomeus Van der Helst (1613-1670), Gerard Terborch (1617-1681), Jan De Bray (1627-1697), Frans Van Mieris (1635-1681) — complètent la série de ces observateurs consciencieux.