Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

parlement (suite)

Cette commission judiciaire est formée à l’origine pour moitié de seigneurs laïques ou ecclésiastiques et pour moitié de légistes comprenant à égalité des clercs et des chevaliers de l’Hôtel au nombre d’une trentaine, spécialisés dans les questions judiciaires et déjà qualifiés de conseillers ou de maîtres au temps de Louis IX. Elle prend l’habitude de se réunir chaque année à trois ou quatre reprises en dehors de la Curia regis, dont elle fait pourtant partie et au nom de laquelle celui qui la préside rend l’arrêt en présence des personnalités appelées à siéger en raison de leur qualification dans l’affaire en cours. L’obligation faite par l’ordonnance de Louis IX de 1258 de procéder à des enquêtes entraînant l’audition de témoins, la constitution de dossiers renforcent le rôle des légistes, qui, numériquement prépondérants dès 1270-1275, restent finalement seuls maîtres (ou presque) du parlement quand l’« ordonnance des parlements » de 1307 réduit à deux le nombre de leurs sessions, l’une débutant à la Toussaint, l’autre à Pâques. Enfin, la première étant prolongée jusqu’en mai de l’année suivante et parfois même au-delà, la session judiciaire devient unique avant même que d’être permanente grâce à la constitution d’une véritable chambre de vacations sans le titre à partir de 1318.

La cour, siégeant en parlement (curia in parlamento), juge le plus souvent en appel, mais toujours en dernier ressort, au nom du roi, des affaires déjà traitées en première instance devant les autres tribunaux du royaume. Très rapidement débordée, elle doit dès 1278 renvoyer devant les tribunaux des baillis et des sénéchaux les cas de nouvelles dessaisines, c’est-à-dire ceux qui concernent les troubles de possession, et interdire en 1298 de porter directement devant elle les litiges qui sont du ressort de ces instances judiciaires tout en s’efforçant de limiter le nombre des degrés de juridiction à franchir pour parvenir devant elle.

Mais surtout la diversité des affaires à traiter et la complexité croissante de la procédure entraînent la multiplication et une nouvelle spécialisation des conseillers siégeant en parlement avant la fin du xive s., certains devant vérifier la recevabilité des appels, qui ne peuvent être interjetés que dans des délais et selon des formes juridiques très précis, d’autres devant ensuite examiner l’appel à fond avant que ne soit rendu le jugement. La « requête » et l’« enquête » deviennent ainsi deux étapes fondamentales de la procédure. C’est pourquoi vers 1291 les enquêtes sont confiées à une commission composée de deux « maîtres clercs » et de deux « maîtres lais », dont le nombre est finalement limité à quarante en 1345. Plus précise, l’ordonnance des parlements de 1307 mentionne en outre l’existence d’une Grand-Chambre ainsi que celle de requêtes de langue d’oc et de requêtes de langue d’oïl. En fait, dès la fin du règne de Philippe le Bel, malgré bien des imprécisions, le parlement est constitué en plusieurs chambres judiciairement très spécialisées : la Grand-Chambre, où les affaires sont plaidées ; la Chambre des enquêtes, qui ne juge les affaires criminelles et civiles qu’après examen par la Grand-Chambre ; la Chambre des requêtes, qui doit entendre les requêtes à régler selon le droit coutumier, ce qui exclut celles du Midi, qui relèvent de l’auditoire de droit écrit.

Fixés dans leurs attributions, ces organes de la vie judiciaire restent instables dans leur composition, leur personnel étant généralement renouvelé complètement de session en session. Aussi le roi Philippe VI décide-t-il, par l’ordonnance du 8 avril 1342, de constituer une commission qui élabore le texte de l’ordonnance du 11 mars 1345 ; celle-ci limite à 85 le nombre des membres du parlement (4 présidents, 33 conseillers en la Grand-Chambre, 40 aux Enquêtes et 8 aux Requêtes) et les soumet à la contrainte de l’examen probatoire de recrutement (sous le contrôle du chancelier et de la cour elle-même) et de la résidence pendant les sessions.

La Grand-Chambre ou Chambre des plaids

« Chambre où l’on plaide et où l’on rend des arrêts » (Robert Fawtier), qualifiée de cour et même de parlement comme si elle était à elle seule l’institution judiciaire tout entière puisque le roi, qui y tient des « lits de justice », peut toujours venir y siéger, la Grand-Chambre (Magna Camera), qui comprend en juillet 1316 34 membres, voit ses effectifs stabilisés à 33 le 11 mars 1345 (3 présidents, 15 clercs et 15 lais), puis à 34 dont 4 présidents, enfin à 47 à la veille de la Révolution française, dont 37 conseillers (25 clercs et 12 laïques), 9 présidents à mortier, qui ont la qualité de chevalier, et 1 premier président, qui est le chef de la cour et qui, à ce titre, a été admis par Charles IX à siéger au Conseil du roi. Commissaire et non officier et donc révocable, il est en droit le troisième personnage de l’État après le roi et le chancelier. À ces conseillers peuvent se joindre 64 membres d’honneur ou honoraires ayant voix délibérative, mais non droit d’instruire une cause, ainsi que les ducs et pairs, et, à partir de quatorze ans, les princes du sang, qui relèvent exclusivement de cette chambre, qu’ils soient plaignants ou accusés. Seule compétente pour juger toutes les affaires civiles et criminelles concernant les prérogatives de la Couronne (domaine, apanages, régale), l’Église et les établissements ecclésiastiques, les communautés urbaines, l’université, l’Hôtel-Dieu de Paris et les membres du parlement, jugeant en appel les sentences des baillis, des sénéchaux et des Grands Jours seigneuriaux, prétendant évoquer à ce titre devant elle les jugements des autres cours souveraines (Chambre des comptes, Chambre des monnaies), la Grand-Chambre rend des arrêts sur plaidoiries et transforme les « jugés » de la Chambre des enquêtes en « arrêts » qu’elle revêt ainsi d’un sceau particulier et dont le nom souligne le caractère définitif. Enfin, elle juge aussi sur rapports (enquêtes) d’auditeurs commis par elle pour écouter les témoins. Si leur valeur est appréciée par la Grand-Chambre, cette dernière renvoie l’affaire devant la Chambre des enquêtes ou l’auditoire du droit écrit, dont les jugés sont aussitôt transformés par eux en arrêts. Dirigeant en fait la procédure, la Grand-Chambre délègue pendant les vacances des représentants aux Grands Jours de Troyes et à l’Échiquier de Normandie. Retenant pour elle depuis 1319 les enquêtes de sang, les enquêtes criminelles entraînant des peines corporelles — utilisant comme rapporteurs les laïques de la Chambre des enquêtes —, enfin les causes importantes concernant les grands personnages du royaume, la Grand-Chambre peut adresser, comme la Chambre des requêtes, des mandements aux baillis, aux sénéchaux, à leurs lieutenants et aux commissaires. D’elle se détache la Tournelle, dont le personnel se spécialise dans les affaires criminelles.