Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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parthénogenèse (suite)

À côté de cette parthénogenèse vraie, les développements d’embryons à partir de cellules du gamétophyte autres que l’oosphère ou de cellules somatiques sont très fréquents. Chez les végétaux, le terme apomixie, qui englobe tous les développements sans union de gamètes, est beaucoup plus utilisé que celui de parthénogenèse ; il est parfois difficile d’isoler les cas de parthénogenèse vraie des autres cas apomixiques.


Parthénogenèse expérimentale ou artificielle chez les animaux

Son but est d’essayer de déclencher expérimentalement le développement de l’ovule non fécondé et d’obtenir non seulement un début de segmentation, mais un adulte viable et capable de se reproduire. Les tentatives expérimentales profitèrent des progrès des techniques et notamment de celles qui intéressent la manipulation des œufs ; à la fin du xixe s., on réussit à séparer les premiers blastomères dans divers œufs (Oursin notamment).

La parthénogenèse expérimentale se fait par deux mécanismes, action physico-chimique ou action traumatique.


Parthénogenèse par action physico-chimique

Jacques Loeb (1859-1924) obtint le premier (1906) le développement parthénogénétique d’ovules d’Oursins par « fécondation chimique ». Le traitement comportait deux temps ; dans le premier, agissant comme activant, les œufs mûrs d’Oursins (Arbacia, Strongylocentrotus) sont placés pendant une ou deux minutes à 18 °C dans de l’eau de mer additionnée d’acides gras (acide butyrique notamment). Puis les œufs sont lavés dans de l’eau de mer normale et, dans le second temps, se comportant comme régulateurs, ils sont mis pendant 20 à 30 secondes dans de l’eau de mer hypertonique, c’est-à-dire enrichie en chlorure de sodium. Lorsque les ovules sont replacés dans de l’eau de mer normale, ils s’y développent, donnent les pluteus qui se métamorphosent en Oursins adultes pourvus d’organes génitaux. Ce procédé en deux temps mime la fécondation naturelle ; à la suite du premier traitement, la membrane de fécondation se soulève comme après la pénétration du spermatozoïde. La formation de cette membrane révèle un début de destruction, une cytolyse de l’ovule qui aboutirait à sa mort. Le second traitement doit stopper cette cytolyse et permettre la réalisation des mitoses normales. Après les travaux de Loeb, bien d’autres essais ont été tentés. Mais souvent un traitement en un seul temps provoque aussi bien la segmentation : pour l’ovule d’Oursin, tannate d’ammonium, pour l’ovule d’Étoile de mer, l’acide carbonique (Yves Delage) ou une eau de mer hypercalcique (Albert Dalcq). Le froid, la chaleur, la dessiccation, le secouage, les rayons ultraviolets, le courant électrique ont été essayés sur divers matériaux : ovules de Némertes, de Polychètes, d’Échiuriens, de Poissons, d’Amphibiens ; mais le pourcentage des réussites est très faible.


Parthénogenèse traumatique

Elle donne d’excellents résultats chez la Grenouille. Inventée, en 1910, par Eugène Bataillon (1864-1953), elle permet d’obtenir le développement de l’ovule non fécondé.

Les ovules vierges de la Grenouille rousse (Rana temporaria) sont piqués avec un fin stylet de verre ; un certain nombre d’entre eux présentent des divisions irrégulières et abortives alors que d’autres se segmentent normalement ; 20 000 œufs piqués auraient engendré 120 têtards. À quoi tient cette différence dans le comportement des œufs ? Bataillon remarque que seuls les ovules souillés de sang lors du prélèvement se développent ; l’inoculation a introduit accidentellement un globule sanguin ou un leucocyte. De nombreuses expériences de Bataillon démontrèrent qu’à la piqûre doit être ajouté un élément cellulaire. La piqûre provoque l’activation de l’ovule vierge et notamment la formation d’un unique aster autour du pronucleus femelle avec doublement du nombre des chromosomes ; mais le monoaster régresse et l’embryogenèse s’arrête. L’introduction d’un élément cellulaire apporte un facteur de régulation en établissant la dicentrie ; un aster entoure le fragment cellulaire ; il régresse et produit par division un amphiaster qui se dirige vers le pronucleus femelle. Cet aster principal correspond à l’aster spermatique de la fécondation normale. La dicentrie assure le déroulement des mitoses normales.


Parthénogenèse expérimentale chez les Mammifères

Tout comme chez les Amphibiens, les ovules quittent l’ovaire après avoir expulsé le premier globule polaire. Ils doivent alors être fécondés ou dégénérer. Gregory Pincus a expérimenté sur la Lapine (1939) ; par la chaleur (45 °C) ou l’hypertonie, il provoquait l’activation d’ovules de Lapine ; puis il les transplantait dans la trompe d’une Lapine en pseudogestation artificielle (injection d’hormones ou accouplement avec un mâle vasectomisé) ; quelques ovules se développent : sur 615 ovules transplantés chez 19 femelles, 3 ont donné des jeunes à terme. Dans une autre expérience, Pincus et Shapiro soumettent l’ovule de Lapine à l’action du froid ; sur 16 Lapines traitées, l’une a produit un petit Lapin vivant ; les 4 jeunes Lapins parthénogénétiques étaient des femelles. La réussite est très faible ; il est bien regrettable que d’autres expérimentateurs, répétant cette expérience, n’aient rien obtenu.

En France, Charles Thibault (1949) a repris des expériences avec la Lapine, la Brebis et la Ratte ; il a confirmé l’action stimulante du froid ; plus de la moitié des ovules de Lapine traités (application d’un bloc de glace pendant 3 à 4 minutes au moment convenable) sont activés ; l’ovule n’expulse pas son deuxième globule polaire, la diploïdie est donc réalisée. On obtient des morulas, parfois des blastocytes de six jours et demi, juste à l’âge de l’implantation dans la muqueuse utérine, mais rien de plus. L’ovule de Brebis se comporte de la même façon, mais le développement s’arrête plus tôt. Toute variation de température active l’ovule de Ratte, mais même la première segmentation ne se fait pas. En 1970, Christopher Graham a tenté des stimulations électriques sur les ovules de Souris ; il n’a pu obtenir d’implantation des blastocytes et aucun développement complet.