Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Ottomans (suite)

Dans une certaine mesure, l’histoire des Ottomans peut se confondre avec l’histoire de la Turquie. Il importe de remarquer cependant que l’Empire ne regroupa jamais la totalité des peuples parlant turc, mais seulement la majeure partie de ceux qui forment le rameau occidental de cette famille linguistique. Parallèlement à lui, d’autres États turcs se développèrent, et de puissantes monarchies asiatiques dirigées par des Turcs se constituèrent. En outre, et malgré le rôle que les Turcs y jouèrent, l’empire fut pendant longtemps une véritable mosaïque de peuples rassemblés sous une autorité unique et concourant à sa grandeur : les religions, les langues, les coutumes, les mœurs y étaient différentes. Les seuls liens unissant ces éléments disparates étaient l’intérêt commun, l’Empire, c’est-à-dire la monarchie. Celle-ci ne chercha pratiquement jamais à créer un faisceau d’idéaux ; musulmane et turque, elle ne fit qu’exceptionnellement effort pour islamiser et turquiser. Si la grandeur musulmane était sans cesse exaltée, le nationalisme était si peu virulent que le mot « turc » lui-même était pratiquement inconnu ou servait à désigner le rustre, le paysan grossier. Ainsi cohabitèrent constamment le plus grand arbitraire et la plus grande tolérance.

Pendant plus de trois siècles, les succès furent presque continus. Quand les revers commencèrent, le souvenir de la pax osmanica maintint la cohésion pendant cent ans encore. Puis, lorsque sur des ruines accumulées passa le souffle du nationalisme moderne, l’Empire se désagrégea, non sans convulsions : tous les peuples qui le constituaient se dégagèrent de lui, déjà formés, structurés ethniquement, religieusement, parfois économiquement, aptes à former des États.

Titres et fonctions dans l’Empire ottoman

ağa des janissaires, chef du corps d’élite des janissaires.

Babıali, la Haute Porte, que nous nommons la Sublime Porte, ou la Porte. Ce mot désigne à l’origine le palais impérial, puis le siège du gouvernement, la résidence du grand vizir. La Porte ou la Sublime Porte est le gouvernement ottoman.

bey (au début, beg), seigneur, chef, titre honorifique donné aux officiers supérieurs et aux hauts fonctionnaires.

beylerbey, nom donné aux gouverneurs des provinces, qui sont au nombre de trois. Les sancak bey, les subaşı et les sipahi sont à la tête de districts, de fiefs militaires.

defterdar, ministre des Finances. Il siège au Divan.

Divan, conseil des ministres, présidé par le Sultan ou par le grand vizir.

grand vizir, sorte de Premier ministre. Le maître absolu après le Sultan. Il est nommé et révoqué par lui.

kadıasker ou kazasker, nom donné aux juges militaires, au nombre de deux.

kadı d’Istanbul, juge suprême à Istanbul. Il siège au Divan.

kadın, nom donné aux épouses légitimes du padişah, par opposition aux concubines. La première épouse se nomme baş kadın.

kâhya bey, sorte de ministre de l’Intérieur.

kapudanpaşa ou kaptanpaşa, le grand amiral. Il siège au Divan.

kızlarağası, chef des eunuques noirs. À partir du xvie s., il devient un des plus hauts personnages de l’Empire.

molla, juge dans les grandes villes. Le kadı est un juge ordinaire.

müfti ou müftii, dignitaire religieux et juriste. Il délivre des fetva, consultations juridiques, sortes de décrets.

nişancı, garde des Sceaux. Il siège au Divan.

paşa ou pacha, titre donné aux commandants en chefs, gouverneurs, puis aux plus hauts fonctionnaires.

reis efendi, chef de la chancellerie. Il devient, à partir du xviiie s., ministre des Affaires étrangères.

şahzade ou şehzade (« Fils du Chāh »), prince du sang, souvent le seul héritier.

şeyhülislâm (en ar. chaykh al-islām), müfti d’Istanbul. À partir de Mehmed II, il a autorité sur tous les müfti. Il « sacre » le souverain et préside à ses obsèques.

silhâhtar, chef des eunuques blancs.

Sultan, le chef temporel et spirituel. Son titre premier est padişah. Il est, à partir du xvie s., calife, commandeur des croyants.

Valide Sultane, la reine mère. Elle dirige le harem. Son rôle politique, nul d’abord, ne cesse de grandir à partir du xvie s.


Les origines

Osman Ier Gazi (1258-1326) appartenait à la tribu nomade des Kayı, l’une des vingt-quatre grandes divisions (boy) de la fédération des Oghouz, Turcs occidentaux, dont des groupes importants avaient envahi l’Iran, puis l’Asie Mineure au xie s., sous la direction de Selçuk, ancêtre éponyme des Seldjoukides*. On ne sait pas encore très bien si les Kayı étaient arrivés en Anatolie orientale en même temps que les Seldjoukides ou s’ils s’étaient arrêtés successivement dans les régions de Boukhara et de Merv, d’où ils auraient peut-être été chassés par l’invasion des Mongols de Gengis khān (1220-21). De toute façon, en 1224, ils sont installés à Ahlat, dans la région orientale de l’actuelle Turquie, alors pays arménien, dirigé par un certain Süleyman Şah, grand-père d’Osman Ier, qui mourra peu après, noyé, au cours d’une expédition plus à l’ouest. L’un de ses fils (ou petit-fils ?), Ertoğrul ou Ertuğrul, fidèle serviteur des Seldjoukides de Konya et sans doute officier à leur solde, obtient un fief dans le sud de la Bithynie. À sa mort, vers 1280-1290, il laisse trois fils, Savci, Gündüz et Osman. C’est ce dernier qui succéda à son père.

Nous sommes très mal renseignés sur ces anciens événements de l’histoire anatolienne, les historiographes officiels de l’Empire ottoman ayant fait ultérieurement reconstituer, avec plus de souci d’apologétique que de vérité, le récit de leur origine. Quelques faits cependant sont révélateurs de l’ambiance culturelle de l’époque. La famille d’Osman — et sans doute en même temps la tribu à laquelle elle appartenait — conservait encore certainement le mode de vie ancestral : la constitution du fief, comprenant un yayla, séjour d’été, et un kışlak, séjour d’hiver, montre qu’il répondait aux impératifs de la vie pastorale. Si la religion musulmane avait dû naturellement assez tôt le toucher, son islamisation devait être peu avancée et superficielle. Ertoğrul porte encore un nom « totémique » (Faucon Viril), et deux de ses trois fils des noms aux sonorités proprement turques. Il semble que l’accession au pouvoir d’Osman, le seul à avoir un nom musulman, ait été due, en partie au moins, soit à son affiliation à un ordre religieux militaire, soit à une influence des milieux cléricaux, en particulier à celle de son beau-père, le cheikh Edebali († 1325).