Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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paléoclimatologie (suite)

L’épisode glaciaire

Il est important de prendre ici en compte les espaces qui furent englacés et ceux qui ne le furent pas. On distingue essentiellement les glaciations alpines, scandinaves et nord-américaines, les premières étant à caractère montagnard, les autres relevant du type inlandsis. La chronologie établit la correspondance entre le Würm alpin, la phase de la Vistule scandinave et celle du Wisconsin américain. En remontant vers les périodes plus anciennes, on admet de même la correspondance entre Riss, Saale et Illinois, Mindel, Elster et Kansas, Günz et Nebraska. La plus ancienne glaciation connue ne s’est pas manifestée sur l’espace scandinave. Cependant la réalité est plus fluante à l’intérieur de chaque région concernée (épicycles d’avancées et de reculs) et aussi d’une région à l’autre qu’il n’est indiqué ici.

Aux latitudes moins extrêmes, qui ne connurent pas la glaciation, se sont posés aussi, et dans le même temps, les problèmes de variations climatiques (latitudes méditerranéennes et subtropicales désertiques de l’hémisphère Nord en particulier). Les épisodes pluviaires du Sahara sont-ils à mettre en phase avec les « poussées glaciaires » boréales ou avec les « interglaciaires » ? À la vérité, les deux hypothèses ont pu se vérifier, avec un pluviaire transgressif à partir du sud du désert en phase interglaciaire (cela correspond à une remontée vers le nord des processus pluvieux tropicaux). En tout état de cause, les grands étalements glaciaires ont dû repousser au-delà de la Méditerranée, vers le sud, le domaine d’affrontement des masses d’air polaires et tropicales, et, par conséquent, le front polaire et ses perturbations. La fin des glaciations s’est manifestée par un réchauffement. Celui-ci a abouti, à nos latitudes, à des températures supérieures aux températures actuelles vers 12000-10000 avant le Présent. L’évolution réalisée jusqu’à nos jours s’est faite selon des vicissitudes dont l’essentiel entre dans le cadre historique.


L’époque historique

Nous n’en retiendrons que les phases médiévale, moderne et contemporaine. Autour de l’Atlantique Nord (surtout nord-oriental), de 1000 à 1250 apr. J.-C., on a reconnu un temps doux et relativement sec. Celui-ci est devenu beaucoup plus perturbé (pluies, écarts thermiques sensibles) de 1250 à 1400. La stabilité accompagnée d’un refroidissement s’est manifestée de 1400 à 1600. C’est cependant de 1600 à 1850 que l’on a situé le « petit âge glaciaire ». La poussée glaciaire est alors devenue évidente dans les Alpes et en Scandinavie. Vers 1850 encore, le glacier du Rhône connaissait un énorme développement. De 1850 à 1940 environ, l’Europe du Nord-Ouest et le nord de l’Atlantique ont subi une phase de réchauffement (Laponie, Norvège, Spitzberg, U. R. S. S., Europe occidentale). On observe un certain renversement de la tendance depuis 1940. Il est difficile d’extrapoler de tels faits. Il semble, cependant, qu’à partir de 1885 (Willet) ait apparu sur plusieurs points du globe une tendance au réchauffement. Si la généralisation d’observations régionales est difficile, il en est de même de leur application à des cas locaux. En effet, depuis Grégoire de Tours, ce sont toujours, en France, les mêmes coteaux qui fournissent les vins renommés. La culture de la vigne n’a pas changé à Beaune depuis 1330, à Dijon depuis 1430. Or, selon M. Garnier, à qui nous empruntons ces précisions, la moindre modification permanente de la température ou de l’humidité aurait fait varier la position des grands vignobles. Et pourtant les vicissitudes « glaciaires » des Alpes, toutes proches de la Bourgogne, n’en sont pas moins, elles aussi, une réalité.


L’explication des faits


Les facteurs cosmiques

Ils peuvent intervenir par variation d’intensité dans l’émission solaire. Des cycles climatiques (cycles de 4 siècles, de 35 ans, oscillations de 11 ans), plus ou moins admis d’ailleurs, ont été mis en évidence. On a, dans le même ordre d’idées, recherché l’effet des taches solaires sur les changements de climat du globe. Là encore, les points de vue ne concordent pas. On convient, cependant, que les périodes de maximums de taches solaires accélèrent la circulation zonale, aggravent la nébulosité (et les pluies ?) et diminuent la température de l’air. La relation entre taches solaires et récession de la température semble particulièrement nette entre les tropiques (où la nébulosité doit corrélativement augmenter). Aux facteurs cosmiques, on peut rattacher la possibilité de variations de l’angle fait par le plan de l’équateur avec celui de l’écliptique, ce qui correspond à une modification de l’axe des pôles.


Les facteurs planétaires

On peut placer là la modification de composition de l’atmosphère (l’augmentation en CO2 aboutit à un réchauffement ; sous certaines conditions, la multiplication des poussières volcaniques, à un refroidissement). Les facteurs planétaires interviennent, avec les facteurs cosmiques, sur la « constante solaire ».


Les facteurs géographiques

Ils intéressent les rapports de l’atmosphère avec le substratum (répartition et caractères des terres, des mers et des reliefs). Parmi les relations qui interviennent en ce sens, il faut citer l’équilibre interne atmosphère-océans-glaciers. Cet équilibre peut être rompu, et, par conséquent, des variations climatiques peuvent se produire, en dehors de l’action de tous autres éléments que ceux qui sont évoqués ici. Dans le même ordre d’idées, les inlandsis actuels et les grandes forêts équatoriales, qui s’auto-entretiennent pour partie du moins, représentent de beaux exemples de l’équilibre géographique. Cet équilibre, s’il était rompu par une cause accidentelle (ou voulue par l’homme ?), ne se rétablirait pas. Non seulement l’inlandsis et la forêt, mais aussi les conséquences climatiques que leur présence imposait s’effaceraient. Il y a bien sûr quelque chose d’artificiel dans l’évocation de l’effacement ; il n’empêche que, celui-ci étant admis, ses effets donnent à réfléchir. La dérive des continents, la surrection des chaînes de montagnes, bien que constituant des événements géologiques, relèvent également de la variation climatique. On peut classer les modifications de la circulation atmosphérique dans ce groupe. Ces modifications existent : le flux actuel de sud-ouest est plus rapide sur l’Atlantique Nord qu’en 1800 ; la dépression d’Islande est plus au nord et à l’est qu’elle ne l’était à ce moment-là ; par ailleurs, une circulation zonale lente, avec multiplication des circulations méridiennes, semble se substituer actuellement, à nos latitudes, à une circulation zonale antérieurement plus rapide. Elles sont en phase avec des variations ou des oscillations climatiques. Il est bien entendu, cependant, que les transformations reconnues dans la circulation atmosphérique ne sont que les causes secondes de variations climatiques à l’origine desquelles on retrouve les facteurs cosmiques, planétaires et géographiques fondamentaux.