Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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paléographie (suite)

L’onciale latine

C’est elle qui a pris la succession de la capitale, prenant forme dès le iiie s. Semblablement à l’onciale grecque, elle résulte d’un arrondissement des lettres (en particulier A, D, E, M). Elle présente un assez grand nombre de lettres liées deux à deux. La ligature Æ, la plus répandue, a évolué jusqu’à se réduire à un E pourvu d’une cédille. L’onciale s’est parfois écrite penchée pour les annotations marginales. Employée pour les livres de luxe, elle s’est répandue avec le christianisme et la multiplication des livres bibliques et liturgiques. Les capitales sont demeurées en usage pour les titres (de même que des titres en onciales se voient dans des manuscrits en capitales). L’usage de l’onciale pour des manuscrits entiers a disparu au xe s., en même temps que celui de la capitale.


La semi-onciale, ou minuscule primitive

À peine plus tard que l’onciale était apparue la semi-onciale, dans une position intermédiaire entre l’onciale et la cursive, largement dimensionnée comme l’une, plus ligaturée comme l’autre, mêlant les lettres des deux origines, ce qui lui a valu d’être appelée aussi écriture mixte. Sa mise au point s’est faite progressivement, et son emploi s’est justifié par sa relative économie de place. Sa caractéristique la plus frappante est l’extrême développement des lignes verticales (hastes vers le haut, queues vers le bas), qui dépassent la base et le sommet des lignes. Écriture des livres chrétiens, la semi-onciale prospéra surtout aux vie et viie s., avant d’évoluer au viiie s. pour donner naissance au ixe s. à l’écriture caroline ou carolingienne.


La cursive latine

Les graffiti de Pompéi, grattés sur les murs, et les écrits sur tablettes de cire, faits au stylet, sont les exemples classiques de l’écriture cursive latine, anguleuse par nécessité, vu l’effort à faire pour entailler la matière. Les lettres sont des déformations très évoluées des capitales, tendant à éliminer les courbures et à multiplier les traits verticaux, ce qui forme une apparence de pages de bâtons. Très caractéristique est la lettre E, qui se transforme en deux longs traits verticaux. Cette écriture, qui était celle du quotidien et de l’utilitaire, se retrouve sur les papyrus. Il faut situer à part la cursive de l’Administration et de nombre de documents juridiques privés : écriture plus posée, plus largement dimensionnée, parfois extrêmement défigurée par l’abondance des ligatures, qui peuvent passer d’un mot à l’autre. L’une d’elles s’est conservée jusqu’à nos jours sous la forme de l’et commercial (&).

Bien qu’à peu près totalement absente des manuscrits littéraires ou religieux, la cursive a bénéficié, au-delà de l’Antiquité, d’une survie prolongée, sous l’avatar des écritures dites « nationales ».


Les écritures nationales

Ce sont là les développements nationaux de l’écriture romaine, cursive ou onciale, qui se sont différenciés d’un pays à l’autre au haut Moyen Âge. En Italie, la cursive a eu la plus belle postérité : écriture lombarde ou lombardique, écriture bénéventine, utilisée surtout au Mont-Cassin.

Devenue de plus en plus anguleuse, la lombarde brisée, très employée dans le sud de l’Italie, a dégénéré jusqu’à devenir illisible. Une variante de l’écriture lombarde est devenue l’écriture de la chancellerie pontificale jusqu’au début du xiie s.

En Espagne se sont développées des écritures voisines les unes des autres à partir du viiie s. L’écriture tolédane est plus élégante que la cursive wisigothique, répandue dans de nombreuses chartes peu lisibles.

En Gaule, la cursive des diplômes mérovingiens est serrée, surchargée, également malaisée à lire. La réforme carolingienne la balaya au profit d’une écriture nouvelle, proprement française, la minuscule caroline, née presque simultanément avec la minuscule grecque, plus petite, plus serrée que l’onciale, mais lisible. Employée dans les ateliers de nombreux monastères, la minuscule caroline donna de beaux manuscrits.

Les Irlandais et les Anglo-Saxons ont développé leurs écritures propres à partir de l’onciale et de la semi-onciale. Les copistes irlandais se sont surtout attachés à enrichir leurs manuscrits de majuscules de fantaisie et d’initiales décorées d’entrelacs. Les Anglo-Saxons ont été fortement influencés par eux, avant de se rallier à l’écriture caroline. Celle-ci, qui s’accrut en régularité et s’améliora jusqu’au xiie s., prit une extension sans cesse plus grande et finit par remplacer toutes les écritures d’Europe occidentale, en raison de ses qualités, sous le nom d’écriture française.


L’écriture gothique

Aux xiiie et xive s. se répandit un nouveau type d’écriture, où les extrémités des lettres prirent des formes anguleuses, de plus en plus accentuées. Le fait allait de pair avec l’accélération de l’écriture et l’emploi d’un bec de plume taillé en biseau, et il en résulta une diversité d’écritures de fantaisie. L’usage de la gothique, surtout universitaire et liturgique, s’est perpétué dans les missels et les antiphonaires, tandis que l’écriture courante s’attachait à des formes cursives diverses, aujourd’hui ingrates à déchiffrer.


Les écritures modernes

L’influence de l’imprimerie et la recherche par les humanistes des plus anciens manuscrits amenèrent à faire un choix parmi les écritures en présence, anciennes et nouvelles. La minuscule caroline fut remise au premier rang et généralisée par les copistes sous le nom d’écriture humanistique, puis par les imprimeurs sous le nom de romaine. Depuis cette époque, l’écriture manuscrite a poursuivi son chemin : si l’écriture allemande s’est longtemps attachée à la tradition gothique, la cursive d’Italie s’est répandue en Europe à partir du xviie s. pour aboutir à l’écriture anglaise.

R. H.

➙ Caractère d’imprimerie / Écriture.