Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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paléontologie (suite)

Avec celle-ci, la paléontologie changeait de sens ; elle n’était plus simplement descriptive ; mais elle permettait — et elle le permettait seule — de reconstituer l’histoire de la vie sur la Terre. Le début du xixe s. a connu d’excellents paléontologistes, tels que Louis Agassiz en Suisse, Richard Owen (1804-1892) en Angleterre, etc., mais il est à noter que Darwin* n’a guère fait appel dans l’Origine des espèces (1859) à des arguments paléontologiques. Ce sont seulement des élèves de Darwin qui, à propos de la paléontologie, ont développé des idées transformistes : Ernst Haeckel (1834-1862), en Allemagne, a été un des premiers à supposer l’existence d’un « Homme singe », le Pithécanthrope, qui sera découvert ultérieurement par un médecin néerlandais, Eugène Dubois (1858-1940), sous forme d’ossements humains à Java. Ce fossile s’avérera un Homme véritable (Homo erectus), sans caractère véritablement simien, mais le nom de Pithécanthrope est de Haeckel et antérieur à la découverte de Dubois. L’élève le plus célèbre de Darwin fut Thomas Huxley (1825-1895), dont les discussions très vives avec l’archevêque de Canterbury sont restées célèbres. Nous devons toutefois à Albert Gaudry (1827-1908), professeur au Muséum national d’histoire naturelle, le premier ouvrage de paléontologie transformiste, les Enchaînements du monde animal (1878) ; cet ouvrage marque une date fondamentale de l’histoire de la paléontologie. Pour des raisons pratiques par ailleurs — les fossiles servaient à dater les terrains et étaient donc des outils précieux pour le géologue —, la paléontologie avait connu au xixe s. un remarquable essor ; en France, cet essor se manifesta notamment par la création de la chaire de paléontologie du Muséum ; cette création, destinée à Alcide d’Orbigny (1802-1857), le fondateur de la zoologie et de la paléontologie des Foraminifères, mais aussi l’auteur d’une Paléontologie française et d’un Prodrome de paléontologie universelle, remonte à 1852.


Micropaléontologie

La paléontologie comprend naturellement deux disciplines principales, suivant que l’objet d’étude est animal ou végétal : ce sont la paléozoologie et la paléobotanique*. D’autre part, l’étude des micro-organismes fossiles est l’objet d’une discipline particulière, la micropaléontologie ; celle-ci s’est surtout développée au xxe s., parallèlement à l’emploi du moteur à explosion et au développement du commerce du pétrole, car c’est un moyen de choix dans la recherche des hydrocarbures. Les carottes de sondage contiennent souvent, en effet, de très nombreux microfossiles, que l’on peut isoler par exemple par ébullition dans la potasse. Les fossiles dont se servent surtout les géologues pétroliers sont des Foraminifères (fig. 1) : en raison de leur petitesse, ils sont parfois très nombreux dans un faible volume de roche ; les associations de ces Foraminifères peuvent permettre de déterminer l’âge des terrains, donc d’interpréter la géologie d’une région et de déterminer si la présence d’hydrocarbures y est possible ou non. Mais beaucoup d’autres microorganismes peuvent aussi être fossilisés, tels que des Radiolaires, des Coccolites (disques situés à la surface de cellules de Rhizopodes dites Coccolithophoridés et de très petites dimensions : quelques millièmes de millimètres), des Silicoflagellés, des Péridiniens, etc. L’étude de ces micro-organismes fossiles a fait récemment de grands progrès grâce à l’emploi d’un nouveau type de microscope électronique, le microscope électronique à balayage (dans lequel le faisceau d’électrons est latéral par rapport à l’objet à étudier — lequel est préalablement métallisé — et non transversal perpendiculairement à la préparation) ; cet appareil permet d’obtenir des grossissements allant jusqu’à 100 000. Certaines Algues brunes microscopiques, les Diatomées, font aussi partie du domaine de la micropaléontologie : elles sont surtout intéressantes comme indicateurs de salinité et de climat. Enfin, les spores et les pollens fossiles sont d’un intérêt tout particulier pour l’étude des flores du passé ; cette étude fait l’objet de la palynologie* ; les résultats sont d’autant plus précis qu’on a affaire à des flores plus récentes, c’est-à-dire quaternaires. La palynologie nous a ainsi permis, par exemple, de reconstituer l’histoire des forêts européennes à partir de la dernière glaciation, et cela avec une très grande précision : dans les régions où la fonte des glaces s’est accompagnée d’un dépôt argileux annuel (varve), cette histoire a pu ainsi être suivie année par année. Les pollens sont aussi des indicateurs de climat ; on peut aussi dater, en préhistoire, des outils, des vêtements d’après les grains de pollen qui y sont restés attachés. Quand on remonte au contraire à des époques plus anciennes, la plupart des spores ou des pollens reçoivent des noms spéciaux indiquant des ressemblances avec d’autres organismes actuels ou fossiles, mais sans que l’on puisse attribuer en général à telle spore une origine précise ; une telle classification, purement morphologique, est une parataxinomie et s’oppose à une classification précise telle que celle des êtres vivants actuels qui sont connus de façon complète (taxinomie) [v. paléobotanique].


Autres domaines d’étude

La paléozoologie permet, comme la paléobotanique d’ailleurs, de dater des couches de terrain (paléontologie stratigraphique) ; certains groupes de fossiles dont la structure interne n’a pas subsisté (c’est le cas de la plupart des Mollusques) ne permettent guère qu’une étude stratigraphique. Cependant, les fossiles sont souvent remarquablement conservés, et, dans ce cas, des études paléoanatomiques sont possibles : certains organismes tels que les Vertébrés inférieurs montrent souvent un fort développement de l’os qui moule l’encéphale, les nerfs et les vaisseaux crâniens ; la disposition de ceux-ci (fig. 2), grâce notamment à la technique des sections sériées (v. fossiles), surtout développée par le savant suédois Erik Stensiö, peut alors être reconstituée avec une très grande précision. L’étude des moulages endocrâniens naturels ou artificiels sert de base à la paléoneurologie (fig. 3), discipline qui vise à reconstituer l’évolution du système nerveux. Dans certains cas, la structure même des tissus fossiles peut avoir été conservée : la paléohistologie a pour but l’analyse de ces structures.