Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

architecture (suite)

Le romantisme architectural

Il comprend à la fois le néo-gothique et le retour à des architectures « nationales » ou supposées telles. Apparu en Angleterre dès 1785, il est sensible aux États-Unis vers 1800, en France et en Europe centrale vers 1820. Ce phénomène, moins général que le néo-classicisme, est en rapport avec le mouvement littéraire, avec le réveil des nationalités en Europe, avec une certaine attitude anticlassique des Églises (catholique et protestante). Aussi, le néo-gothique est-il largement employé dans les constructions religieuses : à l’église Saint Peter de Brighton (1823-1826) par Charles Barry (1795-1860) ; à la cathédrale d’Ely (1847) par George Gilbert Scott (1811-1878). Mais le plus important édifice par ses dimensions comme par son influence reste le Parlement de Westminster, à Londres (projet : 1836), où Charles Barry, en collaboration avec Augustus W. Pugin (1812-1852), adopte le « gothique vertical » comme spécifiquement anglais.

En France, le néo-gothique reste surtout décoratif. François Chrétien Gau (1790-1853) et Théodore Ballu (1817-1885) réalisent quelques pastiches corrects, mais froids ; par contre, il est important de retenir dans leur œuvre l’utilisation de la fonte pour l’église Sainte-Clotilde à Paris. Les ouvrages qui suivront, comme la cathédrale de Marseille (dont les plans [1854] sont dus à Léon Vaudoyer [1803-1872]) ou Saint-Ambroise à Paris (par Théodore Ballu), empruntent leur inspiration à d’autres périodes médiévales que le gothique et démontrent la fragilité de la distinction établie avec l’éclectisme.

En Allemagne, on restaure beaucoup, on construit en « alt deutsch » des châteaux (Neuschwanstein), des brasseries (Hofbräuhaus, Munich) ; enfin, aux États-Unis, nombre d’universités se complairont au néo-gothique.

L’influence du néo-gothique est aussi indirecte, en ce sens que l’étude structurale des édifices médiévaux, notamment sous l’impulsion de Viollet-le-Duc*, a préparé la voie aux emplois raisonnes du fer et du béton armé. Henri Labrouste (1801-1875), Auguste Perret* annihileront le mur portant, comme les maîtres d’œuvre gothiques, en exaltant le rôle des points d’appui. Si le romantisme architectural paraîtra se perdre dans l’éclectisme du point de vue formel, il se prolongera ainsi jusqu’au fonctionnalisme.


L’architecture en fer*

Au début du xixe s., le fer est le matériau de la révolution industrielle. Introduit de vive force dans une architecture épuisée par la répétition académique ou la dispersion éclectique, il viendra combattre l’une et l’autre de ces tendances, en même temps que se produira une rénovation des arts mineurs et du style décoratif : ce sera l’épisode de l’« Art* nouveau ». Le fer joue donc un rôle important dans l’architecture du xixe s., depuis la construction du pont sur la Severn (1779) jusqu’à la Samaritaine (Paris, commencée en 1905) de Frantz Jourdain (1847-1935). Mais la galerie des Machines (Paris, 1889) comme la tour Eiffel ne furent pas des achèvements, ainsi que le pensaient les contemporains : elles ouvrirent la voie à notre architecture contemporaine.


L’éclectisme* en architecture

Si l’architecture éclectique est quelque peu oubliée aujourd’hui, elle n’en représente pas moins un phénomène qui a duré près d’un siècle et s’est manifesté dans tous les pays. Apparu dès 1825, coexistant avec les tendances classicisantes et gothicisantes, avant de les recueillir à côté d’un grand nombre d’autres, l’éclectisme est quasi général vers 1855. On peut le définir comme alliant à une construction de bonne qualité (et parfois techniquement innovatrice) un « style », n’importe lequel à vrai dire selon le jour ; peut-être peut-on lui pardonner ses outrances pour avoir, jusqu’en 1914, admis l’agrément de l’inutile. C’est Venise et Florence surtout qui seront les grandes sources d’inspiration. De là un « italianisme » qui affectera toutes les catégories de construction. Charles Percier (1764-1838) et Pierre Fontaine (1762-1853) publient, après des relevés de palais (1798), des relevés de villas dont le succès fut durable. Charles Barry construit à Londres des clubs à l’italienne (Travellers’ Club, 1831 ; Reform Club, 1837) ; le tribunal de commerce de Paris se couvre d’un dôme florentin (Antoine Bailly, 1860-1865).

En fait, les édifices antiques, médiévaux ou Renaissance ne sont plus les modèles : à l’aide d’éléments ou de détails, on fabrique du Louis XVI, du néo-classique, voire du baroque suivant des modalités et un rythme qui diffèrent dans chaque pays.

En Allemagne, le goût éclectique domine de 1825 à 1890. Il variera suivant les régions : Munich restera hellénisante ; Dresde sera marquée par l’œuvre de Gottfried Semper* ; Berlin montrera un mélange de Renaissance et de classicisme français.

En Angleterre, toutes les époques, tous les styles coexistent, du marché au blé de Leeds, qui est « arabe », à la cathédrale « byzantine » de Westminster. Vers 1870, le style semi-classique « reine Anne » s’impose par son pittoresque. L’éclectisme, sous la forme d’architecture régionale, est toujours pratiqué pour les cottages.

En France, l’italianisme est sensible sous Napoléon III. La triste monotonie des façades de maisons de rapport « hausmanniennes » tient au souci de rentabilité. Ailleurs se produit une sorte de curieuse spécialisation des « styles » par catégories d’édifices : les hôtels particuliers s’inspirent de la Renaissance ; c’est au style « Louis XII » que l’on fait appel pour les hôtels de ville, au style « Louis XIV » pour les casernes, jusqu’à ce que l’on mêle tous ces styles à l’Exposition de 1900 (Grand et Petit Palais à Paris). Les plus importants architectes éclectiques sont Hector Lefuel (1810-1881) [Louvre] et Charles Garnier (1825-1898), qui, à l’Opéra de Paris, pratique une séparation des volumes de l’édifice (escalier, salle, scène...) nettement « antiacadémique ».

En Italie, c’est après l’unification (1870) que l’éclectisme s’affirme, surtout dans cinq ou six grandes villes, où l’on copie les modèles anciens dont on dispose. La recherche du monumental n’a pas eu d’heureux effets à Rome ; plus réussies sont les galeries Victor-Emmanuel-II à Milan (1865-1877 ; couverture en fer et en verre).