Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Argentine (suite)

Les grandes plaines

Elles constituent le cadre topographique le plus vaste et le plus important. Ce sont des plaines d’accumulation, essentiellement composées de la masse des débris arrachés par l’érosion à l’édifice andin. Pampa (à elle seule plus grande que la France, puisqu’elle couvre environ 600 000 km2) ou Chaco (légèrement supérieur à la moitié de la France), ces plaines sont caractérisées par une même absence d’organisation dans le drainage. C’est pourquoi il convient de les distinguer de la partie qui, au contraire, est drainée par les grands fleuves débouchant sur le Río de la Plata, l’Entre Ríos, souvent marécageux entre les ríos Uruguay et Paraná.

La Pampa et le Chaco sont des terres caractérisées encore par la profusion de lacs, d’étangs, de marécages ; terres auxquelles des inondations temporaires ont conféré un aspect très plat et très monotone. Il ne faut cependant pas exagérer cette monotonie : la Pampa s’agrémente parfois de collines ou de vallons plus ou moins doux. Le Chaco est formé d’une accumulation d’éléments fins, venus des Andes et transformés sous l’influence des vents. Il offre un paysage plus plat encore que celui de la Pampa, mais auquel les variations du climat apportent quelque diversité.


La Patagonie

Elle constitue le dernier ensemble topographique, formé de plateaux étages plus ou moins élevés et plus ou moins disséqués par des vallées d’origine glaciaire, qui en rompent la monotonie. Des dépôts glaciaires affectent la surface de ces plateaux et contribuent à créer un milieu hostile à l’homme.


La végétation

Face à la diversité climatique, qui modifie aussi bien les paysages que les conditions de mise en valeur du pays, face au découpage de ce territoire en grands ensembles topographiques, la végétation constitue un facteur d’unité par l’absence parfois totale d’arbres.

La Pampa, dépourvue d’arbres, est le domaine de ce qu’on appelle la prairie ; prairie qui, du sud plus froid au nord plus chaud, passe d’une herbe courte à une herbe plus haute, aux allures de savane, et dont le tapis végétal est d’autant plus continu que la région est plus humide, c’est-à-dire située plus à l’est ; vers l’ouest, elle offre progressivement un paysage de steppe, avec des touffes d’herbes de plus en plus espacées.

Le Chaco est davantage le domaine de la brousse, avec prédominance des arbustes épineux. Cette brousse épineuse passe progressivement vers l’ouest à une steppe buissonnante de plus en plus ouverte, par suite à la fois d’une plus grande sécheresse et de l’altitude, qui rend les températures beaucoup plus rigoureuses pendant l’hiver et pendant la nuit.

L’humidité, le froid, les vents, la pauvreté du sol due aux dépôts glaciaires expliquent que la Patagonie soit également le domaine de la steppe, ornée de quelques buissons, qui reste très ouverte, et où le sol nu entre les touffes d’herbes est victime de l’érosion éolienne due à la violence des vents.

M. R.


L’évolution historique


Période coloniale


Conquête et colonisation

Ce qui deviendra plus tard l’Argentine n’est pendant trois siècles qu’une grande marche frontière, dont les débuts sont très difficiles. Très tôt, les Espagnols ont traversé ce vaste territoire et ont exploré ses côtes, mais ils n’ont pas trouvé le métal précieux dont ils avaient entendu parler (ils avaient baptisé trop vite le grand fleuve Río de la Plata, « fleuve de l’argent ») et ils se sont perdus dans l’immensité de la Pampa et de la Patagonie ; il n’y a pas de population dense, à l’exception des régions du Paraná et du Paraguay, et pas d’État organisé comme au Pérou ou au Mexique. C’est une situation semblable à celle de la Nouvelle-Angleterre ou de la Nouvelle-France, et les peuples nomades refusent l’asservissement. Cette région se développe donc très lentement et de manière dépendante : Buenos Aires est le point de départ de la ligne de communication vers les Andes et le Pérou ; les provinces internes ont pour raison économique de ravitailler les mineurs andins, Buenos Aires d’exporter vers l’Europe et le Brésil l’argent du Pérou et le cuir de la Pampa. Au xviie s., ce commerce de l’argent est illégal et se fait par contrebande. Au xviiie s., la route atlantique est officiellement reconnue, et la création de la vice-royauté de La Plata (1776) ne fait que sanctionner le développement de la ville. L’immense vice-royaume compte à la fin du siècle 2 200 000 habitants, dont 1 200 000 Indiens, 320 000 Blancs et 742 000 métis. Le haut Pérou (auj. Bolivie), rattaché à Buenos Aires, concentre un million d’Indiens, la future Argentine à peine 500 000 habitants. Le territoire de la vice-royauté est contrôlé par onze intendances de taille inégale, la superficie étant inversement proportionnelle à la population. L’intendance de Buenos Aires s’étend sur 2 millions de kilomètres carrés (Pampa, Uruguay, Patagonie) ; celle de Charcas, dans la zone minière fortement peuplée des hauts plateaux, couvre 100 000 km2 à peine.


Économie et sociétés

Cette région commence à sortir de l’économie de subsistance grâce à la route de l’argent au xviie s., puis à l’exportation du cuir. La Pampa, aujourd’hui grenier à blé, est alors le domaine des « gauchos » et du bétail « cimarrón », retourné à l’état sauvage. Le « gaucho », au service de l’aristocratie foncière, parcourt la pampa à la poursuite du bétail, qui est tué pour son cuir. Huit cent mille peaux sont exportées chaque année pour la somme de 4 millions de pesos. Le « gaucho » jouera un grand rôle dans les guerres d’indépendance et les guerres civiles de la première moitié du xixe s. ; homme à cheval, véritable centaure, il n’est pas intégré à la société et passe sa vie à poursuivre le bétail et à guerroyer contre l’Indien sauvage. Martin Fierro (1872), de José Hernández, est le grand livre qui chante l’épopée de ce monde aujourd’hui disparu. À l’intérieur, au pied des Andes, dans la région de Tucumán et de Córdoba, la situation est différente ; l’existence d’une main-d’œuvre indigène permet la culture du blé, de la vigne, du coton, qui s’exportent vers le Chili et le Pérou. C’est une société américaine coloniale classique dominée par les « encomenderos ». L’« encomienda », qui délègue à des particuliers, les « encomenderos », une partie des pouvoirs du souverain, devait laisser des marques plus durables que celles de l’esclavage ; c’est le premier élément d’une féodalité qui s’est vite transformée en servage, en attachant l’Indien, le paysan, au grand domaine (et cela parfois jusqu’à nos jours). Cette exploitation explique les grandes rébellions indigènes de 1630-1635, 1657-1659, 1665-1666. L’encomienda, la guerre et les déportations massives qui suivent provoquent le déclin démographique de la zone de Tucumán et le triomphe de l’élevage sur l’agriculture, de la laine sur le coton. Le xviiie siècle pourra reconstruire l’agriculture de l’intérieur en important des esclaves noirs.