Organiste et compositeur allemand (Nuremberg 1653 - id. 1706).
Par opposition à D. Buxtehude*, porte-drapeau des organistes baroques d’Allemagne du Nord, Pachelbel, autant nourri de la sève italienne qui alimente les compositions des principaux musiciens d’Allemagne du Sud que du choral germanique, incarne la sévérité et la symétrie d’un strict contrepoint auquel J.-S. Bach ne sera jamais insensible.
Ce fils d’un négociant en vins travaille avec Johann Kaspar von Kerll (1672-1677) et fait ses débuts d’organiste à Vienne en 1673 avant d’occuper les postes d’Eisenach (1677), de la Predigerkirche d’Erfurt (1678), de la cour de Stuttgart (1690-1692), de Gotha (1692-1695), puis enfin de Saint-Sébald de Nuremberg (1695-1706). C’est dans cette dernière ville qu’il meurt en 1706.
Les « Viennois » J. J. Froberger*, Wolfgang Ebner et Alessandro Poglietti, puis le Saxon J. K. von Kerll ayant tous été élèves de maîtres italiens (G. Frescobaldi*, G. Gabrieli* et G. Carissimi*), il n’est pas étonnant que le style ultramontain, par le biais de leur enseignement, se soit diffusé dans la partie sud des pays germaniques. En plus de Pachelbel, Kerll forme, en effet, Agostino Steffani, Johann Joseph Fux, Franz Xaver Murschhauser et Georg Reutter, tandis qu’à Augsbourg Sebastian Anton Scherer maintient la tradition frescobaldienne et que l’italianisant Erasmus Kindermann met ses disciples Heinrich Schwemmer et Georg Kaspar Wecker à l’école des maîtres vénitiens. La filiation devient très évidente quand on sait que Pachelbel a étudié auprès de l’un d’eux (Wecker). Pour s’en convaincre, il suffit d’interroger le Ricercare en « ut » mineur (influence de G. Gabrieli) ou de relire la Fantaisie en « sol » mineur (influence de Frescobaldi) de l’organiste de Nuremberg.
Dans l’œuvre de Pachelbel, il semble que l’orgue ait un peu éclipsé la musique de clavecin, la musique de chambre (excepté le célèbre Canon à trois voix sur une basse obstinée) et la musique vocale, qu’il serait regrettable de méconnaître. Si bien des œuvres écrites pour l’orgue (les partite en particulier) peuvent s’adapter au clavecin, les six séries de variations de l’Hexachordum Apollinis (1699) s’adressent nettement à l’instrument à cordes. D’autre part, italiennes par leur symétrie, leur système imitatif, les six partite pour deux violons et basse continue (Musicalische Ergötzung, v. 1691) constituent un important jalon entre l’art ultramontain et la pensée de Bach.
Quant à la musique vocale, elle comprend une vingtaine de cantates, une trentaine de motets et messes ainsi que treize Magnificat. Encore assez mal connue, cette œuvre s’appuie sur le choral, qu’elle exploite de très diverses manières : harmonisé, fugué ou dans l’esprit du choral d’orgue figuré avec cantus firmus. Si l’aria de soliste est utilisé dans les cantates, les motets sont presque toujours conçus pour chœur à quatre voix et basse continue, parfois même en double chœur (Nun danket alle Gott), dans la tradition vénitienne. Le très beau Magnificat en « ré » majeur oppose, selon le découpage du texte, dont l’esprit est fidèlement servi par la musique, des épisodes verticaux à des fugati qui annoncent parfois Händel.
L’œuvre d’orgue trouve dans le choral une inépuisable source d’inspiration. Qu’il soit traité dans une simple polyphonie manuelle, dans la forme d’un choral figuré ou varié (Musicalische Sterbens - Gedancken, 1683), il fascinera J.-S. Bach jusque dans sa dernière œuvre. À côté de ces chorals, les versets de Magnificat offrent un grand choix de fugues brèves de caractères nettement différenciés, et les toccate, en faisant appel à une certaine virtuosité, nous révèlent que l’organiste sait, quand il le veut, se montrer capricieux en sacrifiant à une mode ornementale. Nous en dirons autant des deux chaconnes qui ouvrent la voix à la Passacaille en « ut » mineur du cantor de Leipzig. Quant au Ricercare et à la Fantaisie en « sol » mineur, nous en avons déjà souligné l’esthétique italienne.
Cette rigueur, cependant, jusque dans les ultimes œuvres de Bach, Mozart, Beethoven, Mendelssohn, Brahms, servira d’étiquette à la pensée musicale allemande qui souscrit plus volontiers au développement et au contrepoint qu’à cette fantaisie débridée dont les organistes nordiques ont donné, au xviie s., la seule exception majeure.
F. S.