Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
O

Ouganda (suite)

Le milieu

Pays d’altitude (moyenne de 1 200 m), sans ouverture sur la mer, l’Ouganda possède un relief varié, façonné pour l’essentiel dans les roches anciennes du socle précambrien. À l’ouest, les hautes terres cristallines du pays kiga, de l’Ankole, du Toro et du Bunyoro, entre 1 500 m et 1 800 m d’altitude, sont brusquement coupées par le fossé tectonique de la Rift Valley occidentale, jalonnée par les lacs Édouard, George et Albert, et dominée par le puissant horst cristallin du Ruwenzori (5 119 m), qui porte de nombreux glaciers. Au sud-ouest, la chaîne volcanique des Virunga, constituée par des grands volcans dont plusieurs dépassent 4 000 m, constitue la frontière avec le Ruanda. Les pays ganda et soga, au sud, ont un relief de collines entre le lac Victoria (altitude de 1 130 m) et le lac Kyoga, tandis que, dans l’Acholi, les pays lango, teso et le Karamoja s’étendent de vastes aplanissements dans le socle précambrien, dominés par des inselbergs et, au sud-est, par l’imposante construction volcanique du mont Elgon (4 321 m).

Le lac Victoria et la partie ougandaise de la Rift Valley occidentale sont tributaires du Nil. Les nombreux rapides et chutes (Owen Falls, Murchison Falls) constituent, en plus de leur attrait touristique, un potentiel hydro-électrique considérable.

Traversé par l’équateur, l’Ouganda possède un climat équatorial d’altitude, nuancé par la variété du relief. La pluviosité moyenne annuelle est en général supérieure à 1 mètre, le sud du pays aux abords du lac Victoria et les hautes terres de Ouest, où se trouve l’essentiel de la population, recevant entre 1,4 et 2 m. La pluviosité diminue vers le nord-est (entre 900 et 600 mm dans le Karamoja) et dans le fond de la Rift Valley occidentale.

La forêt dense équatoriale d’altitude ne demeure plus qu’en lambeaux résiduels exigus sur les rives et les îles du lac Victoria et sur les hautes terres de l’Ouest. Ailleurs s’étendent différents types de savanes plus ou moins arborées, humides à semi-humides, passant vers le nord-est plus sec et dans le fond de la Rift Valley à la savane à acacias, à la steppe ou au bush. Il faut signaler enfin les immenses étendues de marécages à papyrus, en particulier autour du lac Kyoga.

R. B.


L’histoire


L’époque coloniale

Peuplé de paysans bantous dont on ignore l’histoire, l’Ouganda fut, du xvie au xixe s., envahi par des pasteurs chamitiques et nilochamitiques qui refoulèrent les agriculteurs au nord-ouest du lac Victoria. Des chefferies et des États plus ou moins solidement structurés s’y formèrent, parmi lesquels le Bunyoro émergea au xviie s. Ses rois-prêtres (mukama) dominaient l’ensemble du pays à la fin du xviiie s., mais ils contrôlaient mal leurs États vassaux ; certains, le Toro, puis le Buganda, s’affranchirent. Ce dernier, sous l’autorité de son kabaka, assisté d’une bureaucratie centralisée, devint prépondérant. Le kabaka Mutesa Ier accueillit l’explorateur John Hanning Speke en 1862, puis Henry Morton Stanley en 1875, au moment où les marchands arabes venus de la côte et les émissaires égyptiens, pénétrant par le nord, étendaient leurs opérations de commerce d’esclaves et d’ivoire.

La menace égyptienne sur le Bunyoro explique que Mutesa Ier reçut volontiers les missionnaires protestants et les pères blancs en 1879. Après sa mort en 1884, son successeur, Mwanga, eut peine à maintenir son autorité sur les factions musulmane et chrétienne, et face aux intrigues des agents des deux compagnies à charte allemande et anglaise fondées en 1886 et 1888. Une longue période de troubles persista après le partage de 1890, qui plaça l’Ouganda dans la zone d’influence britannique et créa le protectorat de l’Ouganda (1894).

Sir Harry Johnston, chargé de l’organisation, signa des traités avec le Buganda en 1900, le Toro et l’Ankole en 1901 ; la domination britannique fut étendue au Bunyoro, au Busoga et aux chefferies du haut Nil, sans traités particuliers.

Encouragé par la construction de voies ferrées et de routes et par la multiplication des écoles et des dispensaires, le développement économique fut rapide. Les paysans bantous étendirent leurs cultures d’exportation de coton, café, thé, tabac, et s’initièrent aux religions et aux techniques occidentales. L’Ouganda comptait, en 1931, 4,5 millions de Noirs, 15 000 Asiatiques et 2 000 Blancs ; ils étaient respectivement 9,8 millions, 91 000 et 9 700 en 1970. La progression des Asiatiques, sextuplant tandis que les Noirs doublaient, explique en partie les mesures d’expulsion prises par le gouvernement de l’Ouganda indépendant en 1972.

La situation particulière du Buganda domina l’évolution du protectorat vers l’indépendance. Solidement structuré, cet État était, en 1940 encore, gouverné par son roi, le kabaka, entouré de trois ministres qu’il nommait et assisté des 66 membres du lukiko, obligatoirement consulté sur tous les décrets. Le traité de 1900 obligeait ce gouvernement à ratifier les décisions des autorités du protectorat installées à Entebbe, près de la capitale bugandaise de Kampala.


Vers l’indépendance

L’évolution de l’Ouganda vers l’indépendance paraît compliquée parce qu’elle s’accomplit sur trois plans qui interfèrent souvent : celui de la politique intérieure du Buganda, qui groupe près des trois quarts de la population totale ; celui de l’Ouganda, dont les Anglais voulaient faire un État unitaire ; celui de la fédération d’Afrique orientale.

Les Bugandais souhaitaient subsister indépendamment du reste de l’Ouganda. Leurs réticences se manifestèrent par le refus de vendre les terrains nécessaires à la construction de l’université ougandaise de Makerere en 1945. Le lukiko dut céder, mais le Premier ministre responsable fut assassiné. Le gouvernement de la reine mère, affaibli par l’absence du kabaka Mutesa II, qui poursuivait ses études en Angleterre, était critiqué par l’opposition des évolués, qui voulait démocratiser le régime féodal. Ce dernier concentrait tous les pouvoirs entre les mains de l’aristocratie des grands propriétaires, seuls représentés au lukiko. Le traité de 1900 avait autorisé les chefs de clans à s’approprier les terres collectives, et donc à percevoir des droits sur les récoltes des paysans. Des troubles éclatèrent dès 1945, sous la direction du syndicaliste Ignation Musazi. Ils reprirent en 1948 après la formation du Bataka Party de C. S. Mulumba et de l’Uganda African Union de Musazi. Quand Mutesa II, âgé de vingt-cinq ans, rentra de Cambridge en 1949, des délégations de mécontents assaillirent son palais. La révolte aboutit à une commission d’enquête, dont les recommandations multiplièrent les coopératives, qui passèrent de 4 en 1947 à 800 en 1953, et affranchirent le paysan de sa sujétion aux commerçants et aux égreneurs de coton étrangers.