Bacchantes

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Prêtresses formant le cortège tumultueux (thyase) de Dionysos.

Appelées ménades (« furieuses »), bistonides (en Thrace où le culte du dieu est répandu), éviades (de « Evoé ! », le cri qu'elles poussent), elles célèbrent les mystères, la chevelure flottante couronnée de feuilles de vignes, vêtues de peaux de bêtes sauvages, seins nus le plus souvent, armées du thyrse, sorte de javeline recouverte de pampre, de lierre et de raisins. Durant ces manifestations nocturnes interdites aux hommes, elles poussent d'horribles hurlements et entrent dans des transes incroyables qui décuplent leurs forces.

Le roi de Thèbes, Penthée, qui ne croit pas à la puissance de Dionysos, s'attire la vengeance du dieu. Une nuit, caché derrière un buisson, il observe les femmes, Agavé (sa propre mère), Ino et Autonoé... Mais Autonoé l'aperçoit et pousse un cri qui alerte ses compagnes. Saisi de frayeur, Penthée se met à courir, bientôt poursuivi par les bacchantes, trop vite rattrapé. À peine ouvre-t-il la bouche d'étonnement que sa mère, rugissant comme une lionne, lui arrache la tête ; prenant de son pied appui sur son ventre, Ino tire sur un bras : il se détache de l'épaule ; Autonoé déboîte l'autre bras. La troupe des femmes se jette sur les restes du cadavre sanguinolent. Puis toutes retournent à Thèbes, souillées de sang. On connaît le nom de certaines bacchantes ou bassarides : Calycé, Eupétalé, Gorgé, Lycasté, Myrto, Nysa, Oinoné, Staphylé, Terpsichoré, Trygié.

Les Bacchantes d'Euripide

Une scolie d'Aristophane indique que la pièce a été représentée en 406 av. J.-C., après la mort du poète. Cette pièce fait partie des Légendes de Thèbes. Elle montre la toute-puissance divine et ne rend guère sympathique Dionysos.

Dionysos, sous l'apparence d'un mortel nommé Acétès, arrive à Thèbes, accompagné de ses ménades, afin d'y instaurer son culte. Cadmos et le devin Tirésias s'apprêtent, eux aussi, à célébrer le culte du dieu. Mais Cadmos a laissé le pouvoir à son fils Penthée, qui se refuse à croire au dieu ; il affirme que l'étranger n'est qu'un charlatan. Aussi tente-t-il de dissuader Cadmos et Tirésias de se rendre sur le mont Cithéron où doit se dérouler la cérémonie, accusant de surcroît le devin d'entraîner son père dans une folie. Malgré les exhortations des deux vieillards, Penthée ne célébrera pas les mystères bachiques. Davantage : il ordonne à ses gardes de capturer l'étranger et les bacchantes. Celles-ci, enchaînées, se libèrent de leurs chaînes comme par miracle. L'étranger, qui s'est fait arrêter sans la moindre protestation, est amené devant Penthée. L'entretien entre le souverain et Dionysos (déguisé) ne fait qu'accroître la colère du premier ; quant à Dionysos, il promet au roi un châtiment à la hauteur de son impiété.

Penthée fait enfermer l'étranger dans un cachot obscur. Dionysos s'en évade facilement, tandis que dans le même temps Penthée, frappé d'illusions, croit que son palais est la proie d'un incendie et que les murs s'écroulent.

L'étranger revient au palais, ce qui ne manque pas d'étonner Penthée. Un messager entre alors et rend compte à son roi de ce qu'il sait des bacchantes – des miracles, des prodiges qu'elles accomplissent : des sources de vin giclent, des ruisseaux de miel jaillissent... Il ajoute qu'afin de plaire à leur roi, des bergers et des bouviers ont décidé de soustraire sa mère, Agavé, au délire bachique. Mais Agavé, ayant aperçu l'un d'eux – alors que les cérémonies sont interdites aux hommes – exhorte ses compagnes à les pourchasser. Les bacchantes s'en prennent à leurs troupeaux : taureaux, vaches, génisses... sont massacrés, dépecés, déchiquetés. Elles saccagent tout sur leur passage. Aucune arme ne les blesse, et le sang qui les recouvre est celui de leurs victimes. Penthée se détermine alors à monter une expédition d'hommes armés pour chasser les bacchantes des montagnes, malgré les mises en garde de Dionysos : que peut un roi contre un dieu ?

Dionysos propose au souverain de l'emmener épier les bacchantes mais, pour ce faire, Penthée doit se déguiser en femme. Le piège se referme sur Penthée. Dionysos a d'ores et déjà décidé de son sort : le roi perdra la raison et, après avoir été, ainsi déguisé en femme, la risée de ses sujets, il périra égorgé des mains de sa propre mère ; celle-ci, qui avait refusé de reconnaître la divinité de Dionysos, sera donc l'instrument et la victime de la fureur bachique. Une fois sur le mont Cithéron, Dionysos signale à ses adoratrices la présence d'un intrus et leur commande de le châtier.

Capturé, Penthée dévoile son identité, mais Agavé, hors d'elle-même, croyant avoir affaire à une bête féroce, lui arrache un bras. Ino d'agir de même, et Autonoé, et toutes les bacchantes. Penthée est mutilé. Agavé lui tranche la tête et la place à la pointe de son thyrse. Elle retourne ainsi à Thèbes, présentant son trophée au peuple entier. Elle demande ensuite à voir son père, Cadmos, et son fils Penthée. Cadmos reconnaît la tête de son enfant et pousse des malédictions, devant une Agave incrédule qui croit toujours avoir tué une bête sauvage. Mais, progressivement, la raison lui revient. Cadmos lui fait comprendre qu'elle a assassiné son propre fils sous l'emprise du délire bachique.

Intervient Dionysos. Il prédit à Cadmos repenti qu'il commandera une horde de barbares, s'emparera de nombreuses cités et que lui et sa femme Harmonie, seront métamorphosés en animaux : Cadmos sera changé en dragon, Harmonie en serpent ; après quoi, Ares les transportera tous les deux aux îles Bienheureuses.

Cadmos est conscient que, malgré son âge avancé, il est contraint à l'exil et que, même après sa mort, il ne trouvera pas la paix de l'âme.

Voir aussi : Agavé, Penthée

Prologue des Bacchantes

Dionysos vient d'Asie à Thèbes pour instaurer son culte.

le chœur. Des régions asiatiques, des hauteurs du Tmolos, doux travail ! aimable fatigue ! j'ai, pour le service de Bromios, précipité ma course, célébrant les louanges du dieu. Qui est là, qui est là, dans ces rues, dans ces maisons ? Qu'on s'écarte, que chacun commande à sa langue un silence religieux ! Je vais, selon les saintes lois, entonner l'hymne de Bacchus.

Oh ! bienheureux le mortel qui, instruit dans la science sacrée, et s'abandonnant sur les montagnes à de pieux transports, purifie sa vie, sanctifie son âme ; qui célèbre les vénérables orgies de la grande déesse, Cybèle, ou bien, le thyrse en main, la tête couronnée de lierre, se consacre au service de Bacchus ! Allez, bacchantes, allez ; Bromios, Dionysos, ce dieu enfant d'un dieu, amenez-le des montagnes de la Phrygie dans les vastes villes de la Grèce.

Surprise des douleurs de l'enfantement, au moment où volaient vers elle ces foudres de Jupiter qui devaient la frapper d'un coup mortel, sa mère le rejeta de son sein ; mais le fils de Saturne le reçut, et, pour le soustraire à Junon, le cacha dans sa cuisse que refermèrent des agrafes d'or. Il l'engendra de nouveau quand les Parques, achevant l'œuvre, eurent rendu capable de naître le dieu aux cornes de taureau. Il lui ceignit la tête d'une couronne de serpents, et de là vint que la Ménade, armée du thyrse, entrelaça depuis sa proie venimeuse avec les tresses de ses cheveux.

Thèbes, nourrice de Sémélé, couronne-toi de lierre ; pour célébrer la fête bachique, pare-toi, pare-toi des rameaux verdoyants, des grappes fleuries du smilax, des feuilles du chêne ou du pin : revêts la dépouille tachetée de la biche, et par-dessus, la blanche toison de la brebis : qu'en tes mains le flambeau s'agite et menace. Tout ce peuple bientôt prendra part à la danse sacrée. C'est Bromios qui la mène à la montagne, à la montagne où déjà habitent ces femmes chassées en foule, loin de leurs navettes et de leurs fuseaux, par l'aiguillon du dieu.

Antre divin de Crète, qui fus la demeure des Curetés et le berceau de Jupiter, c'est dans ta retraite sauvage que les Corybantes, balançant sur leur front la triple aigrette de leur casque, inventèrent cet instrument arrondi que recouvre une peau sonore ; ils en mêlèrent le bruit aux doux accents de la flûte phrygienne ; ils le placèrent dans les mains de Rhéa, qui en accompagna le chant des bacchantes. Ravis et transportés, les satyres l'obtinrent de la déesse, et en animèrent les chœurs de ces Triétérides, qui charment Dionysos. « Oh ! quelle joie, dans les montagnes, portant la sainte peau de cerf, ou de suivre le chœur rapide, ou de s'en séparer pour se jeter sur la terre, y déchirer de ses mains les chairs saignantes des boucs, et puis reprendre sa course vers les sommets de la Phrygie, de la Lydie ! C'est Bromios dont la voix vous guide : Évoé ! Évoé ! De la terre coule le lait, coule le vin, coule le nectar des abeilles. On respire comme la vapeur de l'encens de Syrie. » Bacchos cependant, agitant la flamme de son flambeau, pressant de ses cris la marche furieuse, livre lui-même au souffle du vent sa molle chevelure. On l'entend qui s'écrie : « Allons, allons, bacchantes, délices du Tmolos et de ses sources au sable d'or, faites, en l'honneur de Dionysos, résonner vos tambours. Évoé ! Évoé ! Chantez, chantez votre dieu, et que les accents phrygiens de vos voix s'unissent à ceux dont la flûte harmonieuse réjouit votre troupe toujours errante ! À la montagne ! à la montagne ! » Ainsi dit-il, et joyeuse comme le jeune coursier qui suit sa mère emportée, bondit d'un pied léger la bacchante.

Euripide