Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
O

oxydoréduction (suite)

Dosages d’oxydoréduction

Les dosages d’oxydoréduction ont pour but de déterminer, à l’aide d’une réaction complète d’oxydoréduction, la molarité d’un oxydant ou d’un réducteur en solution. De façon analogue aux dosages acidobasiques, les dosages d’oxydoréduction nécessitent des solutions titrées d’oxydants et de réducteurs, ainsi que des indicateurs de fin de réaction.


Solutions titrées

On dit qu’une solution d’oxydant est normale si l’oxydant qu’elle contient par litre absorbe une mole d’électrons en passant en totalité à l’état de réducteur conjugué ; de façon analogue, une solution normale réductrice cède une mole d’électrons par litre. On utilise souvent des solutions déci-normales (N/10) d’oxydant ou de réducteur ; ainsi, une solution oxydante N/10 d’iode
(couple redox I + e ⇄ I)
renferme par litre 1/10 atome-gramme, c’est-à-dire 12,7 g d’iode (additionné de KI pour que la dissolution soit possible) ; de même, une solution N/10 de permanganate de potassium (couple redox

renferme par litre 1/50 mole KMnO4, c’est-à-dire 3,16 g.

D’après les définitions précédentes, deux solutions oxydante et réductrice de même normalité réagissent l’une sur l’autre volume à volume. Si les normalités N1 et N2 sont différentes, les volumes v1 et v2 réagissants sont en raison inverse des normalités :
v2/v1 = N1/N2 ;
cette égalité résout les problèmes de dosage, à condition de pouvoir mesurer avec précision le volume v2 de solution titrée (N2) qui réagit exactement sur le volume v1 de la solution de normalité N1 inconnue. On dispose pour cela d’un indicateur d’oxydoréduction, substance contenue dans le mélange et qui change de teinte (vire) dès que la réaction est achevée. Il est fréquent que cet indicateur soit une des espèces réagissantes : en iodométrie, la disparition des dernières traces d’iode fait également disparaître sa coloration brune, ou mieux la coloration bleue qu’il communique à un peu d’empois d’amidon ajouté ; en manganimétrie, quand le permanganate est employé en milieu acide, selon le couple et progressivement ajouté à la solution réductrice (sel ferreux, oxalate, eau oxygénée...), cette solution, pratiquement incolore tant que la réaction n’est pas terminée, conserve la teinte violette de l’ion dès que celui-ci est en léger excès. Il est cependant parfois nécessaire, pour effectuer un dosage redox au moyen d’un changement de teinte, d’ajouter au mélange une faible quantité d’un indicateur*, convenablement choisi, d’oxydoréduction.


Variation du potentiel d’oxydoréduction au cours d’un dosage redox

C’est la variation de la f. é. m. E de la pile :
Pt / solution en cours de dosage / jonction KCl / électrode de référence
lors de la réaction totale
ox1 + red2 → ox2 + red1.
On peut prévoir, et l’expérience confirme, que la courbe de variation de E en fonction du degré x d’avancement de la réaction est en tous points comparable à celle de variation du pH dans un dosage acido-basique ; elle comporte en particulier en fin de réaction (point équivalent) une zone de variation rapide de E, variation d’autant plus importante que la différence de force entre ox1 et ox2 est plus grande ; le dosage est donc facile et précis, et s’effectue dans la pratique, comme dans le cas des réactions acide-base, à l’aide d’un potentiomètre adapté aux d. d. p. à mesurer ; un pH-mètre peut servir moyennant un changement d’électrodes et un décalage éventuel de l’échelle des volts.


Calcul des coefficients dans une équation d’oxydoréduction

L’écriture d’une telle réaction s’effectue rationnellement par combinaison de deux couples redox, réalisée de façon à faire disparaître les électrons, lesquels ne peuvent exister à l’état libre ; le sens dans lequel se produit la réaction résulte de la comparaison des potentiels redox. Exemple : soient les couples : , E°= 1,52 V (v. tableau) et  :

la combinaison qui fait disparaître les e donne

la comparaison des potentiels normaux imposant pour la réaction le sens de gauche à droite.

On peut aussi, la nature des produits étant supposée connue, calculer les coefficients d’une équation d’oxydoréduction, sans passer par l’intermédiaire des couples redox, en utilisant les nombres d’oxydation (N. O.).

Le nombre d’oxydation d’un atome dans une particule, molécule ou ion, est le nombre de charges élémentaires positives e+ que porterait cet atome si dans cette particule les électrons des liaisons étaient répartis d’une certaine manière entre les atomes. Le principe de répartition est d’attribuer les électrons de liaison à celui des deux atomes liés qui est le plus électronégatif. Les règles pratiques d’attribution d’un N. O. à chaque atome sont les suivantes :
— la somme algébrique des N. O. des atomes d’une particule est égale au nombre global des e+ de cette particule ; pour une molécule neutre, zéro ; pour un ion, sa valence électrochimique ;
— le N. O. de l’atome de fluor, le plus électronégatif des éléments, est – 1 dans tous ses composés ;
— le N. O. de l’atome d’oxygène est – 2 dans ses composés, sauf dans ses combinaisons avec le fluor, où il est + 2, et dans les peroxydes, tel H2O2, peroxyde d’hydrogène, où il est – 1 ;
— le N. O. de l’atome d’hydrogène est + 1 dans ses composés avec les non-métaux, mais il est – 1 dans les hydrures métalliques tels que NaH ou CaH2 ; etc. ; on peut ainsi de proche en proche déterminer le N. O. de chaque atome dans un grand nombre de composés.

Reprenons comme exemple l’oxydation de l’ion oxalate par l’ion permanganate en milieu acide, avec formation d’ion manganeux et de dioxyde de carbone. Elle s’écrit, pour l’essentiel :

L’emploi des N. O. pour le calcul de x et y repose sur la remarque suivante : dans toute réaction d’oxydoréduction, l’oxydation d’un atome augmente son N. O. du nombre des électrons qu’il perd, la réduction d’un atome diminue son N. O. du nombre des électrons qu’il gagne ; comme la réaction n’est qu’un transfert d’électrons sans apport de l’extérieur, la variation algébrique totale des N. O. du premier au second membre est nulle. Ainsi, dans , le N. O. de Mn est + 7, et dans Mn2+ + 2, variation du premier au second membre, – 5x ; dans , le N. O. est + 6 pour 2C, on prendra + 3 pour chaque C ; et dans CO2, + 4 ; variation du premier au second membre : + 2y ; quant au N. O. de l’oxygène, combiné au second comme au premier membre, il ne varie pas ; on doit donc avoir : – 5x + 2y = 0, relation satisfaite avec x = 2, y = 5, plus petits nombres entiers. On achève l’écriture de l’équation en faisant intervenir des ions H+ (on sait d’ailleurs que la réaction a lieu en milieu acide) qui, avec l’oxygène excédentaire du 1er membre, donneront des molécules d’eau ; le nombre d’ions H+ à faire intervenir peut être déterminé par la condition évidente que la charge électrique globale des deux membres doit être la même. D’où ici :

R. D.

➙ Électrochimie / Équilibre chimique / Indicateur / Ion.

 R. Wurmser, Oxydations et réductions (P. U. F., 1931). / W. M. Latimer, Oxydation Potentials (New York, 1952).