Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Pavlova (Anna)

Danseuse russe (Saint-Pétersbourg 1882 - La Haye 1931).


La plus grande danseuse du début du xxe s... La plus géniale danseuse de sa génération, de son siècle, voire de tous les siècles, a-t-on dit... Le « phénomène », le « miracle Pavlova » a-t-il pu jamais s’expliquer ? « Le message de Pavlova est inénarrable. Ce qu’elle accomplit chaque soir sur scène ne saurait être exprimé en aucun langage, fors celui de la danse. » (A. Levinson.)

Née dans une famille très modeste, de santé très délicate, elle était « fine, svelte et souple comme un roseau ». Une représentation de la Belle au bois dormant à laquelle elle assiste au théâtre Marie suscite son enthousiasme et sa vocation. Admise à l’école de danse du Théâtre-Impérial à dix ans, elle étudie avec Christian Johansson et Pavel Gerdt, puis avec Enrico Cecchetti. Elle débute en 1899 ; elle est « ballerina » en 1905, « prima ballerina » en 1906. Elle danse tout le répertoire classique de l’époque (la Fille du pharaon, Paquita, le Corsaire) et n’est encore que coryphée lorsqu’elle triomphe dans Giselle en 1903 ! L’atmosphère du Théâtre, ses exigences lui conviennent mal. En dépit du courant réformateur et libérateur amorcé par Michel Fokine* et vers lequel elle se sent entraînée, elle choisit de parcourir le monde (1908-09) avec son partenaire Adolf Bolm, alors soliste au théâtre Marie, portant sur toutes les scènes, dans tous les pays, sa silhouette légère, aérienne, immatérielle.

En 1909, elle danse avec les Ballets russes, où, une des premières partenaires de Vaslav Nijinski, elle crée à Paris les Sylphides (« Chopiniana », de Michel Fokine). En 1911, elle est de nouveau avec les Ballets russes à Londres. Mais, reprenant sa liberté et après un dernier voyage en Russie (1913), elle quitte le théâtre Marie et se fixe définitivement à Londres, où elle fonde sa propre compagnie (1914). En 1905, Michel Fokine a composé pour elle, pour une soirée de gala à Saint-Pétersbourg, la Mort du cygne sur un extrait du Carnaval des animaux de Saint-Saëns. C’est avec cette interprétation que Pavlova est entrée dans la légende. L’agonie de l’oiseau solitaire sur les eaux frémissantes, la Pavlova l’a fait ressentir à tous ceux qui l’ont vue danser ce morceau. Sa tristesse élégiaque, son lyrisme pur la détachaient du monde ; elle devenait céleste. Tout en étant portée à un niveau extrême, sa technique n’était pas l’essentiel de son prestige. Douée d’une grande élévation, elle avait des arabesques d’une stabilité exemplaire. Au-delà de toute perfection — on remarquait même quelques défauts chez elle : son en-dehors aurait pu être plus net —, elle était devenue le symbole de la légèreté.

Anna Pavlova, avec la Mort du cygne, consacra le triomphe de l’étoile en dansant seule en scène, chose nouvelle à l’époque.

H. H.

➙ Ballets russes.

paysage (peinture de)

Le paysage est apparu relativement tard dans l’histoire artistique de l’humanité. Peut-on parler de paysage à propos des signes élémentaires qui ornent les sceaux mésopotamiens du iiie millénaire, ces arbres réduits à des crosses, ces montagnes indiquées par une ligne ondulée sur laquelle se dressent quelques faîtes ? Jusqu’au viie s. av. J.-C., où des reliefs ninivites deviennent plus explicites, la nature fut décrite de cette façon schématique.


On a tenté d’attribuer l’apparition du paysage au progrès technique, à une laborieuse acquisition de l’habileté descriptive. Explication que venaient confirmer certaines périodes de « régression » comme le Moyen Âge européen. Mais pourquoi la représentation de la figure humaine, si mobile et si complexe, demanderait-elle moins d’habileté que celle du paysage ? Tout comme la représentation de l’être humain, celle du paysage suppose une évolution de la conscience, une appréhension de l’espace. On a comparé de façon souvent hasardeuse le développement de l’individu à celui des civilisations, et mesuré la maturité des artistes comme celle des styles à la maîtrise de la perspective. La connaissance des arts d’Extrême-Orient, l’orientation de la création picturale depuis trois quarts de siècle ont prouvé l’insuffisance de ce critère.

C’est pourtant à cette convention que notre jugement est encore lié, lorsque nous nous trouvons en présence d’œuvres éloignées de nous dans le temps et dans l’espace. Elle explique que les fresques de la Maison de Livie, à Rome, nous soient plus proches que des paysages chinois peints quinze ou seize siècles plus tard.

Nous savons encore bien peu de chose sur le paysage dans l’art grec : les quelques rameaux de vigne ou d’olivier qui l’indiquent sur les peintures de vases offrent peu de champ à la réflexion. Plus satisfaisants pour la sensibilité sont les paysages « nilotiques » de la période alexandrine, où des barques errent au milieu d’animaux aquatiques et d’une végétation amphibie (l’un des plus célèbres étant la mosaïque de Palestrina). Le ier siècle de notre ère voit s’épanouir à Rome et en Campanie un style de fresques « impressionnistes », à la lumière douce, au rythme lent, où bergers et promeneurs évoluent au milieu d’une campagne parsemée de bosquets, d’architectures et de statues. Ces visions idylliques sont-elles le prolongement de peintures grecques encore très mal connues ? On y trouve en tout cas la marque de la poésie pastorale. Pour le goût occidental, le paysage est bucolique dès sa naissance. Ces espaces virgiliens où il ne se passe rien, où tout est irradié de la douceur du sentiment, ces campagnes de délices où Ovide situait l’âge d’or représentent-ils « la nature » ? Une nature policée, dont les patriciens et leurs artistes étaient séparés par autant d’intermédiaires qu’il le fallait pour laisser s’exprimer cette idéale sérénité.

Ce qui subsista du paysage dans les premiers siècles chrétiens est encore issu de la source pastorale. Les moelleuses prairies des mosaïques de Ravenne sont parcourues par les troupeaux mystiques du Roi-Pasteur qui célèbre le Cantique des cantiques. Mais lorsque l’illustrateur de l’Apocalypse de Beatus, au xie s., représente les fleuves du paradis, il franchit les limites du vraisemblable. Rien de commun entre la Jérusalem céleste des enlumineurs romans et les ports de mer dont les fresquistes romains détaillaient les jetées et les obélisques.