Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Panamá (république de) (suite)

L’époque contemporaine

Six candidats s’étaient disputés la présidence en 1964, et le représentant de l’oligarchie, le libéral Marco Aurelio Robles, devait terminer en 1968 un mandat fort agité, sans pouvoir imposer son successeur. Les élections sont alors gagnées par Arnulfo Arias, vieil homme politique, déjà président à deux reprises (en 1940-41 et en 1949-1951) et renversé deux fois. Robles essaie par tous les moyens de lui barrer la route, puis de remettre en cause sa victoire. Aux termes de heurts sanglants, Arnulfo Arias reste maître de la situation et entame les négociations avec les États-Unis. Fort de l’appui des travailleurs et des petites entreprises, Arias est porte-parole du courant nationaliste. (Ce nationalisme lui a valu jadis d’être accusé de sympathie pour l’Axe.) L’accord de 1965 a prévu la construction d’un second canal en territoire panaméen, dont les conditions d’exploitation restaient à débattre.

Le 12 octobre 1968, onze jours après son installation au pouvoir, Arias est renversé par un coup d’État militaire. Quelques jours auparavant, l’armée a pris le pouvoir au Pérou. Il convient de le signaler, car l’évolution politique des dirigeants militaires panaméens n’est pas compréhensible sans la référence péruvienne. Le gouvernement provisoire du colonel José M. Pinilla n’est pas homogène puisqu’il comprend des officiers favorables aux États-Unis, disposés à établir un régime de type nicaraguayen, et des officiers nationalistes, formés comme eux à l’école de contre-guérilla implantée dans la zone américaine, mais disponibles pour une démarche originale. Après une année de répression, le gouvernement militaire commence à rechercher l’appui populaire pour empêcher un retour possible d’Arias : le colonel Omar Torrijos élimine ceux de ses collègues qui s’opposent à ce changement de ligne et s’affirme en décembre 1969 comme le chef du mouvement ; le 11 octobre 1972 il est investi des pleins pouvoirs. Il attaque ouvertement les États-Unis, rejette trois projets de traité, refuse de continuer à louer la base militaire de Río Hato et de laisser venir le Peace Corps ; à l’intérieur, il essaie de faire payer l’impôt aux grands monopoles et entame une réforme agraire. Syndicats ouvriers et paysans sont mis sur pied pour donner au régime une assise politique. Le général Torrijos n’est pourtant pas au bout de ses peines, car, outre qu’il est menacé par les divisions des militaires et sa réticence à s’appuyer sur les mouvements de masses, il se heurte, à propos du canal, à un problème dont les dimensions le dépassent. Cependant le 7 février 1974, Henry Kissinger signe à Panamá une déclaration de principe sur la restitution à terme de la zone du canal.

J. M.

 P. Bunau-Varilla, Panamá : la création, la destruction, la résurrection (Plon, 1913). / A. Siegfried, Suez, Panamá et les routes maritimes mondiales (A. Colin, 1948). / S. B. Liss, The Canal, Aspects of United States Panamanian Relations (Notre Dame, Ind., 1967). / M. Niedergang, les 20 Amériques latines, t. III (Éd. du Seuil, 1969). / T. Halperin-Donghi, Historia contemporánea de America latina (Madrid, 1969 ; trad. fr. Histoire contemporaine de l’Amérique latine, Payot, 1972). / L. O. Ealy, Yanqui Politics and the Isthmian Canal (Londres, 1971).


La ville de Panamá

Première ville européenne sur la côte pacifique, Panamá fut fondée en 1519. Abritée au fond d’une baie, elle fut le port de départ des conquérants de l’Amérique du Sud ; un chemin muletier la reliait à la côte atlantique. Détruite en 1671 par le pirate Henry Morgan, la ville, qui comptait alors 10 000 habitants, fut reconstruite en 1673 un peu plus à l’ouest sur une presqu’île plus facilement défendable. Son rôle de port et de marché cessa en 1746. La route commerciale reliant l’Espagne à ses colonies sud-américaines cessa d’emprunter l’isthme, préférant le trajet par Buenos Aires ou le cap Horn, plus rentable et plus sûr (de nombreux pirates fréquentaient la mer des Caraïbes). La ville connut alors un siècle de déclin, suivi d’une brève période d’activité au milieu du xixe s. ; la découverte des mines d’or de Californie revalorisa la route transisthmique. Mais avec la construction en 1869 du premier chemin de fer transcontinental aux États-Unis, Panamá connut une nouvelle décadence. De nouvelles années florissantes, mais passagères, commencent quand, en 1879, est prise la décision du creusement d’un canal. Le commerce connaît un essor, de nombreuses villas, des hôtels, de style français, sont alors construits. C’est à cette époque que Panamá prend un caractère urbain plus défini. La ville compte 24 000 habitants en 1880. Mais l’échec de la Compagnie française en 1889 a des conséquences catastrophiques pour l’économie. Avec l’indépendance et la construction du canal, deux aspects du rôle actuel de la ville de Panamá s’établissent : capitale, elle est un centre politique et administratif ; lieu de passage et de transbordement, sa vocation commerciale se précise.

Avec l’arrivée des Nord-Américains, des travaux d’assainissement et de voirie sont réalisés. La population de la ville s’accroît rapidement : près de 50 000 habitants en 1911, à cause de l’exode rural, et principalement de l’exode des petits commerçants des campagnes. Le noyau urbain s’agrandit, la ville déborde la presqu’île originelle et s’étend, en s’élargissant, vers le nord et le nord-est, son extension étant bloquée à l’ouest par la zone du canal et la ville « nord-américaine » de Balboa, véritable port de Panamá. Alors que la population s’entasse dans les quartiers populaires de la vieille ville, les quartiers résidentiels s’étalent, favorisés par l’introduction de l’automobile et la construction de routes en direction de l’est. La ville connaît une activité intense pendant la Première Guerre mondiale, suivie d’une période de léthargie durant l’entre-deux-guerres. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les travaux d’élargissement du canal pour les activités militaires des États-Unis fournissent du travail à une partie de la population rurale qui ne cesse d’affluer vers la capitale. À la fin de la guerre, il reste à la ville un début de processus d’industrialisation et un renforcement du commerce ; des efforts d’aménagement urbain ont été entrepris, une autoroute traversant l’isthme a été construite.