Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

parti politique (suite)

Le qualificatif de « parti », pour des raisons d’ordre idéologique également, est récusé par certains groupes qui lui préfèrent l’appellation, à leurs yeux plus favorable, de « mouvement », d’« union », de « rassemblement ». Ferments de division, les partis — voire la politique — seraient nuisibles et il conviendrait, à défaut de pouvoir les supprimer, d’en limiter les effets en rassemblant les citoyens et en dépolitisant le débat politique. Sans vouloir trancher la question au fond, il est clair que ces « unions », sauf à recourir à la contrainte, ne rassemblent jamais qu’une partie des citoyens et, en s’institutionnalisant, se transforment en partis, qu’elles le veuillent ou non.

D’aucuns, dans la ligne de la pensée libérale et individualiste de Jean-Jacques Rousseau et de la Révolution française, rêvent enfin d’une communication directe, sans intermédiaire, entre gouvernants et gouvernés ; ceux-ci — libérés de la tutelle des partis — se prononceraient, en leur âme et conscience, sur chaque problème. À l’institutionnalisation sclérosante des courants politiques s’opposerait la fluidité libératrice et créatrice des majorités changeantes de l’opinion. Mais les groupes existent parce que, précisément, les individus ont besoin, pour leur équilibre, de se situer par rapport à eux, de s’intégrer à travers eux dans l’ensemble social. La politique suppose, pour que le citoyen s’y retrouve, les boussoles que sont les partis, même s’ils n’indiquent pas tous la même direction. Une politique ne peut pas non plus se concevoir problème par problème, coup par coup. La suppression des partis, dès lors, est un mythe.


Types de partis

On peut classer les partis politiques de bien des points de vue.

D’après leur idéologie, les « partis totalitaires » — qui offrent à leurs membres un système total d’explication du monde et attendent d’eux un engagement total — seront opposés aux « partis pluralistes » moins contraignants dans leur doctrine, leur organisation et leurs visées.

D’après les fonctions qu’ils remplissent, Sigmund Neumann distingue les partis de « représentation individuelle » des partis d’« intégration », démocratique ou totalitaire. Thomas Hodgkin, s’inspirant de la réalité africaine, propose une classification fondée sur des considérations géographiques et politiques, des « partis nains », à l’échelle d’une simple localité, aux « partis interterritoriaux ». D. E. Apter insiste sur la spécificité des partis des pays en voie de développement, pratiquement omnifonctionnels. Theodore Lowi trouve dans l’expérience américaine l’idée des « partis constituants », tout entiers dévoués à la défense des normes du système politique dont ils ne sont qu’un élément, contrairement aux « partis programmatiques », qui s’intéressent avant tout à la politique et aux résultats concrets de ce système, ou aux « partis responsables », de style européen, qui remplissent à la fois des fonctions constituantes et programmatiques.

Les typologies les plus élaborées, cependant, combinent plusieurs critères (organisation, idéologie, fonctions) pour définir des types idéaux susceptibles d’éclairer une réalité complexe en dépassant sa simple description. Maurice Duverger, notamment, a établi dès 1951 et popularisé le concept de « parti de cadres », qui vise « à réunir des notables [...] soit à cause de leur prestige qui leur confère une influence morale, soit à cause de leur fortune », par différence avec le « parti de masses », dont le principal souci est de « faire l’éducation politique » d’adhérents aussi nombreux que possible, pour dégager une élite sociale et politique nouvelle qui, s’appuyant sur les masses, recherchera le pouvoir pour changer la société. On peut préférer le triptyque « parti de notables », « parti de militants », « parti d’électeurs », selon l’idée qu’ils se font eux-mêmes de la source essentielle de leur légitimité — les notables, les militants ou les électeurs — et suivant les conséquences qu’ils en tirent de façon consciente ou non, dans la répartition du pouvoir en leur sein et dans leurs choix politiques et stratégiques, en période de crise notamment.


Types de systèmes de partis

La typologie des systèmes de partis est plus fermement établie que celle des partis. Dès les années 1930, Arthur N. Holcombe, dans l’Encyclopedia of the Social Sciences, distingue le parti unique, le bipartisme et le multipartisme, selon le nombre et l’importance des partis constituant chaque système. Cette classification ancienne a été précisée depuis lors par la définition de sous-catégories nouvelles. À côté du « bipartisme parfait », à l’anglaise, dans lequel les deux premiers partis se partagent à peu près également les neuf dixièmes de l’électorat, on a relevé l’existence d’un « bipartisme imparfait » dans lequel un tiers parti — comme le parti libéral en Allemagne fédérale aujourd’hui — garde suffisamment de ressources électorales et parlementaires pour perturber et arbitrer le jeu des deux grands. Dans le multipartisme, de même, on a noté la différence entre l’atomisation complète des forces politiques — comme dans la France de la IVe République — et l’existence d’un parti ou d’une coalition homogène et durable de partis « dominant » des oppositions qui s’avèrent incapables de s’unir. C’est le système de « parti dominant », à ne pas confondre avec celui de « parti unique ». Les recherches les plus récentes, enfin, ont montré que les systèmes de partis ont une forte tendance à persister.

Au bout du compte, les partis politiques, pour n’avoir pas acquis, dans les vieux États, la même légitimité que des institutions plus anciennes qu’eux — comme la machine de l’État, le pouvoir exécutif, le système représentatif, l’idée nationale —, n’en ont pas moins profondément transformé le fonctionnement de ces institutions et s’imposent, bon gré mal gré, comme les agents quasi exclusifs de la distribution des rôles politiques, par le biais des investitures électorales, dans tous les systèmes politiques modernes.

J. C.