Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Pacifique (océan) (suite)

Le grand océan

Découvert en 1513 par l’Espagnol Vasco Núñez de Balboa, baptisé « mer Pacifique » (« el mar Pacífico ») par le Portugais Fernão de Magalhães (Magellan) en 1520 au sortir du tempétueux passage qui porte désormais son nom, le Pacifique couvre 180 millions de kilomètres carrés, le tiers de la Planète (soit sensiblement plus que les terres émergées), contient près de la moitié des eaux océaniques et possède les plus grandes profondeurs connues.


L’océan primitif

Il se différencie du reste de l’océan mondial par son instabilité, le manque de symétrie et l’exiguïté remarquable des plaines de remblaiement. Les cuvettes centrales, au soubassement de type « océanique » (v. océan) et au volcanisme basaltique, s’opposent aux marges continentales, caractérisées par des épanchements andésitiques au point que la « ligne andésitique » a été fréquemment choisie comme démarcation de l’océan véritable.


Les cuvettes océaniques

• La partie sud-orientale (au sud-est d’une ligne allant de l’est de la Nouvelle-Zélande au Mexique) est celle qui, par son ordonnancement, se rapproche le plus des cuvettes océaniques de type atlantique. La dorsale (dite « pacifico-antarctique », puis « sud-est pacifique ») qui sépare les plaques (v. océan) Pacifique et Antarctique se rapproche de l’Amérique tout en se déboîtant le long de grandes zones de fracture (dites « de l’Eltanin », « de Juan Fernández », « de l’île de Pâques », « des Galápagos »). D’autres alignements de reliefs (« seuils » du Chili, de Nazca) qui joignent la dorsale au continent sud-américain ont une origine encore mal éclaircie ; aussi les géophysiciens ont-ils été amenés à distinguer les deux « sous-plaques » des îles de Pâques et Cocos. Les plaques divergent à partir d’une ligne de crêtes au relief parfois proéminent (présence d’îles), mais confus et privé de vallée médiane. Les contreforts s’ennoient rapidement sous des dépôts pélagiques pour former de grandes régions peuplées de collines abyssales. Les plaines sont absentes, sauf en bordure du continent antarctique* (plaine abyssale de Bellingshausen).

• La partie nord-occidentale, de loin la plus étendue, occupée par une seule plaque de lithosphère (dite « pacifique »), est profondément différente.

On perd la trace de la dorsale du Sud-Est pacifique au large du Mexique et de la Californie. Sa disparition paraît être le résultat de son décalage vers le nord-ouest le long de failles transformantes (golfe de Californie, faille de San Andreas) et de son engloutissement sous le continent américain, dont elle a provoqué la disjonction en horsts et bassins. Des alignements de reliefs trouvés devant la marge de l’Oregon et du Canada (dorsale Juan de Fuca) sont interprétés comme des tronçons isolés.

Toute la partie située à l’est du méridien 160° E. est occupée par de grandes zones de reliefs orientées de l’ouest à l’est (zones de fracture Chinook, Mendocino, Pioneer, Murray, Molokai, Clarion, Clipperton) et composées de gigantesques escarpements rectilignes, de fosses (dépassant parfois 6 000 m) et de reliefs postiches comme les pitons volcaniques et les monts sous-marins aplanis au Crétacé. Ces complexes morphologiques sont établis sur l’emplacement de failles transformantes qui découpent le versant occidental d’un ancien système de dorsales dont la zone axiale a disparu. Entre la zone Mendocino et la marge alaskienne, les sédiments venus des Rocheuses ont pu donner naissance à la plus grande plaine abyssale du Pacifique, parsemée de très nombreux monts sous-marins.

À l’ouest des zones de fracture, on trouve tout un ensemble de seuils sous-marins qui tous (sauf les montagnes Emperor au sud-est du Kamtchatka) sont orientés du nord-ouest au sud-est. Les plus importants portent des archipels (Hawaii, Carolines, Marshall, Cook, Société, Tuamotu). Ceux-ci sont constitués d’un puissant soubassement basaltique. Celui-ci affleure en certaines îles (exemple Hawaii) et sur le sommet des très nombreux guyots ; le plus souvent, il est ennoyé sous d’épais remblaiements détritiques (à éléments pyroclastiques parfois) formant des glacis étendus. Les parties les plus proéminentes furent couronnées par des entablements coralliens dont l’épaisseur peut dépasser plusieurs kilomètres édifiés au fur et à mesure de l’enfoncement du substratum. Les étroites plates-formes coralliennes sont porteuses, selon l’importance de la subsidence, de récifs frangeants (récifs-barrières) ou annulaires (atolls).

Le Pacifique, dont l’origine reste encore une énigme, apparaît à la fois comme : un océan initial qui existait avant l’émiettement du continent primitif (si l’expansion a cessé dans toute la partie nord-occidentale, elle se poursuit au sud-est) ; un océan en cours de réduction par suite de la rapide progression des continents sous lesquels une part importante de l’ancienne croûte océanique a déjà disparu.


Les marges continentales

La périphérie de l’océan est occupée par les plaques eurasiatique, indo-australienne et américaine, aux frontières desquelles le volume des édifices montagneux, l’intensité des plissements, la déformation des rivages et l’importance des manifestations volcano-séismiques traduisent la vie profonde de l’écorce terrestre. Ces marges continentales actives, le long desquelles se dissipent 80 p. 100 de l’énergie dépensée à la surface de la Terre, se rangent en deux grandes catégories très différenciées.

• La marge australasiatique forme une large façade dont la partie australe est fortement décalée vers l’est le long du grand décrochement de Mélanésie. Profondément découpée et précédée de mers bordières et d’archipels formant l’ensemble le plus continu qui existe au monde, cette marge a connu une morphogenèse conditionnée par celle des systèmes orogéniques et insulaires qui l’encadrent. En allant vers le large, elle comprend plusieurs éléments.
— La côte est le plus souvent élevée lorsqu’elle est taillée dans les socles d’âge secondaire ou les sédiments plus récents plissés et granitisés. Parfois, au contact des structures disjointes se sont établies de vastes plaines de remblaiement prolongées jusqu’à la mer par de magnifiques constructions deltaïques (Huanghe [Houang-ho], Yangzijiang [Yang-tseu-kiang], Mékong).
— Les plates-formes continentales larges sont formées par de puissantes accumulations qui reposent sur un substratum préalablement aplani et déformé au cours du Cénozoïque. On y a relevé de nombreux vestiges d’anciens modelés comme des paléovallées (plate-forme de la Sonde, mer de Timor) creusées ou réexcavées à l’occasion des oscillations pléistocènes du niveau de la mer.
— La pente continentale est creusée de très nombreux cañons comme le très remarquable réseau de vallées cartographiées en mer de Béring (cañons Zhemchug, Béring et Pribilof).
— Le chapelet de cuvettes marginales (mers de Béring, d’Okhotsk, du Japon, de la Chine méridionale, profonds bassins de l’Indonésie orientale, mers de Corail et de Tasman) a une morphologie très accidentée avec des fosses profondes (Indonésie, Mélanésie), des hauts-fonds volcaniques couronnés d’édifices coralliens (mer du Japon, mer de Chine méridionale) et des plateaux marginaux (mer de Corail). La formation de ces cuvettes paraît liée à des phénomènes d’extension affectant les bordures de plaques au point de faire apparaître parfois le soubassement océanique.
— Des seuils externes forment des guirlandes (souvent insulaires) depuis les îles Aléoutiennes jusqu’à la Nouvelle-Zélande. En ce dernier secteur, la disposition des structures apparaît très complexe puisque l’archipel est la partie culminante de chaînes sous-marines (de Lord Howe, de Nouvelle-Calédonie - île de Norfolk, des îles Chatham, de l’île Campbell) décalées le long d’un grand décrochement qui se prolonge vers le nord par les montagnes portant les archipels des Tonga et des Kermadec.
— Des fosses externes au tracé arqué (convexité tournée vers le large) forment un alignement pratiquement ininterrompu où furent sondées les plus grandes profondeurs du monde. Ce sont les fosses des Aléoutiennes (7 822 m), des Kouriles (10 542 m), de Honshū (8 412 m), des Ryūkyū (7 507 m), des Philippines (10 540 m), des Tonga (10 024 m) et des Kermadec (10 047 m). Cette dernière se poursuit à l’est de la Nouvelle-Zélande, où elle disparaît par comblement. Ces formes liminaires résultent du plongement de la croûte océanique sous l’arc insulaire chevauchant. La mer des Philippines (dont l’origine et la nature sont encore mal établies) est fermée à l’est par un nouvel alignement insulaire (Bonin, Mariannes, Carolines) bordé par la plus grande fosse du monde (dite « des Mariannes » : 11 022 m au trou du Vitiaz).