aperception

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Introduit par Leibniz dans le cadre d'une pensée de la conscience régie par le principe de continuité, ce concept a été repris par Kant dans celui, tout différent, de la distinction entre empirique et transcendantal.

Métaphysique, Psychologie

Conscience de soi-même, appréhendée par la perception interne et par la réflexion sur soi. Cette aperception empirique se distingue de l'aperception transcendantale.

Aperception et conscience de soi

L'aperception, comme perception distincte aperçue par la conscience, se distingue d'une perception dont on ne s'aperçoit pas, d'une perception insensible. Ainsi, la perception, définie par Leibniz comme « l'état passager qui enveloppe et représente une multitude dans l'unité ou dans la substance simple »(1), comporte des degrés relatifs à sa distinction. La nature de la monade, ou substance simple, consiste donc, dans la philosophie leibnizienne, dans la perception. Ainsi, toutes les substances ou monades, en tant qu'elles sont douées de perception, sont des réalités spirituelles. La monade n'est pas seulement une substance, mais également un centre de perception tel qu'entre les monades il n'existe qu'une différence de degré entre des perceptions plus ou moins distinctes, et par là entre le degré de perfection de ces monades. Ainsi, l'aperception, qui est connaissance réflexive, par la monade, de son état intérieur, c'est-à-dire conscience ou réflexion, apparaît dans un continuum conduisant du non-perçu au plus conscient.

L'aperception transcendantale

La détermination leibnizienne de l'aperception comme conscience de soi persiste dans la philosophie critique, quoiqu'elle s'inscrive dans une distinction pertinente, qui n'est plus celle du conscient et de l'inconscient, mais de l'empirique et du transcendantal. Alors que l'aperception, ou perception avec conscience, s'étend à tout objet, puisque la monade, de nature fondamentalement représentative, ne saurait être limitée à ne représenter qu'une partie des choses – bien que cette représentation soit confuse dans le détail de tout l'univers, et distincte uniquement dans une petite partie des choses(2) –, elle est restreinte, par Kant, à la seule conscience de soi, à l'objet du sens interne.

L'aperception empirique demeure la conscience de soi-même, comme « représentation simple du moi »(3), laquelle est toujours changeante, mais cette conscience de soi, appréhendée à partir du sens interne, est distincte de la perception de soi-même comme d'un sujet pensant en général, c'est-à-dire de la conscience de la pensée. Cette dernière, en tant qu'aperception transcendantale, est pure, originaire.

En effet, elle est la condition originaire de toute expérience, qu'elle précède et rend possible. Comme telle, elle est objective. L'unité transcendantale de l'aperception consiste dans la conscience du « je pense », qui accompagne et qui conditionne toute représentation et tout concept. Cette conscience de soi purement formelle et toujours identique à elle-même, à laquelle toute intuition et tout représentable se rapportent, est la condition de toute connaissance, c'est-à-dire de la liaison et de l'unité de nos connaissances entre elles. Elle fait de tous les phénomènes possibles, qui peuvent toujours se trouver réunis dans une expérience, un enchaînement de représentations suivant des règles. Elle est ainsi « le fondement transcendantal de la conformité nécessaire de tous les phénomènes à des lois, dans une expérience »(4).

Or, ce n'est que dans cette liaison d'un divers de représentations, données dans une conscience, que l'on peut se représenter l'identité de la conscience. L'unité analytique de l'aperception n'est donc possible que sous la supposition de quelque unité synthétique.

Caroline Guibet Lafaye

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Leibniz, G. W., la Monadologie, § 14.
  • 2 ↑ Ibid., § 60.
  • 3 ↑ Kant, E., Critique de la raison pure, éd. de l'Académie, t. III, p. 70.
  • 4 ↑ Ibid., t. IV, p. 93.
  • Voir aussi : Leibniz, G. W., Nouveaux Essais sur l'entendement humain, Garnier-Flammarion, Paris, 1990.

→ connaissance, perception, sens