Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Pays-Bas (royaume des) (suite)

La fin du règne de Wilhelmine (1918-1948)

La misère née de la guerre fait espérer à certains sociaux-démocrates l’instauration aux Pays-Bas d’un régime révolutionnaire à l’image de l’Allemagne et de la Russie. Mais le gros des troupes socialistes se montre hostile ou réticent. La coalition chrétienne se maintient au pouvoir : le catholique P. J. M. Aalberse (1871-1948), ministre du Travail, poursuit l’application d’un programme social ; en 1919, le suffrage féminin universel est instauré.

Les élections de juillet 1918 confirment le succès de la coalition chrétienne, et, pour la première fois, un catholique, C. J. M. Ruys de Beerenbrouck (1871-1936), prend le pouvoir. Il est affronté d’abord à la conjoncture internationale : membre de la Société des Nations, la Hollande refuse d’extrader l’empereur d’Allemagne Guillaume II, réfugié sur son territoire ; des difficultés frontalières avec la Belgique (Flandre zélandaise, Limbourg) ne sont réglées qu’en 1926.

Comme toute l’Europe de l’après-guerre, les Pays-Bas connaissent de graves difficultés financières à la résolution desquelles s’attache Hendrikus Colijn (1869-1944), leader du parti antirévolutionnaire, ministre des Finances depuis 1923 dans le second cabinet de Beerenbrouck (formé en sept. 1922). Devenu Premier ministre après les élections de 1925, Colijn est affronté au problème des relations diplomatiques avec le Vatican : les discussions qui en sont l’objet disloquent la coalition chrétienne.

Dès lors, de 1926 à 1939, la vie parlementaire hollandaise est marquée par l’effritement. Les premiers ministres — Dirk Jan De Geer (1926-1929), Ruys de Beerenbrouck (1929-1933), Colijn (1933-1939) — ont à faire face, en Indonésie, aux premières manifestations nationalistes (troubles de 1926-27) et, à l’intérieur, à une certaine effervescence liée aux activités d’Anton Mussert (1894-1946), leader d’un parti nazi — d’ailleurs vite discrédité —, et des communistes. La montée des périls favorise la reconstitution de la coalition chrétienne avec D. J. De Geer (1870-1960) comme Premier ministre (août 1939).

Le 10 mai 1940, les Pays-Bas sont envahis par les troupes nazies ; Rotterdam est écrasée sous les bombes. Dès le 14 mai, l’état-major néerlandais doit capituler, tandis que la reine Wilhelmine et le gouvernement se réfugient à Londres. Le pays — où beaucoup de juifs allemands réfugiés sont venus renforcer la communauté israélite — connaît alors la plus grande tragédie de son histoire. Sous la botte du Reichskommissar Arthur Seyss-Inquart (1892-1946), puis du Gauleiter Mussert, les Néerlandais vivent dans la terreur. La population juive, en quatre ans, est réduite à un dixième de ses effectifs ; près de 400 000 ouvriers sont déportés dans les usines allemandes. En Indonésie, les colons néerlandais sont internés par les Japonais.

La résistance prend maintes formes : grèves, sabotages, coups de main, action militaire en liaison avec les alliés ; tandis que Wilhelmine, en Angleterre, reste l’âme du pays (Radio-Orange).

La Libération, espérée à l’automne de 1944, se dessine au printemps de 1945. Les Alliés ayant échoué dans leur tentative d’invasion aéroportée au-delà d’Arnhem (sept. 1944), l’hiver 1944-45 est atroce, marqué par une famine dévastatrice. Mais les Allemands capitulent à Wageningen le 5 mai 1945 ; dès le 13 mars, la reine est rentrée dans son pays, qui l’acclame follement.

Tandis qu’un grand travail de reconstruction économique et d’assainissement financier est entamé, la vie politique semble vouloir se simplifier : une nouvelle formation, le parti du Travail (1946), absorbe les sociaux-démocrates et différentes formations libérales et chrétiennes de gauche. C’est ce parti, allié au parti catholique populaire, qui domine alors avec le catholique Louis Beel (1902-1977) d’abord, Premier ministre de 1946 à 1948, puis avec le socialiste Willem Drees (né en 1886), qui garde pratiquement le pouvoir de 1948 à 1959.

Sur le plan social, les Pays-Bas font des progrès considérables (Conseil économique et social), mais le développement du contrôle de l’État sur la vie économique provoque un réveil chez les libéraux, qui voient leurs suffrages passer de 6 p. 100 des votes de 1945 à 12 p. 100 en 1959.

La reine Wilhelmine abdique le 4 septembre 1948 en faveur de sa fille Juliana, qui a déjà exercé la régence quelques mois en 1947 et 1948. De son mariage avec Bernard de Lippe-Biesterfeld, Juliana a quatre filles, dont l’héritière du trône, Béatrix (née en 1938), qui épousera en 1966 Claus von Amsberg.


Les Pays-Bas depuis 1948

Le principal problème auquel est affrontée Juliana est celui de l’Empire colonial néerlandais. La métropole s’efforce d’abord de contenir les mouvements d’indépendance, en Indonésie* notamment, où la république a été proclamée le 17 août 1945 ; puis elle doit relâcher progressivement son étreinte jusqu’à constituer une Union néerlando-indonésienne (1946), qui sera dénoncée par Sukarno en 1954.

Privés du commerce colonial, les Pays-Bas opèrent alors une véritable révolution économique, en développant notamment leur industrie. Bientôt, Rotterdam devient l’un des plus grands ports du monde ; l’assèchement du Zuiderzee et l’application du plan Delta concernant les estuaires de la Meuse et du Rhin contribuent largement au « miracle » économique néerlandais.

Tout naturellement, les Pays-Bas recherchent avec leurs voisins la coopération économique : la formation du Benelux* (1944-1948), l’entrée dans la C. E. C. A. (1951-52) puis dans le Marché commun (1957) et dans les organisations militaires de l’Europe occidentale intègrent fortement ce pays en plein développement dans l’Europe de l’après-guerre.

Sur le plan politique, le morcellement des partis maintient une certaine instabilité, encore que catholiques et socialistes demeurent les partis les plus représentatifs. C’est ainsi que, après la démission, le 12 décembre 1958, du populaire socialiste Willem Drees, le catholique Louis Beel doit faire face à une difficile situation économique et aux séquelles de la politique coloniale. Les élections de mars 1959 provoquent le départ de Beel et l’arrivée au pouvoir d’un autre catholique, Jan De Quay (né en 1901), qui forme un cabinet de coalition auquel les socialistes — qui réclament l’autonomie de la Nouvelle-Guinée* — refusent de participer (19 mai).

Une seconde fois à la tête du gouvernement (1961-1963), De Quay dénoue l’affaire de Nouvelle-Guinée, au profit, en fait, de l’Indonésie (1962-63).

Les élections de mai 1963 font du parti catholique le premier parti du pays, et c’est encore un catholique, Victor Marijnen (1917-1975), qui forme, le 24 juillet, un cabinet de coalition semblable aux précédents. La normalisation des rapports avec l’Indonésie et la République fédérale d’Allemagne entre alors dans les faits.