Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
O

Ouro Prêto (suite)

La place principale, où s’élèvent face à face deux nobles édifices publics, le palais des gouverneurs (auj. école des mines) et l’hôtel de ville (auj. Museu da Inconfidência, musée historique), occupe une étroite plate-forme accrochée à la montagne, d’où les deux quartiers primitifs, celui d’Antônio Dias et celui du Pilar, dégringolent presque à pic jusqu’au fond de ravins boisés.

Les nombreuses églises sont à la fois presque semblables et d’une charmante variété. Paroisses ou chapelles des confréries qui remplacèrent les monastères prohibés, elles sont toutes de dimensions modestes. La luxuriance polychrome des nefs, où les retables de bois doré, les voûtes peintes à fresque, les cascades d’amours et de guirlandes composent des décors pleins de grâce et de gaieté, contraste avec la simplicité extérieure de ces églises, dont les silhouettes, pour autant, ne manquent souvent pas d’originalité. Les plus anciennes (Antônio Dias, São Miguel) présentent comme au Portugal des façades sobres à fenêtres régulières et fronton, encadrées de clochers carrés. Mais celles de la seconde moitié du xviiie s. — São Francisco de Assis, Nossa Senhora do Monte do Carmo (les Carmes), Nossa Senhora do Pilar, Santa Ifigenia (le Rosaire-des-Noirs) — transposent ingénieusement, à travers le Portugal, les recherches de mouvement et de courbes contrastées du baroque germanique. Plans ovales, tours rondes, tours plantées obliquement et en retrait de la façade, façades convexes, etc. : le pittoresque des architectures s’associe heureusement au pittoresque du site. En outre, les portails à « frontispices » délicatement sculptés manifestent le talent du grand architecte et sculpteur mulâtre Antonio Francisco Lisboa, dit l’Aleijadinho* (1730-1814), qui, à la suite de son père, Manuel, fut le grand créateur des églises d’Ouro Prêto.

L’architecture civile, si elle n’offre pas de monuments comparables, présente une homogénéité rare. Les principales rues sont bordées de palais sobres, à grandes vérandas et à balcons, souvent peints de tons clairs, qui attestent — comme plusieurs charmantes et capricieuses fontaines — le raffinement d’un passé aussi brillant que bref. Dès les dernières années du xviiie s., l’épuisement rapide des filons aurifères provoque le malaise économique et des mesures fiscales impopulaires.

Assoupie durant le xixe s., dépouillée de son rang de capitale par la ville nouvelle de Belo* Horizonte, Ouro Prêto revit aujourd’hui par son école des mines justement renommée, mais aussi comme centre de tourisme, d’expositions, de festivals, reliquaire d’un art qui compte d’autres témoins notables, mais dont nulle autre ville n’offre un miroir aussi complet.

P. G.

 M. Bandeira, Guida de Ouro Prêto (Rio de Janeiro, 1938 ; trad. fr. Guide d’Ouro Prêto, Rio de Janeiro, 1948).

Ourouk

Ville ancienne de basse Mésopotamie, dont le site est occupé du VIe millénaire au iiie siècle apr. J.-C.


On la désigne généralement sous cette forme akkadienne de son nom, qui, dans les textes sumériens, est écrit Ounou, Ouri ou Iri. Connue dans les textes bibliques sous le nom d’Érech, elle apparaît comme un maillon essentiel de l’évolution qui conduisit en pays sumérien la société villageoise du Néolithique à la civilisation urbaine des temps historiques (fin du IVe et début du IIIe millénaire) ; il se pourrait donc que ce site recouvrit la plus ancienne cité de l’histoire.


Les énigmes d’Ourouk

Cette ville, à laquelle les textes historiques de la Mésopotamie attribuent une grande importance, a été située par les archéologues à Warka, nom arabe d’un ensemble de tells situé à 20 km au nord de l’Euphrate, qui devait passer autrefois à proximité de ce gros habitat de 500 ha. Signalé dès 1835 par les Britanniques J. B. Fraser et L. Ross, le site de Warka est fouillé pour la première fois par William Kennet Loftus (1849, 1852 et 1853). Mais le dégagement méthodique des couches anciennes sera le fait des archéologues allemands, dont le premier est Julius Jordan (1912) et dont l’activité n’a été interrompue que lors des guerres mondiales.

En dépit de la découverte de très nombreuses tablettes cunéiformes provenant des archives des temples de différentes époques, les spécialistes ne sont pas parvenus à identifier de façon certaine les sanctuaires, qui ont pourtant accaparé l’essentiel de leur activité. L’Eana (« Maison du Ciel ») était-il consacré à Anou (dieu du Ciel) ou à Innin (déesse de la Fécondité, dont le nom s’écrit aussi Inana ou Inanna et qui reçoit au IIIe millénaire av. J.-C. le titre sémitique d’Ishtar). Le temple du « bâtiment sud » des Allemands est-il réellement l’Irigal (ou Eshgal) dont parlent les textes et qui était dédié à Ishtar et à Nanâ (une déesse mère) ? La « ziggourat d’Anou » (Ve-IVe millénaire) a-t-elle été autre chose qu’une terrasse portant un temple, et peut-on la rattacher au culte d’Anou, qui n’est attesté en ce lieu qu’à partir du iiie s. av. J.-C. ?


Un grand foyer de la civilisation mésopotamienne (VIe-IVe millénaire)

L’habitat d’Ourouk, attesté dès la phase de la céramique de Hadjdji Muhammad (fin du VIe millénaire), remonte sans doute au grand mouvement qui a colonisé pour la première fois la basse Mésopotamie (v. 5500). Très tôt, sa population se donne un temple périodiquement reconstruit sur une terrasse à chaque fois rehaussée (la prétendue « ziggourat d’Anou »). Elle forme déjà une communauté urbaine lorsqu’on atteint le niveau VII de l’Eana (v. 3700), qui a livré les plus anciens bâtiments décorés de mosaïques ; celles-ci sont constituées par les têtes coloriées de cônes de terre cuite enfoncés dans l’argile fraîche des murs. Déjà, la céramique du site est passée du style d’Obeïd (VIe-IVe millénaire) à ceux d’Ourouk et de Djemdet-Nasr (IVe millénaire). Tandis que les temples continuent à se succéder sur l’emplacement de la « ziggourat d’Anou » jusqu’au « Temple blanc » du niveau le plus tardif, le lieu saint de l’Eana se couvre, à partir du niveau V (v. 3600), de bâtiments sacrés de grande taille associés en ensembles culturels complexes. Il s’agit de temples de forme allongée, au plan tripartite, aux façades ornées de redans, construits en briques crues et plus rarement en pierre calcaire qu’il fallait chercher à des centaines de kilomètres (fait qui suggère une grande puissance économique). Ces édifices, rapidement remplacés pour des raisons inconnues, ont livré, outre des mosaïques de cônes, les premières réalisations de la sculpture mésopotamienne sur pierre (tête de la « Dame d’Ourouk » ou « de Warka », vase de l’offrande à Innin). Le niveau IV (v. 3500-3300) contient les plus anciens exemplaires connus d’écriture pictographique et de sceaux de forme cylindrique (supérieurs aux cachets plats, car ils permettent de couvrir d’une empreinte continue le bouchon d’argile qui garantit l’intégrité d’un récipient ou d’un local fermé). L’écriture, qui a déjà dépassé le stade originel, se présente sous forme de dessins figuratifs conventionnels désignant les êtres et objets dénombrés dans la comptabilité des temples. Faut-il attribuer cette invention capitale de la première de toutes les écritures à Warka ? On en est moins sûr depuis que l’on a découvert que Suse, à 275 km de là, l’avait devancée dans la construction d’un temple monumental (dès 4000) [v. Élam].