évolutionnisme

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».

Anthropologie, Biologie, Philosophie de l'Esprit, Psychologie

Approche qui utilise les concepts et les outils de la biologie de l'évolution pour l'analyse des phénomènes cognitifs, éthiques ou culturels.

Dans le domaine de la cognition, l'évolutionnisme vise à expliquer l'existence, le fonctionnement, la diversité des systèmes et des sous-systèmes cognitifs, et les contraintes générales auxquelles ils sont soumis, en les considérant comme des adaptations résultant soit, littéralement, d'un processus de sélection évolutionniste ayant opéré sur nos ancêtres et les ancêtres d'autres espèces animales dans leur environnement d'origine, soit de processus de sélection analogues aux mécanismes de la sélection naturelle. Des stratégies évolutionnistes ont été proposées dans le cadre des programmes de naturalisation de l'intentionnalité. La sémantique téléologique de R. Millikan(1) développe ainsi l'idée que le contenu d'un état mental est fixé par les conditions de correction de cet état telles qu'elles sont déterminées par la fonction biologique qu'il sert. En épistémologie, certaines approches naturalistes font aussi intervenir des considérations évolutionnistes pour rendre compte de l'harmonie qu'elles supposent exister entre nos capacités psychologiques et la structure causale du monde, et ainsi entre ce que sont nos processus de formation de croyance et ce qu'ils devraient être(2). Il existe également des approches évolutionnistes des phénomènes culturels qui s'efforcent de montrer comment certains aspects des changements culturels peuvent être modélisés au moyen d'outils empruntés à la biologie des populations. C'est le cas notamment de la théorie de la transmission culturelle de R. Dawkins(3) selon laquelle les « mêmes », conçus comme ensembles d'informations organisées, seraient des unités de transmission culturelles soumis à des processus de réplication, de sélection et de mutation analogues aux processus opérant sur les gènes.

Ces approches évolutionnistes s'exposent à plusieurs critiques. Certaines portent sur la conception de l'évolution qui les sous-tend. Ainsi, le recours à une stratégie évolutionniste pour la naturalisation de l'épistémologie semble présupposer le caractère pan-adaptationniste et optimisateur de la sélection naturelle. D'autres soulignent les limitations d'une approche évolutionniste. On a notamment objecté que le recours aux notions de sélection naturelle et de fonction biologique pour naturaliser l'intentionnalité ne permettait pas de rendre compte du contenu déterminé des états mentaux. Enfin, certaines critiques soulignent le caractère forcé de l'analogie entre transmission biologique et transmission culturelle, la première étant caractérisé par la réplication, la seconde par le changement(4).

Élisabeth Pacherie

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Millikan, R. G., Language, Thought, and other Biological Categories, MIT Press, Cambridge (MA), 1984.
  • 2 ↑ Kronblith, H., Inductive Inference and its Natural Ground – An Essay in Naturalistic Epistemology, MIT Press, Cambridge (MA), 1993.
  • 3 ↑ Dawkins, R., le Gène égoïste, trad. L. Ovion, A. Colin, Paris, 1990.
  • 4 ↑ Sperber, D., la Contagion des idées, Odile Jacob, Paris, 1996.

→ culture, darwinisme, épistémologie, éthique, intentionnalité, téléosémantique