Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Ottomans (suite)

La guerre de l’indépendance grecque, par l’enthousiasme qu’elle soulève en Europe, où Hugo et Byron, parmi d’autres, la chantent, par son âpreté, par les conflits internationaux qu’elle entraîne, fait encore plus de bruit. (V. Grèce.) En 1821, l’archevêque de Patras avait lancé un appel à l’insurrection, et des massacres de Turcs et de Grecs (massacre de Khíos, 1822) avaient creusé un profond fossé entre les adversaires. Le Sultan charge Méhémet-Ali d’intervenir : son fils Ibrāhīm occupe les principales villes de Morée. La Russie, qui avait encouragé en sous main les Grecs, les oublie pour satisfaire ses propres intérêts : le traité d’Akkerman donne au tsar le protectorat sur la Valachie et la Moldavie et reconnaît l’autonomie de la Serbie (1826). Mécontentes, la France et l’Angleterre proposent leur médiation. Le Sultan la repousse. Elles envoient leurs flottes en Méditerranée orientale. Celles-ci rencontrent à Navarin les escadres turco-égyptiennes et les détruisent (1827). Le Sultan lance un appel à la guerre sainte, qui permet aux Russes d’intervenir (1828) : à l’est, les troupes russes prennent Erzurum, marchent sur Trébizonde ; à l’ouest, elles prennent Edirne. Mahmud, terrifié, signe la paix. Par le protocole de Londres (1830), la Grèce est proclamée indépendante (à l’exclusion de la Crète) et la Russie reçoit le droit de s’installer sur le Prout et le Danube.

Méhémet-Ali, pour prix de son aide, demande au Sultan le gouvernement de Syrie. Devant son refus, il occupe le terrain convoité, avance en Anatolie jusqu’à Konya. Peu soucieuses de voir l’Empire ottoman tomber aux mains des Égyptiens, les puissances imposent leur médiation. En 1833, la paix de Kütahya et le traité d’Unkiar-Skelessi (en turc Hünkâr Iskelesi) donnent provisoirement satisfaction à Méhémet-Ali, mais sont surtout avantageux pour le tsar. En définitive, le vainqueur de l’affaire doit se contenter de conserver l’Égypte à titre héréditaire. Bien que nominalement vassale des Ottomans, l’Égypte ne cesse d’accroître son indépendance jusqu’au moment où elle est occupée par les Anglais (1882).

Partiellement protégé par le protocole des Détroits (1841) [souvent remis en cause] qui prévoit que le Bosphore et les Dardanelles doivent être fermés aux navires de guerre, l’Empire ottoman jouit pendant quelque trente ans d’une période de relatif répit. De 1841 à 1852, la paix est presque totale ; de 1854 à 1856, la guerre de Crimée donne au Sultan de puissants alliés avec la France et la Grande-Bretagne. En 1859 pourtant, malgré l’opposition de la Porte, la Valachie et la Moldavie s’unissent pour donner bientôt naissance à la Roumanie* ; en 1860, les Français débarquent au Liban pour aider à la formation d’une province autonome gouvernée par un chrétien ; en 1866, la Crète se soulève, mais en vain.


L’homme malade

Après la défaite française de 1871, la Russie reprend son offensive contre les Turcs, et les soulèvements recommencent dans les Balkans. La dure guerre russo-turque de 1877 s’achève par le traité de San Stefano (1878), dont les effets sont atténués par le congrès de Berlin. Le dogme de l’intégrité ottomane est néanmoins frappé à mort ; la création d’une Grande Bulgarie vassale rend presque illusoire la domination turque au-delà de la Thrace. Abdülhamid II (1876-1909), le « Sultan Rouge », promulgue en décembre 1876 la première constitution, mais ne songe guère à l’appliquer. Retiré dans son palais de Yıldız, ce prince réactionnaire cherche par tous les moyens à écarter les libéraux et les réformateurs et écrase avec une impitoyable dureté tous ceux qui osent le braver (exil, en 1881, puis exécution, en 1884, du grand vizir Midhat Paşa, massacre des Arméniens révoltés, 1894-1896). Du moins parvient-il à durer. Il doit cependant accepter le traité du Bardo, qui consacre le protectorat français sur la Tunisie* (1881), reconnaître l’autonomie de la Crète* (1898), puis l’indépendance de la Bulgarie* (1908).

Les Balkans sont à feu et à sang quand éclate la révolution jeune-turque de juillet 1908. Tardivement, les Turcs ont découvert à leur tour le nationalisme et c’est contre la tutelle économique et financière des États occidentaux (concessions pour la construction de voies ferrées, de ports, pour l’exploitation de mines et l’électrification) tout autant que contre la politique impériale qu’ils se sont unis (comité « Union et progrès » de 1894-95). Abdülhamid II se résigne à rétablir la Constitution de 1876. En 1909, il essaye de réagir. Les troupes de Salonique marchent sur Istanbul et le déposent. Son frère Mehmed V (1909-1918) laisse le champ libre aux Jeunes-Turcs. Virant de bord, ceux-ci deviennent vite nationalistes et dictatoriaux.


Les dernières guerres ottomanes

Profitant des troubles qui sévissent dans l’Empire, l’Autriche décrète en 1908 l’annexion de la Bosnie et de l’Herzégovine. En septembre 1911, l’Italie envahit la Tripolitaine : les troupes turques offrent une résistance inattendue, mais les préludes de la guerre balkanique les obligent à abandonner la partie (traité d’Ouchy, 15 oct. 1912). Le 18 octobre 1912, une coalition groupant la Bulgarie, la Serbie, la Grèce et le Monténégro déclare la guerre à la Turquie. Débordée, l’armée ottomane recule jusqu’aux abords de la capitale. Par le traité de Londres, le Sultan ne conserve en Europe qu’Istanbul et une mince bordure de territoires autour de la ville. Mais le partage des dépouilles du vaincu provoque une deuxième guerre balkanique : les Turcs en profitent pour reprendre Edirne (1913).

Un triumvirat dirige alors le pays : Talat Paşa (1874-1921), ministre de l’Intérieur, Cemal Paşa (Djamāl Pacha, 1832-1913), gouverneur de la capitale, Enver Paşa (1881-1922), « vice-généralissime ». Bien que des avances soient faites à la France et à l’Angleterre, Talat et Enver négocient secrètement avec l’Allemagne une alliance qui entraînera la Turquie au côté des puissances centrales dans la Première Guerre mondiale (31 oct. 1914).